David | Crier au loup

Interesting commentary on Quebec immigration politics, criticism of CAQ contradictions and the relationship with federal politics:

Le gouvernement Legault réussit si rarement à obtenir quoi que ce soit d’Ottawa que près d’un an après la fermeture du chemin Roxham, le premier ministre n’en finit plus de s’en féliciter et de fustiger ceux qui doutaient qu’il arrive à convaincre Justin Trudeau.

Il est vrai que les sceptiques étaient nombreux, mais il y en avait autant qui pensaient que cela n’empêcherait pas les migrants de continuer à affluer au Québec, à commencer par sa propre ministre de l’Immigration, Christine Fréchette.

« Le chemin Roxham, s’il est fermé, il va simplement s’en recréer un autre quelques kilomètres plus loin. Ça ne règle absolument rien, de le fermer », disait-elle, avant d’effectuer un virage à 180 degrés après s’être rendu compte qu’elle contredisait son patron.

M. Legault peut toujours continuer à se péter les bretelles, mais le problème demeure entier. Les demandeurs d’asile ont découvert qu’il est encore plus simple de prendre l’avion. « Finalement, la fermeture du chemin Roxham n’a pas donné grand-chose », relevait déjà l’automne dernier le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge.

Cela a donné si peu de résultats que M. Roberge en est rendu à dire non seulement que les services publics sont saturés, au point qu’une « crise humanitaire » serait imminente, mais aussi que l’identité québécoise elle-même est menacée. Bien entendu, le grand responsable demeure le gouvernement fédéral, qui a fait des aéroports canadiens, surtout celui de Montréal-Trudeau, de véritables passoires.

***

On peut discuter de la proportion exacte de demandeurs d’asile qui se retrouvent au Québec et de la compensation qu’Ottawa devrait verser au gouvernement provincial, mais le fardeau qu’il doit supporter est indéniablement excessif et inéquitable.

Le moins qu’on puisse dire est que ce nouveau cri de détresse n’a pas semblé inspirer à Justin Trudeau un plus grand sentiment d’urgence que la précédente lettre de M. Legault, datée de la mi-janvier, dans laquelle il évoquait une situation devenue « insoutenable » et un « point de rupture ».

Pour toute réponse, Québec a eu droit à 100 millions sur les 362 millions qu’Ottawa a accordés à l’ensemble des provinces pour loger les demandeurs d’asile, alors que le gouvernement Legault présente maintenant une facture d’un milliard.

Il a peut-être raison de s’alarmer, mais ce n’est pas la première fois qu’il crie au loup sans prendre les mesures qui s’imposent si le danger est aussi grand. Devant une telle urgence, les fins de non-recevoir à répétition d’Ottawa devraient l’avoir convaincu que ses réclamations sont peine perdue. Sinon, ce ne sont que des paroles en l’air et Ottawa a raison de l’envoyer paître.

Au printemps 2022, le premier ministre soutenait qu’accueillir plus de 50 000 immigrants entraînerait la « louisianisation » du Québec. L’automne dernier, son gouvernement a pourtant prévu admettre environ 65 000 immigrants au Québec en 2024. Quand le Parti québécois en proposait 35 000, dont il exigerait une connaissance suffisante du français à l’arrivée, M. Legault disait la chose impossible, mais cela est apparemment possible s’ils sont 65 000. Il y a de quoi être perplexe.

***

Chercher un bouc émissaire sur lequel rejeter la responsabilité de ses échecs est un réflexe naturel en politique. Un gouvernement qui détient 89 sièges sur 125 peut difficilement faire porter la faute à l’opposition. Bien sûr, il y a les syndicats, les médias, Trump… mais cela a aussi ses limites.

Mardi, M. Legault a trouvé un autre coupable. « À quoi ça sert, le Bloc québécois ? » a-t-il demandé. Que doit-on lui reprocher au juste ? Les demandes du Québec en matière d’immigration semblent plutôt bien défendues par ses soins à la Chambre des communes.

Pas plus tard que la semaine dernière, il y a fait adopter une motion réclamant la convocation d’une réunion des premiers ministres des provinces et des ministres de l’Immigration pour qu’ils fixent des seuils tenant compte de la capacité de paiement et d’accueil du Québec et des autres provinces.

M. Legault n’en est pas encore à unir sa voix à celle de Pierre Poilievre, qui accuse régulièrement le Bloc d’être le complice de Justin Trudeau, mais faut-il comprendre qu’il croit le Parti conservateur plus apte à représenter les intérêts du Québec à Ottawa ?

M. Poilievre a déclaré mercredi que « le Québec est au point de rupture à cause de la décision de Trudeau d’enlever le visa du Mexique que les conservateurs avaient mis en place ». Quelle coïncidence, n’est-ce pas ?

Il est vrai qu’avec la montée du Parti québécois, qui peut compter sur l’appui du Bloc, et vice versa, la Coalition avenir Québec et le Parti conservateur ont des ennemis communs aussi menaçants pour l’un que pour l’autre. Aux yeux de bien des Québécois, Pierre Poilievre est cependant un loup au moins aussi dangereux que Justin Trudeau.

Source: Chronique | Crier au loup

Lisée: L’immigration et la loi de la gravité

Sarcasm, well justified:

Le saviez-vous ? Avant qu’Isaac Newton ne découvre la gravité, tout le monde prenait les choses à la légère. La boutade s’applique superbement à la soudaine épiphanie de membres du gouvernement Trudeau face à l’immigration.

« Je crois que personne n’a besoin d’un briefing pour comprendre que, s’il y a plus de gens qui ont besoin de se loger, cela va avoir un impact sur la situation du logement », affirmait cette semaine l’un des architectes de l’immigration massive trudeauiste, car jusqu’à récemment titulaire de ce portefeuille, Sean Fraser, mais qui, depuis l’été, est puni par là où il a péché, car il est désormais ministre du Logement.

Son successeur, Marc Miller, est allé jusqu’à déclarer que le pays avait « perdu le contrôle » du nombre d’étudiants étrangers au pays, mais que cet état de fait était la responsabilité des provinces, dont certaines tolèrent la présence sur leur territoire de ce qu’il a appelé des « puppy mills ». En français, il s’agit d’« usines à chiots ». Il parle de ces écoles privées qui sont des usines à diplômes de qualité incertaine, délivrés dans un temps record à des étudiants pour beaucoup venus de l’Inde et de la Chine, et qui leur donne, selon les généreuses règles en vigueur, un accès rapide à la citoyenneté.

