Idées | Les défis administratifs et linguistiques de la francisation

Interesting discussion on purity vs pragmatism:

…Heureusement, on constate aussi des améliorations en matière de francisation. Un élément auquel on ne pense pas spontanément, mais qui est important, est le choix des manuels de francisation. Auparavant, les manuels s’alignaient sur le français européen, voire parisien. On employait des mots caractéristiques du français européen sans toujours donner leur équivalent en Amérique (comme portable pour cellulaire ou football pour soccer). Aujourd’hui, les manuels utilisés au Québec sont plus adaptés au contexte québécois. C’est notamment le cas des manuels « Par ici », qui utilisent par exemple arachide plutôt que cacahuète et sac à dos plutôt que cartable. Ce n’est pas banal : les apprenants reconnaîtront ainsi les mots du quotidien.

Les manuels de français langue seconde employés dans le Canada anglais ne semblent pas tous avoir mené la même réflexion sur la variation de la langue. Le fait que la langue française varie selon l’endroit où elle est parlée dans la francophonie se comprend assez aisément. Cependant, dans certains manuels, on sent une confusion entre, d’une part, cette variation dans l’espace et, d’autre part, la variation selon la situation de communication ou le registre. Il peut être tout à fait pertinent d’expliciter certaines expressions familières très courantes, comme c’est plate et avoir de la misère, comme le fait « Par ici », tout en précisant qu’elles appartiennent au registre familier. (C’est ainsi que mon ami turc Mehmet me demandait ce que signifiait l’expression ammanné. J’ai dû le faire répéter quelques fois pour comprendre qu’il s’agissait de à un moment donné…) L’information sur les registres est cruciale : le nouvel arrivant doit savoir qu’il peut dire salut et blonde à un ami, mais qu’il est préférable de dire bonjour et conjointe lors d’un entretien d’embauche. Mais certains manuels véhiculent une vision caricaturale du français québécois, comme si ses particularités se résumaient à des mots très familiers. Un manuel dresse une liste des « expressions idiomatiques » du Québec qui ne regroupe en fait que des usages très familiers : char, loader ses cartes de crédit, veut veut pas… Aucune information sur le fait que le français québécois possède aussi des particularismes neutres, comme traversier, présentement ou aréna.

Par ailleurs, on sent une confusion entre le rôle de la francisation et une certaine vision puriste de la langue. L’objectif est de faire du français la langue commune et de permettre aux nouveaux arrivants de s’intégrer à la société et au marché du travail. Est-il vraiment nécessaire d’enseigner dès les premiers mois de francisation que  caméra est un anglicisme critiqué à remplacer par appareil photo et qu’on doit employer scolaire plutôt qu’académique ? On peut aussi contester certains choix : pourquoi employer croustilles plutôt que chips, que le nouvel arrivant entendra indéniablement plus souvent ?

Poussé à l’extrême, le purisme peut avoir des conséquences négatives sur le français, même s’il part d’un attachement profond envers la langue. La sociolinguiste Françoise Gadet définit le purisme comme « une sacralisation de la norme, éventuellement jusque dans le respect des formes les moins rationnelles ». Or, certaines règles particulièrement illogiques et incohérentes de l’orthographe française sont extrêmement difficiles à acquérir, même pour des francophones de langue maternelle. Mettons-nous à la place du nouvel arrivant qui apprend sa deuxième, voire sa troisième langue, qui plus est à l’âge adulte.

« Madame, j’ai appris à parler français, je me débrouille bien, mais je n’arrive pas à réussir le test écrit de français pour accéder à l’université. Je déménage en Ontario. »

C’est le genre de confidences que partagent avec moi à l’occasion des étudiants en francisation. On peut se demander en quoi conserver les règles d’accord du participe passé ou du pluriel de « rose incarnat » et de « sapin vert-de-gris » aident à la promotion du français.

Mireille Elchacar L’autrice est lexicologue et professeure à l’Université TELUQ. Elle a publié Délier la langue. Pour un nouveau discours sur le français au Québec.

