Longs délais pour les visas de visiteur malgré les promesses d’Ottawa
2023/02/02 Leave a comment
Of note, another operational issue:
Quiconque veut venir en visite au Canada pourrait devoir s’armer de patience avant de pouvoir le faire. Alors qu’Ottawa avait promis une réduction du temps de traitement et promettait un retour à la normale à la fin de 2022, Le Devoir a constaté que les délais officiels pour obtenir un visa de visiteur n’ont pas diminué et qu’ils ont, au contraire, explosé.
En six mois, entre juillet 2022 et janvier 2023, les délais affichés ont empiré dans 179 pays sur 195. Dans certains cas, les autorités consulaires canadiennes mettent parfois un an et demi à traiter des demandes de visa, selon les données officielles affichées sur le site d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) que Le Devoir a compilées.
« Ce n’est pas juste les délais en ligne qui sont longs, c’est ça aussi dans les faits », affirme Me Léa Charbonneau-Lacroix, avocate associée chez Brunel Immigration et qui traite plusieurs dossiers de visas de visiteur. Celle-ci a déposé des demandes au printemps, à l’été et à l’automne derniers pour des clients. Elle a reçu plusieurs approbations récemment et, « tous pays confondus », les délais étaient de huit ou neuf mois. « Des pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’un peu partout, détaille-t-elle. Des fois, des gens veulent venir en vacances et ils vont attendre un an pour avoir une décision. C’est un peu irréel. »En Tanzanie, les délais battent des records. Alors qu’un visa pouvait être obtenu en 64 jours en juillet dernier, il met maintenant dix fois plus de temps à être délivré, soit plus d’un an et demi (611 jours). Au Honduras, alors que le temps d’attente était de 82 jours en juillet, il est passé à 502 jours en janvier. Au Nicaragua, la situation est pratiquement la même, à quelques jours près.
Les délais s’allongent partout, même en Europe. Au Royaume-Uni, les délais sont 22 fois plus longs. Les Britanniques n’ont pas besoin de visa, mais ceux qui ne sont pas citoyens et qui ont besoin d’un visa de visiteur pour le Canada peuvent y déposer une demande. Ils doivent désormais attendre 222 jours, alors qu’un tel visa prenait à peine dix jours à être délivré il y a six mois. En Grèce, un visa qui prenait trois semaines à arriver met maintenant dix fois plus de temps.Promesse non tenue ?
L’été dernier, à la suite d’une série d’articles du Devoir sur les longs délais de traitement pour les visas de visiteur et les permis de travail, le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, avait réitéré l’engagement d’Ottawa de diminuer les délais pour permettre le retour aux normes de service d’ici la fin de l’année.
« On est vraiment proches du pic attendu [de l’attente pour un visa], avait affirmé le ministre Fraser fin août dernier. C’est possible qu’il y ait encore une hausse pendant à peu près un mois, mais on s’attend à ce qu’il y ait ensuite une réduction considérable du temps d’attente pour la délivrance d’un visa de visiteur [ou] pour différentes voies d’immigration. »
Selon le site de l’IRCC, la « norme de service » est un délai de 14 jours pour un visa de visiteur.
« Ce n’est pas ça qui se passe, tranche Me Léa Charbonneau-Lacroix. Nous ne sommes vraiment pas à un retour à la normale, loin de là. »
Une demande déposée par son cabinet en mai pour un client résidant en Côte d’Ivoire, où le délai officiel de traitement est de 518 jours, est toujours en attente. « C’est un dossier avec un certain risque de refus, mais ce n’est pas un dossier problématique. Ce n’est pas quelqu’un avec des antécédents, dit-elle. C’est vraiment étonnant. »
« Avant la pandémie, un bureau de visa qui avait des délais d’un mois, on trouvait ça anormalement long, renchérit-elle. On avait des gens qui voulaient voyager dans trois ou quatre mois et, normalement, on avait une décision avant. Là, il faut qu’une personne s’y prenne un an en avance si elle veut voyager au Canada. »IRCC s’explique
La pandémie COVID-19 a causé un arriéré important dans le traitement des demandes. Plusieurs demandes datant d’avant la levée des restrictions pour voyager en septembre 2021 n’ont pas été traitées, et le gouvernement fédéral assure avoir embauché les 1250 employés qu’il avait promis pour la fin 2022 afin d’accélérer le traitement.
« Il est également important de noter qu’au fur et à mesure que nous traitons l’arriéré de demandes, les délais de traitement peuvent être faussés par des valeurs aberrantes, en particulier les demandes de notre ancien inventaire qui étaient auparavant en attente pendant une longue période et qui sont maintenant en cours de traitement, écrit IRCC au Devoir. Une fois l’arriéré de ces demandes éliminé, nous commencerons à voir des délais de traitement plus représentatifs de la réalité. »14 jours
C’est la « norme de service » pour l’obtention d’un visa de visiteur, selon le site d’IRCC, mais dans plusieurs pays, les délais dépassent 100 jours.
Le délai par pays est mesuré sur la base du temps qu’il a fallu pour traiter 80 % des demandes déposées au cours des deux à quatre derniers mois.
Le cabinet du ministre Sean Fraser insiste de son côté pour dire qu’il y a eu des « améliorations importantes au cours des derniers mois ». « Sur une base mensuelle, le Canada traite désormais plus de demandes de visas de visiteur qu’avant la pandémie, écrit-on. Rien qu’en novembre 2022, plus de 260 000 visas de visiteur ont été traités. En comparaison, la moyenne mensuelle en 2019 était d’environ 180 000 demandes. »Délais « de non-traitement »
Cette explication convainc à moitié. La présidente de l’Association des avocats et avocates en immigration, Stéphanie Valois, trouve cet allongement des délais « gênant » pour le gouvernement. « Comment peut-il demander aux gens des tarifs pour le traitement des dossiers alors que manifestement, ce n’est pas traité ? »
Me Denis Girard parle même de « délais de non-traitement ». L’avocat tente depuis le 28 juillet dernier d’aider une mère résidant au Bénin à obtenir un visa de visiteur pour qu’elle puisse venir visiter son fils, un résident permanent. Celle-ci était encore sans nouvelle en date du 29 janvier, soit six mois plus tard. Les délais officiels étaient de 167 jours en septembre l’année dernière. Ils ont ensuite bondi à 209 jours en novembre, pour repasser à 160 jours le 25 janvier.
Me Charbonneau-Lacroix dénonce surtout le manque de fiabilité des délais officiels affichés. « Moi, je dis à mes clients, n’achetez pas de billets d’avion tant que vous n’avez pas de visa dans votre passeport, parce qu’en ce moment, on peut s’attendre à tout et son contraire, lance-t-elle. C’est un peu embêtant pour les personnes qui veulent organiser un voyage, visiter leur famille. Ils ne peuvent se fier à rien de tangible. »Source: Longs délais pour les visas de visiteur malgré les promesses d’Ottawa