Une des meilleures recettes de la mauvaise foi politique est d’identifier, à l’intérieur d’un problème majeur, un élément réel, mais secondaire, et de faire semblant qu’en s’y attaquant, on prend l’enjeu de front. Car, au fond, les membres du gouvernement Trudeau pensent-ils qu’avoir haussé à un demi-million par an le nombre d’immigrants permanents est excessif ? Non. 

« Les Canadiens sont presque unanimes dans leur appui à l’immigration. C’est un avantage extraordinaire. Nos seuils actuels d’immigration permanente sont ceux dont on a besoin pour notre économie », a déclaré sans rire Justin Trudeau. Tous les sondages récents démontrent au contraire que l’appui des Canadiens aux seuils d’immigration connaît une chute historique. Près des trois quarts jugent — avec sagesse — qu’il faut réduire les seuils au moins le temps que se résorbe la crise du logement. Si la tendance se maintient, il y aura bientôt unanimité.

Le festival du sophisme

Peut-être pense-t-il que les milieux d’affaires torontois, qui ont plaidé pendant des années pour une augmentation de l’immigration et qui alimentent sa caisse électorale, sont toujours avec lui. Pas selon leur Pravda, le Financial Post, qui résume ainsi le consensus ambiant : « La décision du premier ministre Justin Trudeau d’augmenter considérablement l’immigration […] sans fournir un soutien adéquat a créé une longue liste de problèmes économiques, notamment une inflation plus élevée et une faible productivité. » L’économiste en chef de la Banque TD, Beata Caranci, résume la chose ainsi : Trudeau « screwed up ». 

Comment le jugement du premier ministre peut-il être aussi éloigné du réel ? Les solutions, explique-t-il en empirant son cas, sont à portée de main : les 500 000 permanents par an peuvent trouver à se loger, prétend-il, pour peu que les universités dénichent des logements pour leurs étudiants internationaux et les entreprises pour leurs travailleurs temporaires. Il suffisait d’y penser. Car dans l’univers trudeauiste, il y a trois marchés distincts du logement. Incrédule ? Rappelons qu’on parle d’un homme qui, ayant obtenu pour ses vacances en Jamaïque un hébergement d’une valeur de 84 000 $, a déclaré que, « comme énormément de familles canadiennes, on est allés rester chez des amis pour les vacances de Noël ».

On s’ennuie du temps où il débitait des phrases creuses. Car ses nouvelles déclarations sont pires : fausses. Il continue à affirmer qu’il nous faut davantage d’immigration pour résoudre les pénuries de main-d’oeuvre. Mais puisque le Canada a reçu plus de deux millions d’arrivants en deux ans, ne devrions-nous pas avoir réglé le problème et être en surplus de main-d’oeuvre ? 

L’économiste Pierre Fortin a conclu de la revue de la littérature scientifique récente que cette conclusion « n’est rien d’autre qu’un gros sophisme ». Chaque immigrant qui pourvoit un emploi requiert la création d’un autre emploi pour lui fournir tous ses services. Idem pour la prétention que l’immigration nous enrichit (l’impact est non significatif) ou nous rajeunit (même résultat). On continue cependant à entendre politiciens, patrons et commentateurs répéter ces sornettes.

Pour entrer dans le détail, disons qu’il est vrai que, si on déverse un million de Chinois au Québec ayant chacun 1000 $ en poche, le PIB va croître d’un milliard. Si vous êtes un PIB, c’est la joie. Si vous n’êtes pas un PIB, c’est moins drôle. Et s’il s’agissait d’éviter un déclin démographique en maintenant la croissance récente de la population du Québec, le démographe Marc Termotte a conclu qu’il ne faudrait, pour ce faire, toutes catégories comprises, que 58 000 immigrants par année, plutôt que les 580 000 actuels — les 55 000 permanents et les 528 000 non permanents. Donc, le dixième.

Les sophismes sur les bienfaits de l’immigration ne seraient que du bruit de fond si les conséquences ne devenaient pas si graves, pour le logement, l’éducation — 1500 classes d’accueil supplémentaires au Québec — et, au bout du compte, l’explosion de l’itinérance.

Difficulté cognitive

Des esprits tordus prétendent que la difficulté cognitive des libéraux fédéraux en matière d’immigration tient à cette information, rapportée dans Le Soleil par Hélène Buzzetti : « À leur dernier congrès, le sondeur Dan Arnold a révélé que les électeurs nés à l’extérieur du Canada sont les plus susceptibles de voter libéral. Leur niveau d’appui au Parti libéral a dépassé celui des non-immigrants par 8 points à l’élection de 2015, par 13 points en 2019 et par 19 points en 2021 . » Réduire le flot d’entrées de cette manne électorale est un pensez-y bien, surtout pendant une traversée du désert.

François Legault a de son côté utilisé la formule Miller : identifier une partie du problème et faire comme s’il s’agissait de l’essentiel. Le trop-plein de demandeurs d’asile, écrit-il à Trudeau, ne peut plus durer. Certes. Mais Legault a toujours eu le loisir de limiter le nombre d’étudiants étrangers et de travailleurs temporaires sur son territoire. Il a choisi de ne pas le faire. Sa ministre Christine Fréchette se plaint qu’une bonne part des immigrants temporaires ne sont que du ressort d’Ottawa. Mais c’est parce qu’elle refuse d’invoquer l’entente Canada-Québec sur l’immigration pour exiger d’en avoir le contrôle.

C’est le malheur particulier des Québécois d’être en ce moment gouvernés à Ottawa par des trudeauistes qui prennent leurs lubies de grandeur postnationales pour des vérités et à Québec par un premier ministre qui avouait en campagne électorale ne pas être « un génie en herbe de l’immigration ». Cela paraît.

Paul St-Pierre Plamondon a beau jeu de pousser ce cortège de sophistes dans leurs contradictions, et d’éclairer combien la passivité de la Coalition avenir Québec (CAQ) est navrante et combien le projet canadien est contraire, non seulement à nos intérêts, mais à la simple bonne gestion de nos affaires. Il semble être le seul à comprendre la gravité de l’enjeu. Il mérite donc, pour cette semaine, le prix Isaac Newton.

Source: L’immigration et la loi de la gravité

‘Breaking point’: Quebec premier asks Trudeau to slow influx of asylum seekers

Valid concerns but with respect to costs, Legault avoids discussing the disproportionate amount Quebec gets under the Canada Quebec accord that ensures Quebec gets a fixed percentage of settlement funding irrespective of the immigration share:

Quebec Premier François Legault is asking Prime Minister Justin Trudeau to slow the influx of asylum seekers entering his province, which he said is nearing a “breaking point.”

