Nicolas: Briser le silence… systémique

Of note:

Pour bien comprendre l’enquête du Devoir sur les plaintes pour racisme à la Ville de Montréal, rappelons d’abord le contexte. En 2016, une coalition de groupes de la société civile (dont je faisais partie) interpelle le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, pour demander une commission sur le racisme systémique. Le terme « racisme systémique » est alors nouveau pour une grande majorité de Québécois. Nous sommes plusieurs à expliquer, tant bien que mal, ce que c’est, et ce que ce n’est pas, sur les tribunes qu’on veut bien nous offrir.

On parle des politiques et des cultures institutionnelles qui créent et reproduisent des inégalités sociales. En réponse, on nous accuse de faire le « procès des Québécois » et on mélange les mots « systémiques » et « systématiques »… une distinction que tout un chacun fait déjà très bien lorsqu’il est question d’enjeux politiques, avec lesquels on est déjà plus à l’aise.

On pointe les milieux où il reste tant à faire pour briser l’omerta sur le racisme systémique au Québec, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la justice, de l’emploi. On nous rétorque qu’on peut résoudre la situation assez facilement sans s’embarrasser de tout ça. Utilisons des CV anonymes à l’embauche, organisons des foires d’emplois pour l’immigration en région, et le tour sera joué.

La commission provinciale sur le racisme systémique n’aura finalement jamais eu lieu. Mais l’idée aura fait son chemin dans la société civile, et fait évoluer les mentalités. Et quand George Floyd et Joyce Echaquan ont perdu leur vie devant les caméras, soudainement on était plus nombreux à avoir un mot pour nommer les choses.

La fin de non-recevoir à Québec ne découragera pas pour autant la mobilisation antiraciste. À Montréal, c’est l’ex-candidat de Projet Montréal, Balarama Holness, qui reprend la balle au bond, en 2018. À la Ville, on n’est pas plus pressé de nommer le racisme systémique et d’agir contre lui. Mais il existe une faille dans le système : les citoyens ont le pouvoir d’imposer un sujet de consultation à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) s’ils collectent au moins 15 000 signatures… à la main. Un groupe de jeunes rassemblés autour de Holness se relève les manches et réussit l’exploit.

Qu’on ne le perde pas de vue, donc : si la Ville de Montréal a reconnu l’existence du racisme systémique et s’est engagée à mettre en oeuvre les recommandations du rapport produit par l’OCPM, c’est parce qu’un mouvement citoyen lui a forcé la main. Il n’y a rien, mais absolument rien, dans la lutte contre le racisme à Montréal qui s’apparente à de l’enfonçage de portes ouvertes.

Dans la foulée de ce rapport produit au terme d’une consultation dont la Ville ne voulait pas, donc, on crée le Bureau de la commissaire de la lutte au racisme et aux discriminations systémiques. Plusieurs acteurs clés de la Ville de Montréal, bien sûr, n’en voulaient pas plus. Mais nous sommes au début de 2021, quelques mois à peine après George Floyd et Joyce Echaquan. Puisqu’il n’est pas exactement dans l’air du temps de nommer son malaise devant l’existence même du bureau, on concentre l’ensemble des critiques envers la personne qui le dirigera. Bochra Manaï encaisse, ne fléchit pas, et se met à l’ouvrage.

Son équipe a principalement un pouvoir de recommandations et d’accompagnement des différentes équipes de la Ville aux prises avec des problèmes de racisme. Nécessairement, dans le contexte, il est difficile de juguler les attentes des employés qui subissent du harcèlement raciste de la part de collègues, dans certains cas depuis des décennies. L’enquête du Devoir décrit une institution où les arrondissements, la ville-centre et les syndicats se passent la patate chaude des employés qui contribuent à un climat de travail toxique, sans qu’il y ait de véritables conséquences pour les fautifs. Les seules personnes qui devraient être ici surprises sont celles qui n’ont pas encore compris, après toutes ces années, le sens exact de l’expression « racisme systémique ».

Revenons donc à la question qui avait été lancée en 2016, soit l’importance de faire la lumière, de briser l’omerta et d’enfin agir contre le racisme systémique dans une foule d’institutions au Québec. L’administration municipale de Montréal s’est fait imposer ce travail, à la suite d’une mobilisation citoyenne, et on voit, notamment dans l’enquête du Devoir, ce qui se cachait. Des niveaux inouïs de harcèlement à caractère haineux, des employés qui se voient refuser des promotions sur le motif de la couleur de leur peau, des carrières brisées, des victimes dont la santé mentale finit par flancher, et bien sûr le tabou, véhiculé notamment par l’interdiction de parler aux journalistes.

Mais ce n’est pas parce que les projecteurs sont braqués sur la Ville de Montréal que les injustices y sont pires que dans les autres municipalités, ou que dans le secteur privé, les systèmes de santé et de services sociaux, d’éducation, de justice, etc. Simplement, Montréal a commencé à faire un travail qu’on refuse encore d’entamer ailleurs.

Lorsqu’on a un pied sur le terrain, auprès des communautés les plus affectées par le racisme, on a déjà entendu des centaines de témoignages semblables à ceux dévoilés par Le Devoir cette semaine, dans à peu près tous les secteurs d’emplois. Alors que le combat pour la liberté d’expression est très en vogue ces temps-ci, prenons un moment pour mesurer l’ampleur des mobilisations et de la résilience requises pour ne briser qu’une infime partie du silence sur le racisme systémique.

Source: Nicolas: Briser le silence… systémique

Nicolas: Ô Canada… quoi?

Of interest:

La star du R&B canadien Jully Black refusait de chanter l’Ô Canada dans des événements sportifs depuis déjà quelques années. En entrevue à la CBC, elle raconte avoir été profondément ébranlée par les nouvelles entourant la découverte présumée de tombes non identifiées d’enfants autochtones sur les terrains d’anciens pensionnats. Depuis, les mots ne venaient plus.

Le week-end dernier, elle a toutefois accepté d’interpréter l’hymne national pour un match des étoiles de la NBA… à sa façon. Plutôt que de prononcer les paroles anglaises habituelles « our home and native land » (« notre maison et terre natale ») , elle y est plutôt allée d’un « our home on native land » bien senti. Notre maison en terre autochtone. Il n’en a pas fallu plus pour que tout le pays réagisse.

D’un côté, sur les médias sociaux, son geste a suscité beaucoup d’admiration, notamment de plusieurs personnalités autochtones. De l’autre, des Canadiens très attachés à l’Ô Canada ont cru qu’elle avait outrepassé son rôle. La division dans les réactions n’est pas sans rappeler la tempête qu’a déclenchée le genou à terre de Colin Kaepernick en 2016. L’ex-joueur étoile de la NFL avait ainsi voulu attirer l’attention sur le problème de la brutalité policière aux États-Unis.

Sauf que nous ne sommes pas aux États-Unis. Et ici, l’hymne national a une histoire très particulière. On a presque envie de sourire devant un chroniqueur conservateur de Toronto qui croit qu’on ne peut pas toucher aux paroles de l’Ô Canada.