Source: Idées | Les défis administratifs et linguistiques de la francisation

… Fortunately, there are also improvements in francization. One element that we do not think of spontaneously, but which is important, is the choice of francization manuals. Previously, textbooks were aligned with European French, even Parisian. Characteristic words of European French were used without always giving their equivalent in America (such as mobile phone for cell phone or football for soccer). Today, the textbooks used in Quebec are more adapted to the Quebec context. This is particularly the case with the “Par ici” manuals, which use, for example, peanut instead of peanut and backpack rather than schoolbag. It is not trivial: learners will recognize the words of everyday life.

The French as a second language textbooks used in English Canada do not all seem to have conducted the same reflection on the variation of the language. The fact that the French language varies according to where it is spoken in the Francophonie is quite easy to understand. However, in some manuals, there is a confusion between, on the one hand, this variation in space and, on the other hand, the variation according to the communication situation or the register. It can be quite relevant to explain certain very common colloquial expressions, such as it’s flat and have misery, such as “Here”, while specifying that they belong to the colloquial register. (This is how my Turkish friend Mehmet asked me what the expression ammanné meant. I had to repeat it a few times to understand that it was at some point…) The information on the registers is crucial: the newcomer must know that he can say hello and blonde to a friend, but that it is better to say hello and wife during a job interview. But some manuals convey a caricatured vision of Quebec French, as if its peculiarities were summarized in very familiar words. A manual draws up a list of Quebec’s “idiomatic expressions” that in fact only includes very familiar uses: tank, load your credit cards, wants doesn’t want… No information on the fact that Quebec French also has neutral particularisms, such as ferry, currently or arena.

Moreover, there is a confusion between the role of francization and a certain puristic vision of the language. The objective is to make French the common language and to allow newcomers to integrate into society and the labor market. Is it really necessary to teach from the first months of francization that camera is a criticized anglicism to be replaced by camera and that we must use school rather than academic? We can also challenge certain choices: why use chips instead of chips, which the newcomer will undeniably hear more often?

Pushed to the extreme, purism can have negative consequences on French, even if it starts from a deep attachment to the language. Sociolinguist Françoise Gadet defines purism as “a sacralization of the norm, possibly even in respect of the least rational forms”. However, some particularly illogical and incoherent rules of French spelling are extremely difficult to acquire, even for French speakers whose mother tongue. Let’s put ourselves in the place of the newcomer who learns his second, or even his third language, moreover in adulthood.

“Madam, I learned to speak French, I’m doing well, but I can’t pass the written French test to get to university. I’m moving to Ontario. ”

This is the kind of confidences that Frenchization students share with me. One may wonder how preserving the rules of agreement of the past participle or plural of “pink incarnat” and “fir green-of-gris” help to promote French.

Mireille Elchacar The author is a lexicologist and professor at TELUQ University. She published Délier la langue. For a new discourse on French in Quebec.

Carbo | Quel gâchis! [francisation]

On the problems with Quebec’s francisation cutbacks and an interesting and creative example of advanced levels:

Le 4 avril 2024, une grosse bordée de neige s’abat sur Montréal, de celles qui nous rappellent qu’on ne peut jamais tenir le printemps pour acquis dans notre belle province. Mon collègue et moi garons tant bien que mal la voiture en face du centre de francisation William-Hingston, du Centre de services scolaire de Montréal. Nous avons rendez-vous avec les élèves du niveau 8, le niveau le plus avancé en classe de francisation. Nous y sommes attendus pour y faire de l’improvisation. Les élèves ont écrit les thèmes qui vont inspirer nos saynètes et ils pourront se joindre à nous, si le coeur leur en dit.

En grimpant les escaliers vers la salle où aura lieu notre atelier de démonstration, j’entends d’autres élèves qui parlent français entre eux avec leurs accents du bout du monde. Tous discutent de cette tempête de neige imprévue. Une élève appliquée utilise le terme « congère » et un sympathique professeur lui apprend l’expression « banc de neige ». Elle rit. Mimant la hauteur de la neige, elle demande, incertaine : « On dit un banc parce qu’on peut s’asseoir dessus ? » Le professeur acquiesce en rigolant à son tour.

