Les longs délais de traitement des visas nuisent aux universitaires
2023/02/03 Leave a comment
More concern in Quebec regarding visa delays, particularly with respect to conferences and academics:
Les longs délais de traitement pour obtenir un visa de visiteur au Canada causent de plus en plus de maux de tête à des organisateurs de conférences à Montréal comme à Toronto, qui comptent sur la venue d’experts et de participants de l’étranger. Cette difficulté d’obtenir un visa dans les temps complique la tenue de plusieurs de ces grandes rencontres, allant même jusqu’à les compromettre.
Originaire du Maroc, AbdelazizBlilid collabore avec Stéphane Couture, un professeur du Département de communication de l’Université de Montréal, pour une conférence qui doit se tenir au mois de juin à Montréal. Malgré son souhait d’enfin rencontrer son collègue canadien, qu’il n’a jamais vu en personne, M. Blilid est résigné. Avec un délai officiel de 216 jours sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour obtenir un visa de visiteur, le professeur marocain n’a même pas encore pris la peine de déposer une demande.
« Si la situation reste comme telle, je ne demanderai pas de visa, et je manquerai ce deuxième colloque aussi », laisse-t-il tomber, en anticipant qu’il devra y assister à distance. Il commence à être habitué : la dernière fois, un long délai de quatre mois l’avait aussi dissuadé à déposer une demande de visa pour assister à un autre colloque.
L’été dernier, à la suite d’un article rapportant de longs délais de traitement pour les visas de visiteurs, le ministre de l’Immigration Sean Fraser avait réitéré son engagement à diminuer le temps d’attente à la fin de l’année 2022 pour le ramener aux normes de service. Or, comme Le Devoir le révélait mercredi, non seulement les délais n’ont pas baissé six mois après la promesse du ministre, mais ils ont plutôt explosé.
Stéphane Couture a reçu récemment une subvention du fédéral pourorganiser cette conférence, à laquelle40 intervenants et 200 participants sont attendus. Il avait en tête d’inviter des experts du Sénégal, du Maroc et du Cameroun avec qui il collabore. Mais devant les délais qui s’allongent, en particulier pour le Sénégal, où ils sont de 462 jours, il songe à tout reporter. « Une [solution] serait de tenir la conférence dans un autre pays », a dit le professeur.Pour lui, ces longs délais de traitement nuisent non seulement à ses activités de recherche, mais également à toute son université. « Il y a une attractivité qui n’est pas là. Ce n’est pas très sérieux », soutient-il. « La mission de l’Université de Montréal, c’est d’être l’université francophone la plus influente du monde. Mais si ça prend un an et demi pour avoir la permission de venir visiter Montréal […] alors que mon collègue marocain dit que ça lui prend une semaine pour pouvoir aller en France… »
Les organisateurs de grands événements internationaux y penseront à deux fois avant de choisir Montréal comme ville hôte, craint M. Couture.Plusieurs embûches
Longs délais de traitement, difficulté d’avoir de l’information concernant l’état d’une demande, acceptation ou refus de dernière minute : pour avoir été responsable de la logistique des participants pour différents congrès internationaux, Laura Sawyer, directrice générale de l’Association internationale de la communication (en anglais, ICA), sait de quoi elle parle.
Mme Sawyer a elle-même dû intervenir auprès des ambassades et des consulats pour aider des participants à obtenir le visa leur permettant d’assister aux divers congrès annuels de son association.
Cette année, le 73e Congrès de l’ICA, qui aura lieu à la fin mai à Toronto, accueillera plus de 4000 participants, dont plus de 3300 viendront de l’extérieur du Canada. Et selon leur nationalité, un grand nombre d’entre eux auront besoin du précieux sésame.
« Nous partageons la frustration des universitaires dans le monde face aux difficultés liées à ces voyages internationaux », a-t-elle affirmé au Devoir. Des difficultés qui se sont exacerbées depuis la pandémie, affirme-t-elle,et qui ont aussi un impact sur la logistique du séjour, dont la réservation des hôtels.
Sans pouvoir juger quatre mois à l’avance de l’ampleur du problème, Laura Sawyer, dont l’association compte plus de 5000 membres répartis dans 80 pays, s’attend encore une fois à devoir personnellement intervenir auprès des autorités migratoires canadiennes.Les limites de la distance
Pour Mme Sawyer, même si les participants qui n’auront pas obtenu de visa pourront suivre le congrès à distance, il y a une limite à ne jamais pouvoir se rencontrer. « La valeur d’une conférence ne réside pas seulement dans les présentations et les panels, mais aussi dans les conversations de couloir, les événements sociaux, le réseautage », dit-elle. « C’est extrêmement frustrant quand un universitaire renommé, et qui est crucial pour un panel, se retrouve dans l’impossibilité d’entrer dans le pays hôte de la conférence. »
Assister aux conférences en ligne peut être une solution, mais c’est toutefois loin d’être idéal, croit aussi Stéphane Couture.
« Mettez-vous à la place de ces personnes-là. Si la conférence dure quatre jours en décalage horaire via Zoom, ils vont venir à deux ou trois réunions », laisse tomber le professeur. Il aurait aimé que ses collègues venus d’ailleurs restent quelques journées de plus que le colloque pour visiter la ville et tisser des liens. Toute la richesse des rencontres informelles est réduite à néant, déplore-t-il.
Une situation ironique, poursuit-il, quand on considère que la subvention fédérale qu’il a reçue se nomme Connexion, et que le but était « de connecter les gens ». « La dynamique qui permet des connexions va être grandement perdue, croit M. Couture. Les personnes africaines vont structurellement être désavantagées. »
De son côté, l’Université de Montréal indique que les universités canadiennes sont intervenues dans les derniers mois à ce sujet, au même titre que pour les permis d’études des étudiants étrangers.Source: Les longs délais de traitement des visas nuisent aux universitaires