Legault made his request in an official letter to Trudeau sent Wednesday afternoon, a copy of which was obtained by The Canadian Press.

“We are very close to the breaking point due to the excessive number of asylum seekers arriving in Quebec month after month. The situation has become unsustainable,” Legault wrote.

He said that in 2022, Quebec took in more asylum seekers than the rest of the country combined.

The closure of the unofficial Roxham Road crossing point south of Montreal in 2023 “momentarily” slowed the flow, he said.

“However, the arrivals have continued to increase at airports. The number of people arriving on a visitor visa and applying for asylum is also increasing significantly.”

Nearly 60,000 new asylum seekers were registered in Quebec in the first 11 months of 2023, which has put “very significant pressure” on services, the premier writes.

“Asylum seekers have trouble finding a place to live, which contributes to accentuating the housing crisis,” the letter said. “Many end up in homeless shelters, which are overflowing.”

He said organizations that help asylum seekers can’t keep up with demand. Legault said the children of asylum seekers are also straining schools that already have a shortage of teachers and space.

The premier reminded Trudeau that asylum seekers who are waiting for work permits receive financial assistance from Quebec. Last October, some 43,200 asylum seekers received $33 million in aid.

Legault expressed particular concern over Mexican nationals, who he said represent a growing proportion of the asylum seekers coming to the province.

“The possibility of entering Canada from Mexico without a visa certainly explains part of the influx of asylum seekers,” he said.

“The airports, particularly in Toronto and Montreal, are becoming sieves and it is time to act,” he added.

Legault is formally asking the prime minister to tighten its policies around granting visas. He’s also seeking the “equitable” distribution of asylum seekers across Canada, possibly by busing them to other provinces.

Source: ‘Breaking point’: Quebec premier asks Trudeau to slow influx of asylum seekers

Des immigrants parlant le français au quotidien déplorent leur exclusion des «statistiques de Legault»

A noter. One personal story but have noticed that Le Devoir has increased its coverage of immigration often highlighting these kinds of situations and issues:

Ils ont choisi le Québec pour sa réputation progressiste, son ouverture sur le monde et parce qu’ils sont francophiles. Ils ont quitté les États-Unis, inquiets du devenir du pays durant la présidence de Donald Trump. Des immigrants américains se disent aujourd’hui « sous le choc » et « déçus » par le discours et les politiques du gouvernement de François Legault, qui rongent leur sentiment d’appartenance.

Alors qu’ils font tout pour apprendre et vivre en français, ces nouveaux arrivants rejettent l’étiquette de personnes qui « anglicisent » le Québec. Même s’ils utilisent le français dans leur quotidien et au travail, ils ne compteront jamais dans « les statistiques de Legault », déplore Kiyoshi Mukaï, Américain d’origine japonaise installé à Montréal depuis un an et demi.

Les deux indicateurs cités par le premier ministre François Legault, notamment dans son dernier discours d’ouverture, sont en effet la langue maternelle et celle parlée à la maison. M. Mukaï ne coche donc pas les bonnes cases : l’anglais comme langue maternelle, il parle espagnol à la maison, la langue maternelle de son épouse, Victoria Girón, originaire du Honduras.

« J’ai toujours voulu vivre au Québec », précise Kiyoshi Mukaï à plusieurs reprises durant l’entrevue avec Le Devoir,réalisantune partie de ses études en français. « Quand Trump a commencé sa campagne, j’ai appelé un consultant en immigration et déposé une demande », raconte-t-il. Il a ensuite patienté durant quatre ans, entre 2018 et 2022, notamment à cause de délais liés à la pandémie, pour enfin officiellement immigrer à Montréal.

Tous les deux assurent utiliser le français quotidiennement dans leur vie sociale et au travail. Ils ont même été prêts à débourser près de 4000 $ pour que Mme Girón puisse étudier la langue dès son arrivée. Elle ne détenait alors qu’un visa de visiteur et n’avait donc pas accès à la francisation gratuite.

Partant pratiquement de zéro, elle a réussi le tour de force d’atteindre un niveau conversationnel en six mois, niveau qu’elle démontre tout au long de notre entrevue. « Pour nous, c’était très important d’acquérir la langue pour faire partie de la société, même s’il fallait payer », raconte-t-elle. Non seulement pour aller au dépanneur ou prendre le métro, mais aussi pour son « indépendance », précise-t-elle.

Maintenant que le couple est marié, elle a obtenu un visa de travail. Architecte de formation, elle suivra bientôt une formation linguistique complémentaire et un peu plus technique pour ses éventuelles entrevues d’embauche.

Dans l’ombre des statistiques

« Nous, ce qu’on vit est que le français est clairement la lingua franca. Au point que ça surprend nos amis qui nous visitent », assure aussi un autre Québécois d’origine américaine. Il a beaucoup de points en commun avec M. Mukaï et Mme Girón, mais il a demandé de protéger son identité par peur de devenir une cible en ligne.

Chercheur universitaire dans un établissement francophone à Montréal, il a quitté Portland en Oregon, lui aussi durant les années Trump, un endroit pourtant réputé comme un bastion progressiste. « Un jour, j’ai trouvé ma petite fille, qui avait alors 6 ans, qui se cachait sous le lit avec une amie. Elles jouaient qu’il y avait un tireur actif. Je me suis dit “Est-ce que c’est vraiment ici qu’on va élever nos filles ?” » La mise en situation était potentiellement tirée d’un exercice contre les fusillades, qui sont devenues courantes dans les écoles américaines.

« La première fois qu’on a visité Montréal, on a été tellement attiré par la diversité, l’aspect international et le fait de pouvoir communiquer dans plusieurs langues », relate-t-il.

La famille ne regrette pas son choix. Leurs deux enfants sont maintenant « 100 % bilingues », car ils fréquentent l’école francophone grâce à la loi 101. Ils savent chanter des paroles des Trois Accords ou des Cowboys Fringants.

« Mais on ne comptera jamais dans les statistiques de Legault, on ne marche pas dans son message politique », dit l’homme dans la cinquantaine. « Je comprends de plus en plus que nous ne serons jamais acceptés comme des Québécois », dit-il. Il trouve ce constat « triste et décevant », alors que, comme pour nombre d’immigrants, il lui semble plus facile de se dire Canadien.

Il dénonce le choix de s’en tenir surtout à la langue maternelle, « quelque chose qu’on ne contrôle pas ». Si la possibilité d’appartenir, de se réclamer Québécois en dépend, alors il faut faire partie « d’une ethnie en fin de compte, au lieu d’une nationalité », constate-t-il.