Une fois dans la salle de classe, je regarde les étudiants arriver, souriants et de tous âges, venus du monde entier. On se lance sans plus tarder et on improvise devant eux en toute simplicité. Les thèmes qu’ils ont composés sont drôles, pertinents et surtout inspirants. Certains viendront même jouer avec nous. Leur maîtrise du français est impressionnante. Ils ont de jolis traits d’esprit. Faire rire dans une langue étrangère démontre une bonne connaissance de cette dernière, mais aussi plusieurs acquis en matière de références culturelles. Je sors de là ébahie par leur intelligence, leur vocabulaire et leur humour.

Je mesure tous les efforts qu’ils ont déployés pour réussir à s’intégrer dans leur société d’accueil et l’aplomb avec lequel ils parlent notre langue. Je suis aussi admirative du travail des professeurs. On peut percevoir leur engagement dans la progression de leurs apprenants et leur fierté devant leur réussite.

Si je vous raconte cette matinée dans un centre de francisation, c’est parce que l’avenir de ces lieux d’apprentissage essentiels semble menacé par les priorités budgétaires du gouvernement caquiste. Pourtant, ce gouvernement a placé le français au coeur de ses préoccupations. Il a même renforcé sa protection en adoptant la loi 96 en 2022. Cette mise à jour de la Charte de la langue française précise que tous les services publics devront être rendus en français pour tous les nouveaux arrivants et les réfugiés (sauf exception) qui sont au Québec depuis six mois. Or, six mois, même si on étudie à temps plein, c’est bien peu pour maîtriser une langue, a fortiori si on ferme des classes de francisation à proximité.

Bien sûr, le nombre d’élèves a augmenté avec le flux migratoire, mais, justement, je pense qu’il est urgent d’augmenter le financement pour la francisation et l’intégration. Malheureusement, on procède à des coupes ou à des remaniements arbitraires, ce qui, selon les estimations,laisse plus de 10 000 élèves sans rien. On estime qu’environ 113 enseignants ont perdu leur emploi. C’est une catastrophe sous plusieurs angles.

Je sais bien que la bourse de l’État n’est pas un sac magique duquel on peut faire apparaître des millions de dollars. En revanche, lorsqu’un gouvernement ne cesse de nous rappeler la fragilité du français, lorsqu’il commande des rapports sur l’évolution de la situation linguistique à l’Office québécois de la langue française ou encore qu’il demande des études sur la situation des langues parlées au Québec à l’Institut de la statistique, je m’attends à ce qu’il intervienne en amont pour contrer le déclin de notre langue commune.

En tâtant le terrain auprès d’amis qui travaillent dans l’univers de la francisation et de l’intégration, et qui observent avec scepticisme, voire avec inquiétude, les choix du ministère, j’apprends que cette branche de l’enseignement est malmenée depuis plusieurs années, et pas uniquement sous ce gouvernement. J’ai compris qu’une multitude d’activités incluses dans le programme ont disparu au fil des ans. Des expériences qui aidaient les étudiants à s’intégrer à notre culture, comme une visite de la ville de Québec, des épluchettes de blé d’Inde, de l’autocueillette de pommes, etc.

De plus, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration semble chercher à réduire le nombre de classes physiques pour augmenter l’offre virtuelle. Mais apprendre en groupe dans un même lieu, c’est tellement plus vivant ! On peut rebondir sur ce que vient de dire le professeur, échanger de manière spontanée, participer aux discussions de corridors. On apprend mieux en classe qu’isolé devant un écran impersonnel. C’est d’ailleurs ce que me confirme mon ami, qui est lui-même professeur. Il constate que ses élèves progressent beaucoup plus rapidement lorsqu’ils sont en présentiel plutôt qu’en ligne.

Il y a fort à parier que je ne serai plus invitée à faire de l’impro dans une classe de francisation. Bien sûr, cela me rend un peu triste, mais ce qui me rend le plus furieuse, c’est de penser que ces merveilleux adultes pleins de bonne volonté et de courage, qui pourraient contribuer à notre société à leur plein potentiel, seront privés des services de professeurs compétents et motivés. Au lieu de voir un formidable investissement dans les classes de francisation, le gouvernement semble désormais y voir une vulgaire dépense. Moi, je vois là un immense gâchis.