On a envie de lui rappeler que la musique originale est de Calixa Lavallée, et que le poème est d’Adolphe-Basile Routhier. Que l’hymne a été chanté pour la première fois le 24 juin 1880, pour les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. Que le mot « Canada », à l’époque, était encore largement synonyme du Canada français. Et que les traductions anglaises (oui, au pluriel — il y en a eu plusieurs) constituent déjà une forme de récupération politique d’un chant qui a été conçu pour parler de tout autre chose que ce qu’il représente aujourd’hui.

Au fond, le geste de Jully Black représente l’appropriation d’une appropriation d’une oeuvre. En en modifiant les paroles dans son interprétation, Black a posé un geste politique sur un chant dont la trajectoire est déjà liée intimement à l’évolution sociale du pays.

Ce n’est qu’en 1980, juste avant le rapatriement de la Constitution par Pierre Elliott Trudeau, que l’Ô Canada est devenu par loi l’hymne national du pays. Avant, des générations d’enfants avaient dû entonner God Save the Queen (ou King) dans les écoles du Dominion. Et en 2018, les paroles anglaises ont été modifiées par le Parlement, pour que le « true patriot love in all thy sons command » devienne un « true patriot love in all of us command », moins genré.

L’Ô Canada porte donc en lui les traces du nationalisme canadien-français du XIXe siècle, de l’autonomisation progressive du pays par rapport à l’Empire britannique au cours du XXe siècle, et de l’égalité des genres du XXIe siècle.

La réflexion sur la place des peuples autochtones au pays et sur l’histoire de la colonisation, qui a pourtant largement avancé dans les dernières années, se trouve encore absente du texte. Par son interprétation, Jully Black a repris une suggestion qui avait d’ailleurs été faite à maintes reprises auparavant, notamment sur nombre d’affiches dans les manifestations des dernières années.

Reste à savoir si, au-delà du moment viral, quelque chose de concret restera de son geste.
• • • • •
La réflexion ci-haut pourrait apparaître à première vue complètement futile. En effet, il y a mille et une crises urgentes dans le monde : un hymne national n’est certainement pas une priorité. Et même modifiées, les paroles d’un chant symbolique restent nécessairement symboliques. « Our home on native land » entonné avec la plus belle voix du monde ne fait absolument rien, concrètement, pour changer les rapports de force entre Autochtones et non-Autochtones au pays. On aurait raison, donc, de pointer du doigt les limites des discussions sur des sujets aussi complexes que la colonisation qui portent seulement sur des questions de représentations abstraites.

Ce qui est intéressant ici, c’est que le débat sur l’Ô Canada advient parce qu’il y a eu transformation — ou du moins, évolution — des mentalités canadiennes. C’est parce qu’il y a une réflexion de plus en plus répandue sur le rapport de l’État canadien à ses territoires que le geste de Jully Black trouve un écho. Ce qui est intéressant ici, c’est donc moins la modification des paroles elle-même que la manière dont elle résonne.

La politique québécoise a longtemps été principalement divisée entre souverainistes et fédéralistes. Et le « fédéralisme », dans ce contexte, sous-entendait une défense du statu quo.

Le Canada qui a organisé le love-in de 1995 était un Canada convaincu de ses propres vertu, grandeur et perfection. Pour bien des Canadiens, dont Black s’est en quelque sorte fait la voix le week-end dernier, ce Canada-là n’existe plus.

La critique du nationalisme canadien n’est plus, depuis plusieurs années déjà, une question politique qui émane presque exclusivement du Québec. Bien sûr, les peuples autochtones ont aussi critiqué le pays depuis sa fondation même. Mais il se trouve aussi maintenant de plus en plus d’alliés sensibilisés à ces perspectives qui utilisent leur voix (ici, littéralement) pour remettre en question des idées pourtant centrales à l’édifice idéologique sur lequel le Canada s’est construit.

Parfois, cette évolution politique s’exprime sous forme de débat sur les statues présentes dans l’espace public ou sur le nom d’un édifice. Maintenant, c’est de l’hymne national dont il est question. Mais l’important, dans ces moments d’éclat, ce n’est jamais la statue, l’édifice ou le chant. L’essentiel de l’affaire réside toujours dans le récit qu’on se raconte, comme société, pour faire corps.

Source: Ô Canada… quoi?

Nicolas: Claquer la porte 

Always interesting commentaries by Nicolas, and, given the variety of identities many of us have, of “slamming the door shut” rather than understanding and engaging:

Comme je suis liée au milieu universitaire, à la société civile puis au monde médiatique torontois, et du reste du Canada plus largement, depuis près de 13 ans, ma compréhension de notions comme le Québec bashing s’est nuancée au fil des années. On me permettra de partager ici quelques réflexions sur le sujet.

Notons que le concept de Québec bashing n’est pas utilisé ici de manière interchangeable avec la notion de « francophobie », qui regroupe un ensemble d’attitudes touchant directement les francophones qui sont en situation minoritaire, à l’extérieur du Québec. On pourra y revenir dans un autre texte.

Est-ce que « les Anglais nous méprisent et nous haïssent », comme l’avancent certains tribuns et autres fins sociologues peu réputés pour faire dans la dentelle ? La vérité, c’est que, tout comme la société québécoise s’est profondément transformée au cours des dernières décennies, le reste du pays n’est aussi plus ce qu’il était. Tout comme au Québec, donc, il y a ailleurs au Canada un clivage générationnel important entre ceux qui se souviennent des négociations constitutionnelles et des référendums, et ceux qui étaient trop jeunes. J’ai surtout été témoin, parmi les générations plus âgées, de deux attitudes principales.

La première est surtout nourrie par une lassitude : on n’a jamais vraiment compris (ou voulu comprendre) la différence québécoise, et on a l’impression que le Québec, politiquement, est une espèce d’enfant gâté qui utilise son poids politique dans la fédération pour ne pas jouer selon les mêmes règles que tout le monde. On a pu lire souvent, par exemple, que si Justin Trudeau n’a pas critiqué aussi vertement François Legault que Doug Ford pour leurs usages récents de la disposition de dérogation, c’est parce que le Québec fait l’objet d’un traitement de faveur.

La deuxième s’appuie sur une fascination parfois très sincère, parfois quelque peu fétichisée pour le Québec. Parce qu’on a encore un souvenir très vif de la fragilité de la fédération, une certaine élite canadienne exprime sa passion pour « l’unité nationale » par une curiosité particulière pour le Québec et son évolution.

Chez les plus jeunes (et les plus récemment arrivés au Canada), la question se pose autrement. Tant ici qu’ailleurs au pays, la question de « la différence québécoise » au sein du Canada a émergé politiquement pour les millénariaux et la génération qui les suit non pas par le débat sur la souveraineté, mais d’abord à travers toute la saga des accommodements raisonnables, puis par le débat sur la Charte des valeurs, le racisme systémique, les lois 21 et 96, etc.

Il y a une différence fondamentale — j’insiste, fondamentale — entre un jeune de Scarborough ou de Mississauga, immigrant ou enfant d’immigrant, qui n’entend parler politiquement du Québec qu’à travers le refus de sa classe politique de reconnaître le racisme systémique ou de nommer l’islamophobie, et un conservateur de l’Ontario ou du Manitoba rural qui a absorbé, un peu par osmose, les vieilles rengaines orangistes de ses aïeux. J’ai été beaucoup en contact avec l’un, par exemple, lorsque j’étais chargée de cours à l’Université de Toronto, alors que j’ai surtout vu l’autre sévir dans les sections commentaires de certains journaux.

