Rioux | La nazification d’Israël
2024/05/11 Leave a comment
Useful reminder of past and present naïveté:
L’humour peut-il être ignoble et drôle tout à la fois ? Je l’avoue, il est arrivé que des humoristes qui flirtaient avec l’abject me fassent rire. Comme il m’est arrivé de m’ennuyer avec d’autres trop bien intentionnés. C’est tout le mystère de l’humour. Et c’est toute l’ambiguïté de cette blague qui, cette semaine, a coûté son poste au comique de France Inter Guillaume Meurice, qui avait qualifié le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, d’une « sorte de nazi mais sans prépuce ».
Peut-on en rire sans pour autant adhérer à cette infamie sans nom qui consiste à nazifier le peuple de la Shoah ? L’idée n’est pas nouvelle. Quelle jouissance de démasquer le loup déguisé en mère-grand et de dire à la victime qu’elle est devenue semblable à son bourreau. Comme le disait le philosophe Michel Eltchaninoff, rien de tel que de peindre les Israéliens en nazis pour « se libérer de la culpabilité d’une des plus grandes tragédies de l’histoire récente : le génocide des Juifs d’Europe » qui, à de très rares exceptions, n’a jamais été reconnu dans le monde arabo-musulman.
Ce n’est évidemment pas parce qu’on appartient à une droite dure, comme Nétanyahou, et qu’on s’est allié par pur opportunisme politique à des partis extrémistes qui sont la honte d’Israël qu’on est un nazi et qu’on prépare un génocide. Génocide dont on attend encore la preuve sonnante et trébuchante. Les deux millions de citoyens d’origine arabe qui vivent librement en Israël étant la preuve éclatante du contraire.
Les slogans entendus ces jours-ci sur les campus américains, français et canadiens n’en finissent pourtant pas de nazifier Israël, quand ils n’expriment pas parfois un antisémitisme flagrant. Ainsi en est-il du mantra « from the river to the sea » (« du fleuve à la mer »), dont l’origine n’évoque rien de moins qu’une Palestine où Israël aurait été rayé de la carte. Faudrait-il, pour soutenir le peuple palestinien — qui mérite toute notre compassion, répétons-le —, aller jusqu’à qualifier le pogrom du 7 octobre d’acte de résistance ? Ou en taire l’horreur absolue, ce qui revient au même ?
On peut certes comprendre le désir d’une génération élevée en banlieue, dans un moralisme souvent étouffant, de se rejouer la grande épopée de l’opposition à la guerre du Vietnam. « En 67 tout était beau, c’était l’année de l’amour », disait la chanson.
Un demi-siècle plus tard, la mythologie a pourtant pris quelques rides. Si la libération du Vietnam méritait le soutien de tous, il n’en allait pas de même des Viêt-Cong et de leurs alliés communistes, dont le véritable visage nous a été révélé quelques années plus tard par les multiples vagues de boat people et le génocide des Khmers rouges au Cambodge. Un vrai, celui-là, puisqu’il fit 1,7 million de morts.
Un demi-siècle plus tard, malgré l’émotion légitime, c’est pourtant la même naïveté béate qui s’exprime à l’égard du Hamas, dont l’objectif avoué n’est pas de créer un État palestinien, mais de rétablir le califat en Palestine. Et pour cela, d’en finir avec l’État d’Israël.
Serait-ce trahir « la cause » ou « faire le jeu de l’ennemi » que de rappeler à ces militants LGBTQ+ et autres « Queers for Palestine » le destin que leur réserverait la charia advenant une victoire du Hamas ? Quant à celles qui hurlent leur colère souvent légitime contre Israël, savent-elles le sort qu’on réserve aux femmes dans ces théocraties ?
C’est Raymond Aron qui disait que « les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font ». Cette naïveté criminelle fait étrangement penser à celle de cette gauche française qui, derrière Jean-Paul Sartre et Michel Foucault, n’avait dans les années 1970 que des mots doux à l’égard de l’ayatollah Khomeini, réfugié dans le petit village de Neauphle-le-Château. Parlez-en à cette jeunesse d’extrême gauche très active à l’époque dans les universités iraniennes, et qui sera littéralement exterminée après la révolution de 1979.
Si on a raison de dénoncer le cul-de-sac politique que représente Nétanyahou, l’émotion légitime que suscitent les souffrances des Palestiniens ne saurait justifier la moindre concession à une organisation qui, en islamisant la cause des Palestiniens au profit d’un pur délire religieux, signe pour ces derniers la plus terrible des défaites. « Ce que cherchait le Hamas, écrit l’ancien ambassadeur de France à Tel-Aviv Gérard Araud, c’est de commettre des atrocités qui rendent tout compromis inacceptable. Je crains qu’il n’ait réussi… »