Source: Carbo | Quel gâchis! [francisation]

On April 4, 2024, a big snow line fell on Montreal, one of those that remind us that we can never take spring for granted in our beautiful province. My colleague and I park the car in front of the William-Hingston francization center, of the Montreal School Service Center. We have an appointment with students at level 8, the most advanced level in the francization class. We are expected there to improvise. The students have written the themes that will inspire our skits and they will be able to join us, if the heart tells them.

As I climb the stairs to the room where our demonstration workshop will take place, I hear other students who speak French among themselves with their accents from the end of the world. Everyone is talking about this unexpected snowstorm. An applied student uses the term “congère” and a friendly teacher teaches her the expression “snow bench”. She laughs. Mimicking the height of the snow, she asks, uncertain: “We say a bench because we can sit on it? The teacher nods laughing in turn.

Once in the classroom, I watch the students arrive, smiling and of all ages, from all over the world. We start without further delay and improvise in front of them with ease. The themes they have composed are funny, relevant and above all inspiring. Some will even come to play with us. Their command of French is impressive. They have nice wits. Making people laugh in a foreign language demonstrates a good knowledge of the latter, but also several achievements in terms of cultural references. I leave there amazed by their intelligence, vocabulary and humor.

I measure all the efforts they have made to succeed in integrating into their host society and the aplomb with which they speak our language. I also admire the work of the teachers. We can perceive their commitment to the progress of their learners and their pride in their success.

If I tell you this morning in a francization center, it is because the future of these essential places of learning seems threatened by the budgetary priorities of the Caquist government. However, this government has placed French at the heart of its concerns. He even strengthened his protection by adopting Law 96 in 2022. This update of the Charter of the French Language specifies that all public services must be rendered in French for all newcomers and refugees (with exceptions) who have been in Quebec for six months. However, six months, even if you study full-time, is very little to master a language, especially if you close Frenchization classes nearby.

Of course, the number of students has increased with the migratory flow, but, precisely, I think it is urgent to increase funding for francization and integration. Unfortunately, arbitrary cuts or rearrangements are being carried out, which is estimated to leave more than 10,000 students with nothing. It is estimated that about 113 teachers have lost their jobs. It’s a disaster from many angles.

I know that the state exchange is not a magic bag from which you can show millions of dollars. On the other hand, when a government keeps reminding us of the fragility of French, when it orders reports on the evolution of the linguistic situation from the Office québécois de la langue française or when it requests studies on the situation of languages spoken in Quebec from the Institut de la statistique, I expect it to intervene upstream to counter the decline of our common language.

By trying the ground with friends who work in the world of francization and integration, and who observe with skepticism, even with concern, the choices of the ministry, I learn that this branch of education has been mistreated for several years, and not only under this government. I understand that a multitude of activities included in the program have disappeared over the years. Experiences that helped students integrate into our culture, such as a visit to Quebec City, Indian wheat peels, self-picking apples, etc.

In addition, the Ministry of Immigration, Francisation and Integration seems to be seeking to reduce the number of physical classes to increase the virtual offer. But learning in a group in the same place is so much more lively! We can bounce back on what the teacher has just said, exchange spontaneously, participate in corridor discussions. We learn better in class than in isolation in front of an impersonal screen. This is also what my friend confirms to me, who is himself a teacher. He notes that his students progress much faster when they are in person rather than online.

It is a safe bet that I will no longer be invited to improvise in a francization class. Of course, it makes me a little sad, but what makes me most furious is to think that these wonderful adults full of good will and courage, who could contribute to our society to their full potential, will be deprived of the services of competent and motivated teachers. Instead of seeing a formidable investment in francization classes, the government now seems to see it as a vulgar expense. I see a huge mess here.

David | L’obligation de cohérence

Coherance always difficult to achieve, both within policy areas and between them:

…Jean-François Roberge s’est récrié quand on lui a demandé si son annonce était une réaction au plan de réduction présenté lundi dernier par le PQ, mais il est difficile de croire qu’il lui a fallu des semaines pour préparer le sien, qui consiste essentiellement à décréter un moratoire et à reporter les décisions difficiles au printemps.