Les deux posent, lorsqu’ils en ont l’occasion, des questions que l’on peut sentir empreintes d’une méconnaissance profonde de la société québécoise dans toute sa complexité et ses nuances. Mais les postures de base et les dynamiques de pouvoir qu’elles sous-tendent ne pourraient être plus diamétralement opposées. Je ne peux pas répondre à mon étudiante qui se préoccupe de l’impact des débats identitaires québécois sur le reste du climat politique canadien — et donc, en fin de compte, sur sa propre sécurité, comme s’il s’agissait de la réincarnation de James Wolfe prêt à revenir brûler nos villages avec son armée.

Cette différence, on est trop peu nombreux à la saisir au Québec. Pour la faire, il faudrait que ceux qui commentent ces questions se sortent eux-mêmes, un tant soit peu, de leur propre lassitude, indifférence, et ignorance du Canada dans toute sa complexité et ses nuances. Depuis le temps que je parcours la 401 dans un sens comme dans l’autre, il y a au moins une chose qui m’apparaît claire : dans ce pays, le sens de la caricature a toujours été parfaitement bilingue.• • • • •

Dans le contexte, on me demande parfois pourquoi je reste dans le dialogue avec le reste du Canada, ou pourquoi je ne claque pas la porte d’un média qui a déjà publié des opinions douteuses sur le Québec dans le passé. Serais-je ainsi complice du Québec bashing ?

La réponse, c’est que je suis une Québécoise francophone de même que je suis une femme, une personne noire et une personne queer. Si je croyais opportun de claquer la porte de toutes les salles de rédaction qui publient des opinions qui viennent heurter mon vécu personnel et familial tant sur le plan de la langue, de la race que du genre, je ne travaillerais plus nulle part, dans aucune langue. Personnellement, je préfère ne pas hiérarchiser les différents aspects de qui je suis, et tente de rester cohérente dans ma manière de réagir à toutes les attaques.

On en comprend que l’impatience, le brûlage de pont et le claquage de porte, donc, sont surtout des réflexes politiques partagés par les personnes socialisées comme majoritaires au sein de leur société. Il faut avoir le luxe, en quelque sorte, de savoir qu’on peut toujours éviter les dialogues difficiles en se repliant vers un monde où les normes sont pensées pour nous. Remarquons enfin que les francophones des autres provinces ont, de manière générale, développé une culture de la résistance politique très différente de celle qui s’affiche souvent au Québec.

Source: Nicolas: Claquer la porte 

Nicolas: Questionner comme Émilie Bordeleau

Rather than eliminating from history and knowlege:

Entre la fin des années 1980 et les débuts des années 1990, Émilie est devenu l’un des prénoms les plus donnés aux petites filles québécoises. Le succès monstre des Filles de Caleb, d’abord par les romans d’Arlette Cousture, puis par l’adaptation télévisée de Jean Beaudin, n’est certainement pas étranger à cette mode.

J’étais encore au primaire lorsque j’ai dérobé Le chant du coq et Le cri de l’oie blanche de la bibliothèque de ma mère. Je me suis ensuite tournée vers la télésérie, qui avait aussi été préservée sur des VHS maison pour la postérité. J’étais intriguée par Émilie Bordeleau, cette héroïne forte qui, comme moi, ne cherchait qu’à lire et à apprendre, et qui, pour son époque, avait du front tout le tour de la tête. Par Les filles de Caleb, j’ai appris tôt qu’une Émilie, par définition, est une femme qui se tient droite et qui n’a pas peur de déranger.

J’ai vu, durant les derniers jours, moult commentateurs dénoncer Netflix, qui a décidé de mettre en ligne la série tout en en retirant le deuxième épisode, où Roy Dupuis (Ovila Pronovost) est maquillé en blackface. On comprendra qu’en tant qu’Emilie, notamment, je me suis sentie personnellement concernée.

Si j’ai bien compris l’opinion dominante, Netflix aurait tort de juger une oeuvre des années 1990, qui décrit le tournant du XXe siècle, avec les valeurs d’aujourd’hui. Le blackface, dans ce contexte-là, serait banal, voire étranger à la culture québécoise.

Là-dessus, on a tout faux. Les minstrel shows étaient un phénomène nord-américain populaire à l’époque d’Émilie Bordeleau. Des troupes mettaient aussi en scène ce type de spectacles au Québec, et des Québécois — dont Calixa Lavallée, l’auteur du Ô Canada — ont participé à des tournées américaines. Si le personnage d’Ovila se fait « étriver » par ses pairs pour son maquillage, c’est aussi à cause du racisme ordinaire de l’époque.

Les enseignantes de cette génération travaillaient avec des curriculums scolaires remarquablement semblables à ceux qui circulaient en Europe et ailleurs dans les Amériques à la même époque. L’école québécoise enseignait, en histoire et en géographie, les théories en vogue sur l’inégalité des races humaines — comme partout ailleurs en Occident. Et on enseignait la grammaire, l’orthographe et même le calcul avec des exemples souvent racistes issus tout droit de l’imaginaire colonial. Vous ne me croyez pas ? Il faut lire L’école du racisme, de l’historienne Catherine Larochelle, qui a épluché les manuels scolaires québécois qui ont circulé entre 1830 et 1915.

Faut-il pour autant applaudir Netflix, qui, de son côté, retire tout contenu qui contient du blackface ? Permettez-moi de défendre plutôt une troisième voie : celle de Disney+.

Les studios Walt Disney, fondés en 1923, sont indissociables de l’histoire du racisme à l’écran. Ses premiers cartoons s’inspirent d’ailleurs fortement de l’esthétique et de la violence « humoristique » typiques des minstrel shows. Retirer le racisme de Disney, c’est un peu comme espérer qu’une maison tienne encore si on lui enlève ses fondations. En mettant sur pied la plateforme Disney+, le géant américain a donc plutôt fait le pari de tout mettre en ligne, tout en nommant clairement, dans des avertissements, la présence de racisme dans certains contenus. Ce semble être la voie dont Radio-Canada s’est inspirée en publiant l’ensemble des Filles de Caleb — sauf qu’en comparaison, le texte de Tou.tv est faible, et manque de franc-parler.

Si j’avais à enseigner, aujourd’hui, Les filles des Caleb dans un cours de littérature, mon premier instinct serait de présenter les romans et la série en parallèle avec un succès de librairie plus contemporain, soit le Kukum de Michel Jean. D’un côté, on a un roman qui se concentre sur la réalité canadienne-française de la Mauricie, où l’on explore peu ce que le personnage d’Ovila fait lorsqu’il « prend le bois » vers les camps de bûcherons. Les Autochtones sont à peine représentés dans les romans comme dans la série, sinon comme des accessoires à l’alcoolisme, à la déresponsabilisation parentale et à la perdition qui attend le protagoniste.

De l’autre, Kukum expose les conséquences terribles de l’industrie forestière sur les communautés innues. On peut facilement imaginer comment les camps de bûcherons et la drave sur la Saint-Maurice ont affecté les Atikamekw d’une manière similaire. Une trentaine d’années plus tard, lelivrede Michel Jean vient en quelque sorte combler, ou du moins interroger les angles morts importants de l’oeuvre d’Arlette Cousture. Présenter Les filles de Caleb et Kukum ensemble — avec un ou deux chapitres de Catherine Larochelle en prime, pour le contexte — permettrait d’explorer de manière beaucoup plus complète ce qu’était le Québec au début du XXe siècle. L’exercice susciterait aussi une discussion sur l’évolution de la culture populaire au Québec, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.