Impossible, à ce compte, d’entrer dans « ce gabarit », même par l’assimilation — une politique que les États-Unis ont explicitement abandonnée dans les années 1990 et aujourd’hui associée à la droite trumpiste —, note-t-il.

Des délais

Les politiciens « donnent un portrait faux et incomplet » de l’immigration, croit M. Mukaï. Le discours sur le déclin du français sert, selon lui, à justifier des seuils d’immigration plus bas : « À l’heure actuelle, on sait notamment que la peur de l’anglicisation du Québec a joué un rôle dans les limites annuelles établies pour la réunification familiale », constate-t-il.

Ces délais qui s’allongent, il en connaît quelque chose. Sa femme attend depuis plus d’un an d’obtenir sa résidence permanente. Même si le couple a le privilège d’être ici ensemble, Mme Girón ayant d’abord obtenu un visa de touriste puis un visa de travail, il déplore d’être instrumentalisé pour une politique qui « garde des couples et des familles séparées ». « Pour moi, c’est inhumain », dit-il.

« Je sais que c’est un privilège d’immigrer et je suis toujours reconnaissant […], mais je me sens un peu confus et trahi en même temps », confie M. Mukaï.

Le ministère fédéral de l’Immigration a récemment confirmé au Devoir que les seuils établis par Québec ralentissent en effet le regroupement familial. Les délais sont de 10 à 15 mois plus courts dans le reste du Canada. Au total, 36 800 personnes sont en attente d’une résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial au Québec, alors que la barre maximale établie par le gouvernement Legault se situe à 10 600 personnes pour l’année 2023.

C’est précisément les participants à ce programme que le premier ministre a accusé en 2022 de mettre le Québec sur la voie de la « louisianisation ».

Pour tous ces immigrants, il y a pourtant d’autres marqueurs identitaires clairs et tout aussi importants, comme les valeurs progressistes, féministes et égalitaires, citent-ils tous. « Au Québec, on se sent dans une société distincte. C’est plus une communauté, et la manière de traiter les gens est plus amicale », observe Victoria Girón.

« Toute l’huile qui a été jetée sur le feu identitaire, c’est vraiment pour distraire, alors que d’autres choses sont bien en train de pourrir, comme la santé et l’éducation », dit quant à lui le chercheur universitaire.

Source: Des immigrants parlant le français au quotidien déplorent leur exclusion des «statistiques de Legault»

Bouchard: D’où viennent nos valeurs?

Always interesting to read Bouchard’s analysis and this is a particularly strong response to Premier Legault’s tweet stressing the Catholic heritage:

Le tweet de M. Legault début avril nous invite à nous interroger sur l’origine des valeurs prédominantes dans notre société. Quelles en sont les racines dans notre histoire ? Deux thèses se présentent, l’une privilégiant la religion catholique, l’autre, la culture populaire.

Le catholicisme

Une première difficulté posée par cette thèse, c’est qu’elle est contredite de plusieurs façons par l’histoire. Le catholicisme prêchait l’austérité, la soumission, la quête de spiritualité, la chasteté. Ce sont là, on en conviendra, des valeurs qui s’accordent mal avec l’esprit du temps présent. Mais l’Église enseignait aussi la liberté, l’entraide, la solidarité, l’éthique du travail. À première vue, on est ici en terrain plus sûr.

Ce n’est pas le cas : nos valeurs ont émergé malgré l’opposition de l’Église. Nous accordons une large place à la démocratie et à l’éducation. Sur ces deux points, le dossier de l’Église est en souffrance. L’autorité venait d’en haut et on ne croyait pas nécessaire de prolonger l’éducation du peuple au-delà du secondaire et même du primaire. L’Église a longtemps combattu les projets d’instruction obligatoire et gratuite jusqu’à 14 ans.

L’égalité sociale, qui nous est chère, s’est longtemps heurtée à la vision hiérarchique de la société professée par l’Église. Le statut de chacun était fixé par la Providence. L’Église s’est opposée aussi à l’émancipation de la femme (travail salarié, autonomie juridique, droit de vote, contraception…). Enfin, nos élites laïques ont fortement encouragé l’entrepreneuriat et l’insertion d’une élite francophone dans le domaine des affaires. Encore là, il y avait incompatibilité. L’Église avait envers l’industrialisation une tradition de méfiance, et même d’opposition.

Quant à la liberté, confrontée à une moralité tatillonne et à la pratique de la censure, elle a eu fort à faire jusqu’à la fin des années 1950. L’Église était aussi loin du compte en matière d’ouverture à l’autre. Elle prêchait l’antisémitisme, était hostile aux autres religions, interdisait les mariages mixtes au nom de la race pure et a longtemps fait preuve de racisme envers les Autochtones. Elle a par ailleurs beaucoup tardé à composer avec la modernité, le changement, le progrès, les droits de la personne. L’État-providence, avec ses politiques sociales généreuses, fut l’une des grandes réalisations de la Révolution tranquille. Une bonne partie du haut clergé a vu d’un mauvais oeil cette initiative de l’État.

Pendant longtemps, l’émancipation économique, sociale et politique des Canadiens français a compté parmi les objectifs principaux de notre nation. L’émancipation, c’est-à-dire la levée des contraintes imposées par le colonialisme anglophone. Or, à des moments clés de notre histoire, l’Église s’est mise au service du colonisateur contre les Canadiens français — pensons à la Conquête, aux rébellions de 1837-1838, aux deux crises de la conscription.

Voici une autre difficulté. Des catholiques de renom comme Jean Hamelin, Pierre Vadeboncoeur et Fernand Dumont ont soutenu que la foi de nos ancêtres était très superficielle. Ils y ont vu la conséquence d’une pastorale autoritaire trop centrée sur le rituel et la routine, qui ne tenait que par la « coutume ». Sous l’effet des nouvelles coutumes introduites dans les années 1945-1960, l’ancienne serait disparue. Fernand Dumont : « On s’est débarrassé de la religion comme d’un vieil appareil de radio qu’on jette pour acheter une télévision. » Comment imaginer que les fidèles, ces « robot[s] télécommandé[s] », « ces chrétiens sans anticorps » (J. Hamelin) aient pu être profondément imprégnés des valeurs en cause ici ? F. Dumont encore, dans une conférence de 2003, reprochait à l’Église d’avoir failli à faire passer dans la culture civique les valeurs du christianisme.

Enfin, le Québec est une petite nation minoritaire qui est née et a grandi sous deux colonialismes et qui s’est toujours inquiétée de sa survie. C’est plus qu’il n’en fallait pour inspirer des réflexes d’autoprotection qui font d’abord appel à la solidarité.