Qu’il s’agisse d’immigration ou de laïcité, la Coalition avenir Québec est en voie d’être supplantée par le PQ sur le terrain de l’identité de la même façon qu’elle avait réussi à supplanter le Parti libéral du Québec sur celui de l’économie. La protection de cette identité ne se limite pas à la seule chicane avec Ottawa.

Le gouvernement Legault a aussi une obligation de cohérence. Il ne peut pas continuer à tenir les nouveaux arrivants pour responsables de tous les maux, de la crise du logement à celle de la DPJ, en passant par l’engorgement des hôpitaux, des écoles et des garderies, sans faire quoi que ce soit pour en limiter l’afflux.

Pour un gouvernement qui avait justifié la hausse des seuils d’immigration par un recrutement accru de francophones et la francisation des autres, il est également difficile d’expliquer pourquoi les centres de services scolaires sont forcés de fermer des classes de francisation un peu partout au Québec, faute de s’être vu attribuer des budgets suffisants.

Selon le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, ce sont précisément les nouvelles exigences relatives à la connaissance du français imposées aux immigrants qui ont fait exploser la demande en francisation. « La demande est trop élevée parce qu’il y a trop de résidents temporaires non francophones », convient M. Roberge.

Malheureusement, la cohérence et les intérêts politiques ne font pas toujours bon ménage. Quand les porte-parole des entreprises, particulièrement en région, vont faire le siège des députés caquistes et leur expliquer qu’elles risquent de fermer si on les prive de leur main-d’oeuvre immigrante, M. Legault en arrivera peut-être à la conclusion qu’une baisse analogue à celle qu’a décrétée Ottawa est finalement bien assez grosse.

Source: David | L’obligation de cohérence

.. Jean-François Roberge cried out when asked if his announcement was a reaction to the reduction plan presented last Monday by the PQ, but it is difficult to believe that it took him weeks to prepare his, which essentially consists of decreeing a moratorium and postponing difficult decisions to the spring.

Whether it is immigration or secularism, the Coalition avenir Québec is in the process of being supplanted by the PQ in the field of identity in the same way that it had succeeded in supplanting the Quebec Liberal Party on the economy. The protection of this identity is not limited to the chicane with Ottawa alone.

The Legault government also has an obligation of consistency. He cannot continue to hold newcomers responsible for all ills, from the housing crisis to that of the DPJ, through the congestion of hospitals, schools and daycare centers, without doing anything to limit the influx.

For a government that had justified the increase in immigration thresholds by increased recruitment of Francophones and the francization of others, it is also difficult to explain why school service centers are forced to close francization classes throughout Quebec, for lack of sufficient budgets.

According to the Commissioner for the French Language, Benoît Dubreuil, it was precisely the new requirements for the knowledge of French imposed on immigrants that caused the demand for francization to explode. “Demand is too high because there are too many non-French-speaking temporary residents,” agrees Mr. Roberge.

Unfortunately, consistency and political interests do not always go well together. When the spokespersons of companies, especially in the regions, go to besiege the Caquist deputies and explain to them that they risk closing if they are deprived of their immigrant workforce, Mr. Legault may come to the conclusion that a decline similar to the one decreed by Ottawa is ultimately quite large.

Les enseignants en francisation en ont très gros sur le coeur

Unravelling, at least partly, of francisation?

« Outré », « dégoûtée », « jeté à terre », « en colère » : les émotions sont fortes pour les enseignants en francisation, qui ont subi de nombreuses fermetures de classes dans les dernières semaines. Sortant de leur réserve habituelle, plusieurs racontent l’impression d’un « échec de toute la société » au-delà de la perte de leur emploi, comme l’exprime l’enseignante Valérie Fortier.

Des centaines de classes de francisation ont été ou sont en train d’être annulées en cours d’année dans les centres de services scolaires. Dans certaines régions, comme en Estrie et en Abitibi, des écoles de francisation ferment tous leurs services.