Le problème, c’est que la plupart d’entre nous ont appris et intégré un récit de l’histoire du Québec qui a, grosso modo, à peu près les mêmes angles morts que l’oeuvre de Cousture et la série de Beaudin. S’ensuit une levée de boucliers lorsque vient le temps de parler de la place du racisme dans la société qui est la nôtre. Au fond, tant Netflix qu’un commentateur québécois qui s’étonne qu’un blackface soit reçu comme un symbole lourd manquent de courage. Les deux, chacun à leur manière, feignent de vivre dans un monde magique où le colonialisme et le racisme n’existent pas.

Pour se pencher sur les mythes véhiculés par la culture populaire et les étudier, il faut avoir assez de colonne pour examiner les oeuvres et leur contexte, sans les effacer, ni chercher à banaliser la violence qu’ils peuvent contenir. Il faut interroger les idées reçues sur notre histoire avec les mêmes intégrité et obstination qu’une Émilie Bordeleau, qui, de son rang de Saint-Stanislas, affrontait déjà son père en remettant en question la place des femmes dans l’ordre domestique.

Source: Questionner comme Émilie Bordeleau

Nicolas: Legault’s win reveals a Quebec split in two

Good overview and interesting parallel between the Harper years and Legault:

Montreal is an island. This is a geographical fact, but now more than ever, it is also a social and political reality. Montreal is an island of red and orange, floating in an endless ocean of blue. Or so it appears, if you looked at the electoral map of Quebec the morning after the last provincial campaign.

Urban and rural voting habits tend to differ across the country – not just in Quebec. But a new phenomenon is at play here. Not so long ago, when the Liberals and the Parti Québécois were the dominant forces in Quebec politics, neither could find a pathway to a majority without a decent representation in the metropolis.

Even Maurice Duplessis, who ruled over Quebec with an iron fist during the 1940s and 50s, used to hold more ridings in Montreal than Premier François Legault now has. This is saying a lot, given that there were fewer ridings in the city, and fewer ridings overall back then.

Last Monday night, it felt accurate to speak of a tale of two Quebecs. The differences between Montreal and the “régions” have always existed, as have those between young people and their elders, French Canadians and Quebeckers of other origins. But the divisions seem to have been exacerbated by the province’s recent political debates. There is now Mr. Legault’s Quebec, and the Quebec of those who struggle to see themselves represented in his Coalition Avenir Québec party’s nationalism. Big city dwellers, immigrants and their families, anglophones and young people more generally are struggling to find their place under Mr. Legault’s leadership.

In 2018, Mr. Legault’s CAQ managed to form a majority government with only two members of the National Assembly on the island, both minor players in his caucus. The Premier, who is, interestingly enough, originally a Montrealer himself, knows he doesn’t need Montreal to govern. And it shows.

At the beginning of this first mandate, Mr. Legault put forward Bill 21. The ban on religious symbols for judges, police officers and teachers panders to Quebeckers who hardly, if ever, come in daily contact with religious diversity – while only bearing real, negative consequences for those who do. If this tension between small town and urban Quebec wasn’t already obvious, Mr. Legault stressed it after the adoption of the law. “In Quebec, this is how we live,” he felt necessary to say. To whom, one might ask, if not predominately Montrealers?

In the first year of his mandate, Quebec’s Minister of Immigration also attempted to cancel 18,000 permanent residency applications, mostly coming from newcomers who were already living in the province. The government was forced to backtrack after an intervention by the courts, but many of the applicants caught in this political storm still had to start their permanent residency process all over again, and wait years to get approved. The immigration file, once again, disproportionally affects Montreal.

During the pandemic, Mr. Legault imposed a curfew that disproportionally affected families crammed in small, urban apartments deprived of backyards. The consequences of his policy on the most vulnerable in Montreal did not move him. We learned, after the worst of the crisis was over, that Montreal’s public-health authority had had a difficult relationship with the province on a number of issues. No one was surprised.

And this year’s debate around the adoption of Bill 96, which strengthens the province’s language legislation, also implicitly frames Montreal as a problem. There’s hardly anyone in Quebec who doesn’t understand the vulnerability of French in North America. Yet not all Quebeckers agree on the best means to ensure French continues to thrive.

Those who are in daily contact with linguistic diversity – predominantly Montrealers, once again – are concerned with the sections of Bill 96 that could hinder the human rights of Quebec’s linguistic minorities. For several CAQ supporters, however, opposing parts of Bill 96 is to oppose Quebec, period. The exclusive discourse has made many in the Montreal region feel more isolated and rejected than ever.

In this context, it is not surprising that on Monday night, Mr. Legault’s CAQ made inroads everywhere, except Montreal. During the campaign, some of the Premier’s comments on immigration generated a lot of commentary – and frankly, outrage.

The day after he linked immigration to violent extremism during a press conference, Mr. Legault apologized.

After his Minister for Immigration, Jean Boulet, falsely claimed 80 per cent of immigrants don’t speak French and don’t work, Mr. Legault apologized again.

When addressing the Montreal Chamber of Commerce, the Premier argued that welcoming more than 50,000 immigrants to Quebec a year would be “suicidal.” And during the last weekend of the Quebec campaign, Mr. Legault told journalists, who were asking him about the critiques he had received for his comments, that he would not apologize for defending French and “Quebec values.”

Then on the night of the election, he insisted in his victory speech that he will be the Premier of “all Quebeckers,” including those of “all regions,” and “all origins.”

Confused? You are not alone. Will those who have been deeply wounded by his campaign declarations accept this week’s olive branch? It would have been more likely if Monday’s victory speech had not been preceded by his track record of the past four years.

What’s next for that “other Quebec” – the one that doesn’t see its values represented in some of the CAQ’s nationalism, essentially urban Quebec, diverse Quebec and younger Quebec?

On Tuesday morning, many blamed the first-past-the-post electoral system for the lack of representation at the National Assembly. It is also worth mentioning that ridings in the Montreal region tend to include more voters than those in remote areas. This is because with each review of the electoral map, authorities hesitate to compensate ever-growing urbanization with a widening of the already-gigantic territory of rural ridings.

The easier solution would be having more than a 125 MNAs sitting at the National Assembly. This might help reduce the distortion in how votes are weighted, as least while the Legault government remains firm in its resolve to not embark on an electoral reform.

Another way forward is to essentially remain patient. The CAQ’s base is mostly strong in the 55-plus cohort. As younger generations – and the different notion of “Quebec values” they tend to put forward – increase their weight in the electorate, the political order in the province is bound to shift as well.

That generation is already better represented in the province’s municipal leadership. Big city mayors have played an important role during the campaign, for example, in putting the issues of climate change adaptation and public transportation on the political agenda.

In the next four years, opposition to Mr. Legault will be present, but greatly underrepresented at the National Assembly. It will also be found, however, in city leadership, and most probably in civil society, as well as among Quebec’s culture and media personalities.

Like the unnamed resistance that emerged in urban, central Canada during the majority Harper years, you might see an informal coalition working to push to bring the values of The Other Quebec – big city dwellers, immigrants and young people – to the forefront.