La thèse de la culture populaire

Il est plus vraisemblable que nos valeurs soient nées dans la culture populaire. L’héritage de valeurs comme la solidarité, le travail, l’esprit communautaire et la liberté peut en effet être rattaché à une tout autre expérience que la religion catholique. Cette thèse comporte deux volets.

Il y a d’abord notre passé lié au défrichement. Nos ancêtres lointains étaient des défricheurs. Ils ont façonné le territoire originel et ont édifié une société. Après la mise en valeur de la vallée du Saint-Laurent, ce travail s’est poursuivi jusque dans les années 1940 dans les espaces péri-laurentiens, où, en un siècle, une quinzaine de régions ont été fondées. Nous avons été longtemps un peuple de défricheurs.

Or l’expérience des défrichements inculquait profondément le goût de la liberté. Elle faisait appel aussi à l’éthique du travail, à l’esprit d’entreprise (les colons, isolés, étaient laissés à eux-mêmes). S’ajoutait à cela, par nécessité, la solidarité communautaire, dans un contexte de vide institutionnel où la survie était un défi constant.

Le deuxième volet, c’est celui du travail industriel. La culture robuste née de l’expérience pluriséculaire des défrichements s’est ensuite transmise dans le cours de l’urbanisation. Car les Canadiens français étaient aussi un peuple de lutteurs, cette fois dans la sphère du travail. L’historien Jacques Rouillard a bien montré la vigueur et l’ampleur des luttes ouvrières menées depuis longtemps au sein du syndicalisme, sans compter la fréquence et la dureté des conflits là où il n’existait pas de syndicats.

On connaît les valeurs forgées dans ces luttes : équité, égalité, solidarité, émancipation sociale, entre autres. Or, elles résultaient de pratiques conflictuelles, souvent agressives, que le clergé, en grande partie, a longtemps condamnées, s’employant plutôt à diffuser l’idée que le patron devait être traité comme un père par ses employés.

On voit que l’origine de nos valeurs reste une question complexe. Mais on voit bien aussi que, sur des points essentiels, elles ont pris le contre-pied de l’héritage de l’Église plutôt que de s’en nourrir.

Source: D’où viennent nos valeurs?

Nicolas: Catho-laïcité

Great column:

Dans ma cohorte à l’école primaire, il y avait une poignée d’enfants qui n’étaient pas catholiques. On savait tous qui ils étaient. Parce que nous, les enfants « normaux », regardions les enfants « bizarres », inscrits en morale, sortir de la classe pendant que nous nous préparions pour notre cours de catéchèse. En effet, nos institutions publiques avaient déjà le don de faire se sentir les minorités religieuses comme des extraterrestres bien avant l’apogée de nos débats sur la laïcité.

Nous, les enfants « normaux », disais-je, avions des chansons à apprendre sur Zachée, Lazare, les noces de Cana. Du sérieux, quoi. Le prêtre visitait l’école, puis on passait des soirées dans le sous-sol de l’église de la paroisse à chanter encore pour orchestrer une scène de la nativité pour la messe de Noël, encore pour préparer notre première communion, puis notre confirmation. C’était là un éventail d’activités normal pour des enfants « normaux » d’une école primaire publique, à la fin des années 1990, dans une région certes plus conservatrice que la moyenne, au Québec.

Au secondaire, dans une école officiellement déconfessionnalisée mais que tout le monde continuait d’appeler « couvent » quand même, les religieuses étaient encore très impliquées dans l’enseignement et l’administration de notre quotidien. Dans les années 2000, donc, j’ai récité des « Je vous salue Marie » avant de commencer mon cours de français. Le prêtre venait toujours — dans la salle dédiée à la prière de l’école, n’est-ce pas, qui était tout simplement une chapelle — pour nous encourager à faire le carême, avouer tel ou tel péché sous un mode certes un peu plus créatif que le confessionnal traditionnel et nous accorder le pardon. Les élèves « bizarres » étaient toujours les bienvenus parmi nous. Les crucifix et autres statues de Marie décoraient des salles de classe… inclusives.

J’ai un rapport complexe à cette éducation catho-laïque, plus importante que celle de bien des jeunes de mon âge élevés dans la « grand ville ». Pour le moins, je pense qu’avoir grandi ainsi m’aide à faire des nuances.

Je sais bien, par exemple, qu’aucun élève LGBTQ+ de mon école n’a fait son coming out au secondaire, et que ce n’est certainement pas dans un cours de Formation personnelle et sociale donné par une religieuse qu’on aurait pu se sentir à l’aise de discuter de la diversité sexuelle. Ce tabou, je suis profondément contente qu’il soit moins vécu de front par la génération qui me suit.

Je sais aussi que les soeurs qui m’enseignaient avaient eu l’occasion de faire de longues études, parfois jusqu’au doctorat, qui étaient demeurées inaccessibles à ma grand-mère, pourtant de la même génération. Je comprends que des femmes, dans une société profondément patriarcale, ont choisi de cesser d’exister comme objet sexuel et reproducteur, en quelque sorte, pour avoir des carrières, voyager et contribuer plus largement à leur société.

Cela ne m’empêche pas de comprendre le rôle de l’Église dans la perpétuation de la violence coloniale dans les Amériques et l’Afrique, y compris la mise sur pied des pensionnats autochtones. Il y a quelques jours encore, le pape devait encore s’excuser pour la « doctrine de la découverte », une idéologie qui a légitimé la dépossession territoriale, et donc la « fondation » du Canada.

Et je sais encore que des mouvements politiques ancrés dans la théologie de la libération a nourri des soulèvements des classes populaires en Amérique latine et que les églises afro-américaines ont joué un rôle central dans la mobilisation pour les droits civiques. Et qu’il est tout à fait possible de créer des espaces de subversion et de réflexion critique porteuse au sein même des institutions religieuses.

Tout ça, on s’en rend compte lorsqu’on s’intéresse aux phénomènes religieux et spirituels dans toutes leurs complexités et en nuances. Et lorsqu’on ne sait pas faire d’analyse nuancée de son propre héritage religieux, on est aussi probablement très mal outillé pour avoir des conversations franches, tout aussi pleines de nuances, avec des croyants d’autres confessions qui cherchent aussi du sens dans leurs héritages complexes capables de beauté comme de violence, d’oppression comme de libération.