Source: Legault’s win reveals a Quebec split in two

Nicolas: La haine, tranquille

Of note. Good thought experiment:

La dernière péripétie de la course à la chefferie du Parti conservateur du Canada est particulièrement surréelle. Pierre Poilievre, bien en tête dans les intentions de vote, a serré la main à un partisan le week-end dernier, lors d’un événement de campagne. Le partisan en question s’est avéré être Jeremy Mackenzie, fondateur du Diagolon — un homme et un groupe associés à « l’extrémisme violent » par le Centre intégré d’évaluation du terrorisme (CIET), l’organisme fédéral chargé de repérer les menaces à la sécurité nationale.

On comprend que dans un bain de foule, un politicien ne connaît pas nécessairement l’identité de toutes les personnes auxquelles il serre la main. Mais depuis, l’identité du personnage est devenue publique. Le candidat à la chefferie conservatrice, Jean Charest, et le chef du NPD, Jagmeet Singh, ont tous deux demandé à Pierre Poilievre de dénoncer l’individu. Pour le moment, c’est le silence radio du côté de Poilievre. Et ce silence ne semble pas affecter particulièrement la campagne du candidat.

Il y a encore quelques années, l’incident aurait semblé surréel à quiconque suit la politique de près ou de loin. On constate pourtant que le meneur de la course au Parti conservateur peut désormais serrer la main d’un extrémiste violent surveillé par les autorités antiterroristes canadiennes, tranquille, sans que cela fasse de vagues. Après tout, M. Poilievre et plusieurs de ses collègues députés n’ont aussi eu aucun problème à s’afficher avec le convoi dit « de la liberté » à Ottawa en février dernier.

Pourtant, le CIET a aussi déterminé ce convoi comme une « opportunité » de recrutement et de réseautage importants pour plusieurs mouvements extrémistes violents, selon un rapport rendu public la semaine dernière par le truchement d’une demande d’accès à l’information. Cela ne veut pas dire que tous les participants au convoi appartenaient à des groupes extrémistes violents, bien sûr. On dit plutôt que leur présence était assez importante, particulièrement au sein des organisateurs, pour qu’il soit très problématique, voire dangereux, pour des élus de s’y associer.

Ce recrutement et ce réseautage, et par ricochet donc, cette croissance des groupes violents associés à l’extrême droite depuis février dernier, sont devenus palpables. Encore il y a deux semaines, des partisans de QAnon ont attaqué des policiers de Peterborough, en Ontario, en s’imaginant procéder à leur « arrestation citoyenne ». Et plusieurs journalistes — des femmes, surtout racisées — font l’objet depuis quelques mois d’une campagne ciblée de haine.

Des courriels, écrits sur un modèle similaire, reprennent le vocabulaire et les théories haineuses des groupes d’extrême droite, tout en les ponctuant de menaces de viol et de mort. Devant la gravité de la situation, le Toronto Star, Global News, le Hill Times et l’Association canadienne des journalistes ont même dû faire une sortie conjointe pour dénoncer la situation et interpeller les services de police qui auraient failli à traiter avec assez de sérieux plusieurs plaintes reçues.

Résumons donc. Des militants d’extrême droite, dont plusieurs ont été identifiés comme des menaces terroristes, ont contribué à paralyser la capitale nationale l’hiver dernier. Depuis, ils se sont multipliés, et certains d’entre eux s’en prennent non seulement à des élus, mais aussi à des journalistes, et même à des policiers.

Imaginons un moment que ce soit le leader d’un groupe terroriste associé à l’islamisme qui serre la main de Pierre Poilievre, ou qui envoie des menaces de mort et de viol à des journalistes. Pensez-vous que l’impact sur la course à la chefferie du Parti conservateur serait la même ? Pensez-vous qu’on banaliserait autant la gravité des menaces reçues ? Imaginons qu’un regroupement autochtone décide de procéder à « l’arrestation citoyenne » d’un corps policier. La nouvelle serait-elle traitée comme de la petite routine d’actualité politique d’été ?

Poser la question, c’est y répondre. La banalisation des menaces posées par l’extrême droite au Canada est d’ailleurs déjà dénoncée depuis plusieurs années par les experts en la matière. Et bien sûr, cette montée de la haine affecte non seulement les figures publiques, mais aussi les gens ordinaires. Entre 2019 et 2021, les crimes haineux déclarés par la police ont augmenté de 72 %, selon les compilations de Statistique Canada. Là encore, imaginons une augmentation de 72 % de n’importe quel autre type de crime au Canada sur une période de deux ans. Tout le monde en parlerait.

Souvent, lorsque la menace vient de l’extrême droite, l’analyse policière et médiatique porte sur des « incidents isolés », des « loups solitaires ». Le mouvement est donc là, devant nous, et il grandit. Mais on peine encore à le voir comme un mouvement. Chaque plainte pour menace de mort ou de viol, par exemple, sera traitée isolément — si elle est même traitée.

On se garde, le plus souvent, de se pencher sur les réseaux auxquels appartient l’individu qui déverse sa haine. Pour cesser de banaliser le phénomène, il faudrait enfin comprendre que, même lorsqu’on a affaire à un homme seul derrière son clavier, cet homme appartient à un contexte social bien précis.

Source: La haine, tranquille

Nicolas: Les mythes et réalités de la loi 21

Good analysis and observations regarding this ACS/Leger study (see earlier New research shows Bill 21 having ‘devastating’ impact on religious minorities in Quebec [particularly Muslim women]):

Pendant qu’on débat pour la millionième fois sur le port du hidjab au Québec — cette semaine à cause de réactions à une publicité de HEC Montréal —, une nouvelle étude sur la Loi sur la laïcité de l’État vient d’être publiée.

Produite par l’Association des études canadiennes, en collaboration avec SurveyMonkey et la firme de sondage Léger, cette étude a été menée auprès de 1828 adultes québécois, dont 632 musulmans, 165 juifs et 54 sikhs. Léger a utilisé les données de Statistique Canada pour que l’échantillon sondé soit représentatif de la population étudiée.

L’étude confirme que la majorité de la population (63,7 %) appuie la « loi 21 ». Ce chiffre tombe à 60 % si on inclut l’option « je ne sais pas », et à 57 % si l’on spécifie « telle qu’elle s’applique aux enseignants ».

Mais l’étude innove en comparant les arguments souvent entendus pour défendre la Loi sur la laïcité de l’État avec les données amassées. L’effet de contraste est saisissant.

D’abord, on avance souvent que la « loi 21 » est « neutre » — c’est-à-dire qu’elle ne vise aucune religion en particulier — et que ses appuis ne sont pas liés à une animosité particulière envers une religion ou une autre. Or, l’étude calcule que 75 % des partisans convaincus du texte législatif ont une opinion négative de l’islam ; 66 % du sikhisme ; 49 % du judaïsme ; 36,5 % du christianisme.

Il se dégage donc ici, selon la chercheuse principale de l’étude, Miriam Taylor, une « hiérarchie de négativité » envers les religions particulièrement marquée.

Parallèlement, la proportion des opposants convaincus à la Loi sur la laïcité de l’État qui ont une opinion négative de ces quatre mêmes religions oscille entre 18 % et 20 %, sans conviction que certaines valent mieux que d’autres.