Les valeurs de solidarité et de partage sont promues par toutes les grandes religions, sous une forme ou sous une autre. Par exemple, la générosité envers les plus démunis est une valeur fondamentale dans l’Islam, une valeur particulièrement à l’oeuvre durant le ramadan, en ce moment même. Et si ce n’était pas de l’entraide, le peuple juif n’aurait pas pu traverser tous les millénaires de son histoire — ni même se libérer, avec Moïse, de l’esclavage en Égypte, ce qu’on célèbre, justement, lors de la Pâque juive, ces jours-ci. Et dans le reste du pays, les communautés anglo-protestantes construisent des filets sociaux les uns pour les autres, sans attendre nécessairement que l’État s’en mêle. C’est une autre manière de voir les institutions, certes, mais certainement pas une absence de solidarité.

Aller dire — par exemple, comme ça — que le catholicisme aurait une espèce de monopole de la valeur de la solidarité, alors que les trois religions du Livre partagent un moment particulièrement fort serait donc un geste d’une profonde insensibilité et inculture. Lorsqu’on est un chef d’État qui doit représenter et traiter équitablement tous ses citoyens, peu importe leur foi, présenter une religion comme « meilleure » sur un aspect ou un autre est une grave erreur politique. Lorsqu’on a fait une partie de sa carrière politique sur le concept de la laïcité a en plus, la déclaration devient tragicomique.

Mais surtout, peu importe le rôle de la personne qui le déclare, sur le fond, il y a un truc qui ne tourne pas rond dans cette hiérarchisation, parfois. On se dit que l’auteur d’une telle sortie aurait besoin d’un bon cours d’éthique et culture religieuse. Et que c’est probablement parce qu’il lui en manque qu’il a voulu l’abolir.

Source: Catho-laïcité

François Legault shares racist article, reveals hypocrisy on secularism

Sigh…

Quebec Premier François Legault shared an article by infamous Journal de Montréal columnist Mathieu Bock-Côté about the importance of Catholicism in Quebec, revealing his hypocrisy on secularism and a willingness to overlook barely disguised racist sentiments in the material he shares.

In his column, timed with Easter weekend, Bock-Côté praises Quebec’s Catholic heritage, noting that  “Catholicism, from the origins of New France, gave a particular impetus to our adventure in America” — kind of like how the Catholic Church’s Doctrine of Discovery encouraged Europeans to crush Indigenous communities in their travels? Bock-Côté also says, “It is this same sense of the collective that leads us today to resist the fragmentation of society under the pressure of multiculturalism” — a gratuitous slam on multiculturalism as being the root of all our problems.

Legault quoted another piece of the Journal article on Twitter: “Catholicism has also engendered in us a culture of solidarity that distinguishes us on a continental scale.” As Montreal comedian Sugar Sammy pointed out, “Secularism is important except for this one tweet.”

Secularism has been identified by the Legault government as one of Quebec’s core values, and used as justification for Bill 21, which supposedly treats all religions equally in terms of banning religious symbols.

Source: François Legault shares racist article, reveals hypocrisy on secularism

Lanctôt: Préparer l’avenir [future waves of climate refugees]

Reminder that today’s problems may be insignificant compared to the futuree:

Puisqu’il faut battre le fer pendant qu’il est chaud et qu’on fait tout pour qu’il le demeure, nous y voilà encore. La panique entourant le chemin Roxham semble s’être installée pour de bon, dans les termes déplorables qu’on connaît. Si au moins il s’agissait de braquer les projecteurs sur le drame humain qui se joue dans l’espace liminal des frontières, ce serait une chose. Or, c’est sur le « fardeau » de l’accueil qu’on se focalise, pendant que les demandeurs d’asile eux-mêmes flottent en périphérie de la discussion, comme une simple variable dans un calcul qui se fait sur leur dos, mais sans eux.

C’est ainsi que, cette semaine, le premier ministre François Legault s’est adressé directement à son homologue fédéral, Justin Trudeau, pour exiger qu’Ottawa agisse pour soulager le Québec de la pression exercée par les demandeurs d’asile sur sa société. La lettre est remarquable en ce qu’elle condense, en quelques paragraphes, plusieurs années d’une construction méticuleuse de la version toute québécoise du discours sur le péril migratoire aux frontières.

Les États-Unis, l’Europe aussi, ont une longueur d’avance à ce chapitre, alors que ces discours se construisent, se reconfigurent et se peaufinent depuis bien plus longtemps. Mais alors que la migration d’urgence s’intensifie partout dans le monde, le Québec fait face soudain, lui aussi, à une détresse qu’il lui était autrefois plus facile d’ignorer. Sans surprise, on réagit en important les dispositifs idéologiques qui, partout ailleurs, président au durcissement des frontières et à la construction de la figure du migrant comme menace.

François Legault l’a bien compris, et sa lettre à Justin Trudeau est une formidable radiographie de la panique migratoire telle qu’elle se vit chez nous. Le premier ministre québécois campe d’abord ses revendications sur le terrain de la défense des services publics, soulignant que l’arrivée « massive » de demandeurs d’asile au Québec pèse bien lourd sur des institutions déjà à bout de souffle.

Il ne se trouvera personne pour le contredire : les services publics, tout comme les groupes communautaires — à qui l’on demande d’éponger le trop-plein du réseau public avec une fraction des ressources —, sont poussés à bout de manière structurelle. La crise est chronique, et elle a été délibérément fabriquée par des décennies de gouvernance néolibérale.

Il est vrai que les ressources manquent pour accompagner les demandeurs d’asile de manière digne. Les histoires que l’on entend brisent le coeur ; des familles qui passent d’un refuge à l’autre, des gens contraints de dormir dans la rue après avoir traversé la frontière par Roxham, une attente interminable pour obtenir de l’aide financière, et le dépassement bien réel des organismes qui prodiguent de l’aide immédiate. Tout cela est insupportable, sauf qu’on pose le problème à l’envers : notre échec à accueillir correctement ces personnes est le symptôme de carences préexistantes, et non leur cause. On pointe la lune et on regarde le doigt.

Il faudrait plutôt renverser la question : comment se fait-il que le Québec n’ait rien de mieux à offrir que l’itinérance et des dédales administratifs déshumanisants à des personnes qui ne demanderaient pas mieux que de pouvoir contribuer à la société québécoise ?

François Legault brandit le chiffre de 39 000 migrants arrivés de manière irrégulière en 2022, ajoutant que cela s’ajoute aux 20 000 personnes admises par voie régulière. Il veut souligner, on l’imagine, l’ampleur de la contribution du Québec. Or, comme le remarquait la directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, France-Isabelle Langlois, dans une lettre parue dans ces pages, on compte actuellement 100 millions de personnes déplacées de force à travers le monde. À travers les Amériques, la Colombie accueille à elle seule 1,8 million de personnes. On estime par ailleurs que d’ici 2050, plus de 200 millions de personnes seront déplacées par la crise climatique à l’échelle mondiale.

Qu’à cela ne tienne, le Québec, lui, a déjà statué quant à sa responsabilité dans la prise en charge des mouvements de population mondiaux : « La capacité d’accueil du Québec est désormais largement dépassée », écrit le premier ministre. François Legault le dit sans détour : il ne veut pas améliorer la capacité d’accueil du Québec. Il ne demande pas à Ottawa plus de ressources pour mieux accueillir. Il affirme au contraire que le Québec en a déjà fait assez, et qu’il espère même être dédommagé pour les efforts déjà déployés.

Il fait ensuite un pas de côté pour mentionner le déclin du français à Montréal, qu’il associe, d’ailleurs, à l’arrivée de tous les migrants, pas seulement les demandeurs d’asile — après tout, il a une base à exciter. Puis, il réclame l’élargissement de l’entente sur les tiers pays sûrs à tous les points d’entrée au Canada, et la fermeture complète du chemin Roxham. Comme si l’interdiction de demander l’asile au Canada par voie terrestre, ainsi que la fermeture d’un seul point d’entrée devenu emblématique n’allaient pas tout simplement pousser plus de gens sur des routes clandestines.

Au-delà de ce que cette lettre dit de la situation présente, on y lit aussi l’ébauche, plus troublante, d’une vision à plus long terme. François Legault prépare le terrain, il entame doucement la normalisation du mot d’ordre qui sera celui de l’avenir cauchemardesque de la crise climatique : laissez-les se débrouiller.

Source: Préparer l’avenir

Clark: Let’s get politicians to tell us how they would close Roxham Road, not why, Yakabuski: Trudeau can no longer avoid tough choices on Roxham Road 

As always, the herd instinct at play in coverage of irregular arrivals and Roxham Road, given Premier Legault’s public pressure and Pierre Poilievre’s simplistic solution.

Two of the best are Clark, who calls for a needed but unlikely change, and Yakabuski who argues time for though choices:

Let’s hold all our politicians to one simple rule about Roxham Road: Don’t tell us what you want to do about it. Tell us how you would do it.

Quebec politicians have been calling for the unofficial crossing on the border between Quebec and New York state to be closed. And Conservative Leader Pierre Poilievre has called for the feds to do so within 30 days.

But as it turns out, there is no switch that opens and closes the border. So what is it they are actually proposing?

Mr. Poilievre said that all it takes is a simple decision, but he couldn’t say what the government should decide to do.

Of course, there are plenty of reasons why the government should do something. People want the border to be under control. They want migration to be safe and orderly.

And there is palpable frustration when Prime Minister Justin Trudeau essentially says he’s got nothing other than time to wait for U.S. President Joe Biden to solve the problem by changing a border agreement. And that’s essentially what Mr. Trudeau was saying Wednesday when he said that if Roxham Road was closed, asylum-seekers would just cross at other places. It’s probably true, but not a solution.

So how can it be done? Quebec Premier François Legault wants a deal with the U.S., too, but faster. Mr. Poilievre – and most politicians – don’t want to specify. Real proposals usally involve doing things the politicians don’t want to talk about. And many so far have been ineffective or ridiculous.

When People’s Party Leader Maxime Bernier was running for the leadership of the Conservative Party in 2017, he proposed sending the military. In 2018, two Conservative MPs proposed declaring the entire 8,891-kilometre border into an official border crossing, arguing that would trick the U.S. into taking back those who entered Canada at Roxham Road. That same year, then-Parti Québécois leader Jean-François Lisée briefly suggested a fence, or “a sign, a cedar grove, a police officer, whatever.”

Mr. Poilievre told reporters on Tuesday that it must be easy, because Mr. Trudeau shut down Roxham Road during the height of the COVID-19 pandemic. But that didn’t happen with a snap of the fingers. When the two countries shut their borders, the U.S. agreed that Canada could direct border-crossers back. When the borders reopened, that arrangement ended. And here we are again.

That’s one thing to remember: Once they step foot into Canada, non-Americans can’t be sent back to the U.S. unless the U.S. agrees. The Safe Third Country Agreement allows for asylum seekers who enter Canada at official border posts to be turned back, but not those who cross in between. Canadian governments have tried for years to get the U.S. to change that, to no avail. On Wednesday, Mr. Trudeau said he’s working on it.

Of course, the simplest way to stop people from crossing at Roxham Road would be to scrap the Safe Third Country Agreement. Then asylum-seekers would just show up at official border crossings, as they did before 2004. And as Mr. Legault pointed out the other day, Mr. Trudeau tweeted in 2017 that Canada welcomes those fleeing persecution and war. It’s just that scrapping the agreement would almost certainly bring a lot more of them.

Some have proposed a fence. But obviously, people can go around it. There are lots of places to cross the border. It might disrupt the organized route to Roxham Road but police would probably have to intercept border-crossers at more places.

And there is Mr. Bernier’s idea: Send in the troops. Or police. But the real question is what they would do. Presumably they wouldn’t shoot everyone. Would all asylum-seekers be thrown in jail indefinitely?

Maybe there are better ideas. It would be nice to hear them. But Canadian politicians who don’t tell us how they would do it are avoiding the talk about costs, or the potential for border breaches to proliferate, or locking people up, or toughening the system.

Those are things debated by American politicians, who argue about harsher rules to discourage asylum-seekers from trying to enter the U.S. Mr. Biden is proposing refusing asylum claims from people who travelled through central America.

But now, Mr. Trudeau has essentially admitted he won’t do anything until Mr. Biden agrees to solve the problem for him.

And those such as Mr. Poilievre who call for Roxham Road to be closed are just mouthing meaningless words until they tell us how.

Source: Let’s get politicians to tell us how they would close Roxham Road, not why

François Legault has got his mojo back, or sort of.

After returning from Ottawa this month with a fraction of the billions of additional health care dollars he had been demanding for his province, the Quebec Premier was ridiculed by opposition parties and political pundits alike for being all bark and no bite.

Thanks to Ottawa’s recent transfer to cities in Ontario of asylum seekers arriving at the unofficial border crossing at Roxham Road in Quebec, Mr. Legault has been able to boast to the home crowd that he’s still got it. That his government’s constant efforts to force Prime Minister Justin Trudeau to do something about the “migrant crisis” facing Quebec is finally getting results. Thanks to his leaked letter to Mr. Trudeau and an op-ed in The Globe and Mail, Mr. Legault can tell Quebeckers that he has finally got the rest of Canada’s attention, if not its respect.