Ensuite, on dit souvent que les appuis à « loi 21 » sont motivés par une méfiance particulière envers la religion en général ; l’étude a par conséquent voulu mesurer si les personnes elles-mêmes peu religieuses étaient plus nombreuses à soutenir cette législation. Or, on n’a trouvé aucun lien majeur entre la religiosité des répondants et leur appui ou opposition à la loi. Même qu’au contraire, les Québécois qui s’identifient comme catholiques seraient « légèrement plus favorables » à la loi que ceux qui se disent athées.

Fossé hommes-femmes

Par ailleurs, on entend souvent que la Loi sur la laïcité de l’État québécois est profondément féministe, et que c’est au nom de l’égalité hommes-femmes qu’elle a été mise en avant. L’enquête s’est donc intéressée à l’écart dans les appuis à la loi selon le genre.

On a calculé que 68,5 % des hommes et 59 % des femmes au Québec appuieraient la loi, un écart de près de 10 points de pourcentage. Chez les plus jeunes, l’écart est encore plus marqué : 51,7 % des hommes de 18 à 24 ans appuient la loi, alors que seulement 31,5 % de leurs consoeurs font de même. Seules les femmes de 75 ans et plus sont plus favorables à la loi que les hommes de leur groupe d’âge.

L’étude avance également que les femmes québécoises sont plus nombreuses à trouver que « la loi est discriminatoire envers les femmes », que les femmes sont « plus touchées » par cette mesure législative, et que la loi « divise les Québécois ». Les femmes seraient aussi moins nombreuses à trouver que les Québécois qui s’opposent à la Loi sur la laïcité de l’État sont « déloyaux » et à souhaiter qu’une personne qui ne s’y conforme pas perde son emploi.

Existe-t-il une seule autre politique publique dite « féministe » moins appuyée par les femmes que par les hommes ? Ou serait-ce que, dans ce cas-ci, les femmes savent moins bien discerner que les hommes ce qui est bon pour elles ?

Vivre-ensemble

De plus, on répète souvent que la « loi 21 » exprime une volonté collective, et donc que les tribunaux ne devraient pas se « mêler » des décisions de l’Assemblée nationale sur la question.

Pourtant, 64,5 % des Québécois sondés croient qu’il serait important « que la Cour suprême émette un avis sur la question de savoir si la loi 21 est discriminatoire », et seuls 46,7 % des répondants continueraient à l’appuyer si les tribunaux « confirment » qu’elle « viole les chartes des droits et libertés ». On parlerait donc ici d’une chute de 18 points de pourcentage dans les appuis en cas d’une décision négative des tribunaux sur la question.

Finalement, la Loi sur la laïcité de l’État est souvent présentée comme un outil favorisant l’harmonie sociale et le vivre-ensemble.

Or, en sondant spécifiquement les Québécois musulmans, juifs et sikhs, l’étude a trouvé qu’une majorité dans les trois groupes rapporte « un déclin dans leur sentiment d’acceptation en tant que membres à part entière de la société québécoise » depuis l’adoption du texte législatif. Quelque 64 % des femmes musulmanes, 67 % des hommes sikhs et 87,5 % des femmes sikhs qui ont participé à l’étude ont dit avoir senti leur capacité à participer à la vie sociale et politique du Québec se détériorer depuis 2019. Et 67 % des femmes musulmanes, 50 % des hommes juifs et 67 % hommes sikhs ont aussi déclaré avoir été exposés à des incidents et à des crimes haineux.

Cette portion de l’étude inclut d’ailleurs des témoignages qui donnent froid dans le dos. Bien qu’il s’agisse de la plus vaste enquête sur cette question conduite auprès des minorités religieuses québécoises depuis l’adoption de la loi, l’échantillon total reste modeste.

Espérons que d’autres recherches encore plus ambitieuses seront mises en avant pour faire la lumière sur ces enjeux cruciaux.

Source: Les mythes et réalités de la loi 21

Nicolas: Doctrine de la découverte

More important to focus on concrete issues but understand the importance:

Le pape François est venu au Canada cette semaine tenir un discours qui ne correspond pas tout à fait à ce qui était demandé dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation de 2015. En arrivant à Edmonton, le pape s’est excusé pour les actes de « plusieurs chrétiens » et « membres de communautés religieuses », mais pas au nom de l’Église comme telle. Le discours papal a déploré la collaboration de certains catholiques aux projets d’assimilation et de destruction culturelle pilotés par les gouvernements, mais n’a pas admis la responsabilité de l’Église, comme institution, dans la direction de ces projets. Légalement, politiquement, et même spirituellement, la nuance est majeure. C’est aux survivants des pensionnats et à leurs proches de réagir à ce choix de mots, et d’omissions.

Mais quoi qu’en dise le pape François, l’Église catholique a joué un rôle central dans la dépossession territoriale des peuples autochtones à travers les Amériques. C’est pourquoi dans les derniers jours, plus de 4800 gazouillis incluant le mot-clé #DoctrineofDiscovery ont été lancés dans la twittosphère canadienne. À l’initiative de plusieurs personnalités autochtones, la mobilisation en ligne cherche à obtenir un commentaire du pape sur la doctrine de la découverte, un concept de droit international vieux de plus de 500 ans, durant les jours qui lui reste à passer au Canada.

Alors, qu’est-ce c’est, au juste, la doctrine de la découverte ? Il s’agit d’un concept émanant de la bulle papale Inter caetera, émise en 1493 par le pape Alexandre VI à la demande des monarques d’Espagne, après que leur émissaire, Christophe Colomb, a atteint les Caraïbes.

Une bulle (ou édit) papale précédente avait donné au monarque du Portugal le « droit » de s’approprier le continent africain, ou plus précisément « la pleine et entière faculté d’attaquer, de rechercher, de capturer, de vaincre, de soumettre tous les sarrasins et les païens et les autres ennemis du Christ où qu’ils se trouvent […] et de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle ».

Dans le contexte, les monarques espagnols cherchent donc à avoir la bénédiction de l’Église pour faire de même sur le « nouveau » continent. La bulle de 1493 trace essentiellement une ligne dans l’Atlantique, laissant toutes les terres « découvertes » à l’ouest aux Espagnols (la majorité des Amériques) et celles à l’est aux Portugais (l’Afrique et ce qui deviendra Brésil).

En 1533, le monarque français François 1er réussit à faire spécifier par le nouveau pape, Clément VII, que la bulle de 1493 ne concernait que les terres déjà « découvertes » à l’époque. L’Église instaure en quelque sorte une règle du « premier arrivé, premier servi » pour toutes les terres non chrétiennes encore inconnues des Européens. C’est dans ce contexte que Jacques Cartier est envoyé par la France l’année suivante, et plante une croix dans la péninsule de Gaspé pour « prendre possession » du territoire au nom de son roi. Ainsi, on peut tracer une ligne directe entre l’autorité papale et le déni de la souveraineté autochtone sur les terres d’Amériques, y compris sur le territoire canadien.

Parmi les personnalités qui parlent de la doctrine de la découverte ces jours-ci, on compte le juge et sénateur à la retraite Murray Sinclair, qui a présidé à la Commission de vérité et réconciliation. En plus des excuses du pape, le rapport de la commission demandait « aux intervenants de toutes les confessions religieuses et de tous les groupes confessionnels qui ne l’ont pas déjà fait de répudier les concepts utilisés pour justifier la souveraineté européenne sur les terres et les peuples autochtones, notamment la doctrine de la découverte et le principe de terra nullius ».