In truth, Ottawa last year began bussing some asylum seekers from Roxham Road to hotels in Cornwall, Niagara Falls, Ottawa and Windsor when it could no longer find rooms in Quebec. Since early 2023, those transfers have been occurring on a systematic basis. Mr. Legault wants Ottawa to continue to transfer migrants to other provinces, arguing correctly that Quebec has “taken on a completely disproportionate share” of asylum seekers entering Canada since Roxham Road was reopened in late 2021.

Mr. Legault also wants Mr. Trudeau to permanently “close the breach” in Canada’s border-security by prohibiting migrants from claiming asylum at Roxham Road, as it had temporarily done for an 18-month period during the pandemic. Federal Conservative Leader Pierre Poilievre is calling for Roxham’s closing within 30 days, also citing the pandemic-related closing as proof that Ottawa has the authority to act unilaterally to address the loophole in the Canada-U.S. Safe Third Country Agreement that enabled more than 39,000 migrants to enter this country in 2022 at what has become our most official unofficial border crossing.

Immigration Minister Sean Fraser called Mr. Poilievre’s ideas “reckless” and lacking in “depth and understanding.” Amid a global migration crisis, Mr. Fraser added, Canada has a “responsibility to implement real, long-term solutions.”

Real, long-term solutions are not this government’s strong suit. It does excel at posturing, virtue signalling and dithering. But it has offered little evidence that it is taking concrete steps to address the increasing flow of asylum seekers at Roxham Road.

It is easy to understand why a government that prefers to project a compassionate image would be reluctant to act in any manner that might make it look heartless to some. Turning asylum seekers away at Roxham Road, in effect surrendering them to U.S. immigration authorities, would subject the Trudeau government to a backlash from within Liberal ranks.

Yet, it must be pointed out that this government has no problem turning away asylum seekers who arrive at official land border crossings. Are those who arrive at Roxham Road any more worthy of refugee status in Canada than the others?

What we do know is that almost half of “irregular border crossers” who arrived in Canada after 2016 saw their asylum claims rejected by the Immigration and Refugee Board or abandoned or withdrew their applications before a final IRB determination. And that the surge in irregular crossings at Roxham Road has left the IRB with a backlog of more than 74,000 cases that is growing rapidly each month. A refugee system that is meant to provide asylum to those fleeing persecution in their country of origin is being exploited by smugglers who prey on vulnerable people seeking to escape economic hardship in Latin America and Africa.

There are those in Liberal circles who argue that the “fundamental premise” at the heart of the STCA – specifically, the designation of the United States as a “safe” country for refugee claimants – no longer holds true. But as the Federal Court of Appeal found in 2021, it is up to the federal cabinet to undertake continual review to ensure that the United States continues to meet the criteria for safe country designation.

Not once since taking power in 2015 has the Trudeau government sought to cancel this designation – not even during the dark days of Donald Trump’s presidency, when some migrant children were separated from their parents.

The Supreme Court of Canada is expected to rule on the STCA this year. Even if it upholds the legality of the agreement, a new proposal by President Joe Biden to turn away all asylum seekers at the U.S. border who arrive from a third country via Mexico raises new questions about Canada’s continued designation of the U.S. as a safe country.

For Mr. Trudeau, there are no “real, long-term solutions” to the Roxham Road dilemma that do not include making tough, even excruciating, choices.

Source: Trudeau can no longer avoid tough choices on Roxham Road

Legault pitches English Canada for closure of Roxham Road and transfer of migrants

While Premier Legault has a point, he and many commentators in Quebec and the Rest of Canada all too often forget about the annual grant for immigration and integration to Quebec under the 1991 Canada-Quebec accord: funding cannot be reduced no matter how much Quebec decreases the number of immigrants it selects and no matter how great the decrease compared to the Rest of Canada.

The numbers for 2022 illustrated this: $697.03M for 69,000 Permanent Residents, rest of Canada $832.41 M for 366,000 Permanent Residents. Or, about $10,000 per Quebec Permanent Residents compared to about $2,300 for the rest of Canada. This overstates the difference somewhat given what is included in the Accord but not dramatically so.

The Minister’s comments, as quoted, suggests the government has no realistic solution to the underlying problem, which likely is the case, but then some honesty and frankness would be welcome:

After demanding for months that Ottawa stop the flow of migrants into the country, Quebec’s premier is making his pitch to English Canada for the closure of an irregular border crossing popular with asylum seekers — and for their transfer outside his province.

The number of would-be refugees entering Quebec “has exploded,” François Legault wrote in an English-language letter published Tuesday in The Globe and Mail, adding that the province’s social services have been pushed to their limits. The sooner the federal government closes Roxham Road — an irregular border crossing in southern Quebec frequently used by asylum seekers — the better, the premier said.

“This situation even raises several humanitarian considerations, as it is becoming increasingly difficult to receive asylum seekers with dignity,” Legault said.

The letter is similar to the one Legault wrote to Prime Minister Justin Trudeau on Sunday. But unlike the letter to Trudeau, Legault’s message in the Globe does not include concerns that the arrival of thousands of asylum seekers is putting the French language in Montreal at risk. The premier also doesn’t mention that he’s asked Trudeau for more money to pay for the costs of caring for would-be refugees.

“We have therefore asked the federal government to settle new asylum seekers in other provinces that are capable of supporting them with dignity,” Legault wrote in the Globe. The letter called for Ottawa to transfer to other provinces all new asylum seekers who enter irregularly, “while Quebec catches its breath.” Ottawa should issue work permits and process refugee applications faster, he added.

“In the meantime, Mr. Trudeau’s government should send the message loud and clear to would-be migrants not to come via Roxham Road anymore.”

For months, the Legault government has been calling on Ottawa to close Roxham Road and to transfer asylum seekers to other provinces. The influx of would-be refugees in Quebec has put significant strain on the housing, education and social services sectors, the government says.

According to federal government statistics, more than 39,000 people claimed asylum in Quebec in 2022 after crossing into Canada outside official ports of entry, mostly through Roxham Road. About 369 people who crossed irregularly over that period claimed asylum in the rest of the country. In total, around 64 per cent of all asylum claims in Canada in 2022 were made in Quebec.

In response to Legault’s letter to Trudeau, the office of federal Immigration Minister Sean Fraser said Monday that Ottawa had transferred thousands of migrants to Ontario to take pressure off Quebec, adding that the government was working with other provinces and municipalities to find other temporary accommodations.

Source: Legault pitches English Canada for closure of Roxham Road and transfer of migrants