C’est que dans les siècles qui ont suivi ces décisions de l’Église, le droit international a continué de se construire sur les mêmes bases. On s’est demandé, par exemple, si le pape avait l’autorité de décider qui pouvait prendre possession des terres des peuples autochtones — plutôt que de seulement organiser leur conversion massive. Certains ont cru qu’il valait mieux ne s’approprier que les territoires inhabités, dit « terra nullius », et chercher à conquérir le reste par des traités.

En réponse, des penseurs influents (dont le philosophe John Locke) se sont affairés à développer une définition de la terra nullius incluant toutes les terres qui n’étaient pas occupées… à l’européenne — soit sur un mode sédentaire, agricole, puis industriel. Ces débats ont eu une forte influence sur le développement du droit canadien, alors que bien des Premières Nations au mode de vie traditionnel nomade ont dû aller devant les tribunaux « prouver » une occupation ancestrale du territoire.

En 1792, Thomas Jefferson a décrété que la doctrine de la découverte formait une base du droit international et s’appliquait aussi à la nouvelle république des États-Unis d’Amérique. Et en 1823, la Cour suprême américaine s’est appuyée explicitement sur cette doctrine pour arbitrer un conflit entre deux citoyens prétendant posséder une terre. L’un l’ayant acquis auprès de la communauté autochtone locale, l’autre auprès du gouvernement, le tribunal donnera raison au dernier.

Au fil des décennies, les tribunaux canadiens se sont appuyés sur cette décision américaine pour construire leurs propres traditions légales. C’est pourquoi plusieurs experts de la question croient qu’il serait très complexe, mais aussi éminemment nécessaire, de refonder le contrat politique et légal entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones afin de se dissocier, pour de bon, de la doctrine de la découverte. Ce serait là la seule façon de cesser, en tout point, d’asseoir la légitimité de l’État sur un principe colonial dont la généalogie remonte aux papes de la Renaissance.

Il serait, disons, extrêmement optimiste de croire que la mobilisation actuelle autour de la doctrine de la découvertesera commentée par le pape actuel d’ici la fin de son périple. Mais la campagne informelle contribue déjà efficacement à attirer l’attention publique sur cette question fondamentale pour les Amériques.

Source: Doctrine de la découverte

Nicolas: L’escalade du mot en n

More good commentary, with the practical suggestion of having a simple warning regarding language, just as programs provide warnings regarding violence, sex, and language:

Je serais incapable de dire quand on m’a lancé le mot en n au visage pour la première fois. Je sais qu’en prématernelle, l’insulte faisait déjà partie de ma réalité. Je sais aussi qu’au primaire, un élève avait décidé de me harceler de manière continue avec le mot, pendant plusieurs semaines.

Au début, l’enseignante à qui je l’avais dénoncé m’a demandé de l’ignorer : « Il cherche l’attention, c’est tout. » Ensuite, alors qu’on était en file à la bibliothèque de l’école, je lui ai crié d’arrêter. Là encore, l’enseignante m’a reproché — à moi, et à moi seulement — de faire du bruit et m’a conseillé de mieux gérer mes émotions. Quelques jours plus tard, l’élève a recommencé dans la cour d’école, à la récréation. Je lui ai foutu mon poing sur la gueule.

C’était la première (et la dernière) fois que j’utilisais la violence physique pour régler un problème. Je devais avoir sept ou huit ans. Là encore, c’est moi — et moi seulement — qui ai été punie par l’école. Mais mon message avait fini par passer. L’élève en question n’a plus recommencé. Il ne me restait plus qu’à vivre avec… tous les autres utilisateurs du mot.

Je me souviens que le coup de poing m’a prise moi-même par surprise. J’étais une petite fille très menue, et je ne savais pas que j’avais ça en moi. Avec le recul, je vois aussi qu’il y a eu toute une « procédure d’escalade », disons, avant que les choses en arrivent là. Le coup de poing n’aurait jamais existé si les adultes impliqués dans l’affaire avaient pris leurs responsabilités d’adultes plutôt que de me reprocher de trop tenir à ma dignité humaine.

Je ne raconte pas ce souvenir pour attirer l’attention sur ma petite personne ni parce que je me trouve particulièrement à plaindre. Au contraire : je suis assez entourée d’(ex-)enfants noirs québécois pour savoir que ce que je raconte est complètement banal. Et que des histoires comme celles-là, il en existe des milliers.

Même si le Québec d’aujourd’hui n’est plus celui des années 1990, bien des enfants continuent de recevoir ce mot à la figure — et toute une autre litanie d’insultes racistes — à l’école, dans la rue ou ailleurs. Ces incidents mettent bien sûr les parents d’enfants noirs dans des situations émotionnellement très difficiles à surmonter. Je ne compte plus mes amis qui m’ont raconté avoir eu à répondre aux questions de leurs très jeunes enfants, souvent d’âge préscolaire, au retour à la maison. « Maman, pourquoi ma peau est sale ? Papa, pourquoi est-ce que notre famille ressemble à des singes ? Maman, pourquoi est-ce que mes cheveux sont laids ? Papa, c’est quoi un n… ? »

Ces parents-là, ce sont des parents comme tous les parents. Des parents qui cherchent à protéger leurs enfants. Des parents qui, comme n’importe quel parent, peuvent écouter la Première Chaîne de Radio-Canada dans la voiture en revenant de la garderie.

Ces parents peuvent ne pas avoir envie de répondre, en plus de tout ce qui les préoccupe déjà, à un « Maman, Papa, pourquoi est-ce que le monsieur répète n… à la radio ? » Ou peut-être sont-ils eux-mêmes d’ex-enfants noirs bien de chez nous, qui préféreraient ne pas réentendre cet après-midi-là un mot lié à tant de souvenirs. Un simple avertissement en ondes leur permettrait de changer de poste — et ceux qui souhaitent écouter pourraient continuer à le faire.

On ne parle pas ici de censure, mais d’un simple avertissement. Vous savez, le genre d’avertissements que les journalistes font avant d’aborder des sujets difficiles en ondes depuis presque toujours. Le genre de précaution qu’on prend naturellement avant de montrer des images de guerre, de violence, des pensionnats pour Autochtones, de raconter dans le détail un crime sordide ou de parler de suicide. Ou même le type de périphrase qu’on utilise sans y penser avant de parler trop explicitement de sexualité à heure de grande écoute.

Les journalistes et animateurs des grandes télés et radios généralistes pensent toujours à leur public, qui inclut nécessairement des parents et leurs enfants qui les écoutent dans la voiture ou à la maison. On s’assure d’amener le public avec soi dans sa quête d’information. On choisit ses questions, ses mots et ses angles en fonction de ce qu’on imagine être les besoins et les sensibilités du public. Cette passion pour le public, elle nourrit l’amour du métier.

C’est une évidence, mais il semble qu’il soit nécessaire de le dire : les personnes noires, les parents noirs, les enfants noirs font partie du public.

Il semble que lorsqu’elles pensent aux familles à la maison, aux enfants dans la voiture, certaines personnalités médiatiques n’ont pas encore le réflexe de s’imaginer qu’ils puissent être noirs. Ou bien, peut-être s’imagine-t-on encore mal quelles sont les réalités de ces familles et de ces enfants au Québec.

Si ce souci du public incluait vraiment tout le public, il n’y aurait jamais eu de plainte au CRTC. L’ombudsman de Radio-Canada aurait pu régler la question à l’interne lorsqu’on lui a soumis la question, démarche qui là aussi n’aurait pas été nécessaire si l’émission Le 15-18 avait réagi autrement au courriel initial du plaignant.

La plainte elle-même n’aurait pas été nécessaire, d’ailleurs, si des personnes autrement sensibles aux vécus de bien des Afro-Québécois avec le mot en n avaient été présentes dans l’équipe de l’émission — non pas pour censurer la discussion, mais pour suggérer de faire attention à la façon dont on traitait le sujet.

On peut regretter la « procédure d’escalade », l’implication d’une structure fédérale telle que le CRTC, et ce qu’elle implique pour l’indépendance des salles de presse. Il faudrait aussi admettre que cette escalade n’aurait jamais existé si toutes les personnes impliquées à chaque étape de cette affaire s’étaient saisies autrement de leurs responsabilités, plutôt que de reprocher à un auditeur de trop tenir à sa dignité humaine.

Comment et pourquoi, donc, en sommes-nous arrivés à cette décision coup-de-poing du CRTC ?

Source: L’escalade du mot en n

Nicolas: La bonne cible [francophone immigration to the rest of Canada]

Valid debate but not sure how realistic vastly increased targets are given the ongoing failure to meet existing ones. But certainly ambitious, from about 2 percent currently to 12 percent in 2024 and to 20 percent by 2036:

Le débat public ravive, depuis quelques semaines, une peur ancestrale pour bien des francophones : celle de voir le poids proportionnel du français diminuer peu à peu au Canada, au point où la vitalité même de la francophonie serait remise en question.

Cette peur est parfois utilisée pour justifier des mesures populistes qui, tout en étant dommageables pour le vivre-ensemble, n’arrivent pas, en bout de piste, à améliorer grand-chose à la vitalité du français.

Dénoncer ces mesures ne veut pas dire que la crainte qui se trouve derrière est illégitime. Au contraire, il y a mille et une façons de transformer cette préoccupation tout à fait louable pour la pérennité du français en demandes concrètes, constructives et porteuses.

J’en ai parlé avec Alain Dupuis, directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) — soit la voix nationale des 2,7 millions de francophones vivant en situation minoritaire dans les neuf autres provinces et les trois territoires. Depuis maintenant des décennies, la FCFA se bat pour que le gouvernement du Canada augmente la proportion d’immigrants francophones reçus à l’extérieur du Québec.

Au recensement de 2001, la proportion de francophones en milieu minoritaire était de 4,4 %. En 2003, Ottawa s’est donc engagé à ce que 4,4 % des immigrants reçus au Canada soient des francophones, afin que les communautés franco-canadiennes et acadiennes puissent au moins se maintenir au fil des années.

Notons que les définitions de « francophones » utilisées ici sont plus inclusives que celles en usage au Québec. La FCFA définit un francophone comme toute personne parlant français — point. Immigration Canada, de son côté, inclut dans sa définition d’immigrant francophone toute personne qui a le français comme première langue officielle. Il n’est donc pas ici question de langue maternelle, nécessairement.

Cette cible de 4,4 % a-t-elle déjà été atteinte ? Non, jamais. Même qu’en 20 ans, Ottawa n’a recruté plus de 2 % de nouveaux résidents permanents francophones qu’à deux reprises : en 2019 et en 2020.

« C’est important, ces retards-là, explique Alain Dupuis. Ça représente une perte de vitalité, ça représente une fragilisation des institutions, et bien sûr une pénurie de main-d’œuvre importante. » Les communautés francophones sont par conséquent moins diversifiées que la population canadienne générale « parce que le fédéral ne permet pas aux communautés de bénéficier de l’immigration et de tous ses bienfaits ».

Le résultat, c’est que la proportion des francophones en milieu minoritaire diminue d’année en année. De 4,4 % de la population en 2001, ces communautés ne représentaient plus que 3,8 % de la population en 2016. La FCFA attend impatiemment les données du recensement de 2020, et projette que si la situation n’est pas redressée, elle ne représentera plus que 3,1 % du Canada « hors Québec » d’ici 2036.

Il est donc vrai que, pour l’instant, les politiques migratoires d’Ottawa jouent un rôle dans le recul démographique de la francophonie — dans les neuf autres provinces et les trois territoires. C’est pourquoi la FCFA dénonce la situation, et demande au fédéral de rectifie les choses.

Cet hiver, l’organisme a commandé une étude démographique afin de déterminer quelle cible devrait être mise en avant. Pour maintenir la proportion actuelle de francophones dits « hors Québec », il calcule qu’il faudrait qu’Immigration Canada admette 8 % d’immigrants francophones. Si on veut réparer les dommages causés par les promesses brisées d’Ottawa, il faut une cible encore plus ambitieuse.

La FCFA souhaite que le gouvernement fédéral s’engage à admettre 12 % de francophones dès 2024, et fasse progresser cette cible jusqu’à 20 % en 2036. Un immigrant sur cinq d’ici 14 ans : voilà ce qui est visé pour non seulement maintenir les communautés francophones, mais les remettre sur le chemin de la croissance. En nombre absolu, cela veut dire admettre 40 000 immigrants francophones à l’extérieur du Québec dès 2024.

Pour ce faire, la FCFA souhaite que la politique migratoire d’Ottawa établisse des objectifs détaillés dans chaque catégorie d’immigration, pour chaque région, en fonction des besoins spécifiques des communautés. « La pénurie d’enseignants, par exemple, est très importante pour les écoles de langue française, déplore M. Dupuis. Il y a aussi une pénurie de main-d’œuvre en petite enfance, en santé, dans la fonction publique, et plusieurs entreprises peinent à recruter du personnel francophone. »

Un certain travail se fait actuellement du côté du fédéral sur cette question. Le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, dit vouloir atteindre la cible historique du 4,4 % d’ici l’an prochain. Et le projet de réforme de la Loi sur les langues officielles prévoit qu’Ottawa soit désormais obligé d’adopter une politique plus complète en matière d’immigration francophone. Cela dit, personne, au fédéral, ne s’est encore prononcé sur les cibles exigées par la FCFA.

Il me semble qu’il y a là une occasion, pour les Québécois, de se montrer solidaires des communautés francophones de partout au pays. Il n’est nullement question, ici, de malmener les chartes des droits et libertés ou de se méfier de la diversité pour protéger le français. Au contraire. Il s’agit d’accueillir plus d’immigrants économiques et de membres de leur famille, plus d’étudiants étrangers, plus demandeurs d’asile et de réfugiés en provenance, principalement, de l’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de la France. Et ce, au bénéfice de toute la société, de l’économie comme de l’équilibre linguistique.

L’immense majorité des Québécois pourrait facilement se rallier derrière les cibles proposées par la FCFA et appuyer l’organisme dans ses démarches. Rien ne dit que l’immigration ne peut pas être un outil pour faire grandir la francophonie canadienne. Si l’on est d’humeur à se chicaner avec Ottawa, je nous propose cette bataille.

Source: La bonne cible