Le ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, a évoqué mardi des « enjeux financiers » pour expliquer ces fermetures, se défendant de franciser moins d’immigrants cette année. C’est en fait un changement dans les règles budgétaires qui est à l’origine de cette situation. Le réseau scolaire est responsable d’environ 40 % des cours de francisation, le reste étant sous la gouverne du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI)….

Source: Les enseignants en francisation en ont très gros sur le coeur

“Outraged”, “disgusted”, “thrown to the ground”, “angry”: emotions are strong for teachers in Frenchization, who have suffered many class closures in recent weeks. Coming out of their usual reserve, many tell the impression of a “failure of the whole society” beyond the loss of their job, as expressed by teacher Valérie Fortier.

Hundreds of francization classes have been or are being canceled during the year in school service centers. In some regions, such as Estrie and Abitibi, Frenchization schools close all their services.

Quebec’s Minister of Immigration, Jean-François Roberge, spoke on Tuesday about “financial issues” to explain these closures, defending himself from Frenchizing fewer immigrants this year. It is actually a change in the budgetary rules that is at the origin of this situation. The school network is responsible for about 40% of francization courses, the rest being under the guidance of the Ministry of Immigration, Francisation and Integration (MIFI)….

Des milliers de cours en francisation compromis

A noter (despite the Canada-Quebec accord generous funding):

De nouvelles règles budgétaires sèment la consternation auprès des organismes en francisation. Alors que les besoins ont grimpé en flèche dans les dernières années, ils disent ne plus pouvoir accueillir de nouveaux étudiants l’automne prochain. « Un problème créé par le fédéral », selon Québec.

« C’est beaucoup de personnes qu’on ne sera pas capables de franciser l’année prochaine », déplore Carl Ouellet, le président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE). Ce dernier évalue que « des milliers » d’étudiants en francisation seront touchés.

Interpellé par Le Devoir, le gouvernement se défend en invoquant « la pression exercée par l’immigration temporaire sur les services publics ».

« On consacre déjà plusieurs ressources de notre réseau de l’éducation afin de franciser les nouveaux arrivants, et ces ressources ont augmenté de façon très importante », a indiqué par écrit le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

De 2019 à 2024, le budget de la francisation est passé de 69 à 104 millions de dollars, et le gouvernement a décidé que la hausse allait s’arrêter là, explique-t-on. « On reconnaît tous que c’est important […], mais on doit aussi respecter notre capacité de payer. Les demandeurs d’asile ne sont évidemment pas à blâmer, c’est un problème créé par le fédéral », signale le cabinet.

Or selon Carl Ouellet de l’AQPDE, en plus de priver les immigrants de cours, la décision du gouvernement fait en sorte que les centres de services scolaires (CSS) qui font de la francisation ne seront pas payés pour des cours qu’ils ont déjà donnés depuis deux ans.

Au Québec, 40 % des cours de francisation sont prodigués par les CSS par l’entremise de ce qu’on appelle la formation aux adultes. Près de 21 000 personnes y étaient inscrites ce printemps à temps plein ou à temps partiel. Le reste des cours sont offerts dans des universités, des cégeps ou des organismes communautaires.

Moins de places

Les CSS reçoivent chaque année des subventions en fonction du nombre d’étudiants des années précédentes. Or le ministère de l’Éducation du Québec a revu sa méthode de calcul des subventions, ce qui crée un trou majeur dans leurs budgets.

« Je ne vais pas pouvoir prendre de nouveaux étudiants à la rentrée », se désole le directeur d’un centre de francisation qui a demandé l’anonymat pour ménager ses relations avec le ministère. Dans son CSS, la coupe correspond à plus de 10 % du budget et à une baisse de 25 % du nombre de places disponibles pour les étudiants. « Je vais engager moins d’enseignants et je vais diminuer la cadence », dit-il.

Pour l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, c’est tout simplement illogique. « C’est renversant ! Ça va complètement dans l’autre sens que [celui du] discours politique qu’on entend », avance sa présidente, Kathleen Legault.

Le gouvernement du Québec table en bonne partie sur une meilleure offre en francisation pour contrer le déclin du français au Québec. Son plan d’action présenté en avril prévoyait des investissements de 320 millions de dollars afin d’améliorer l’usage du français chez les travailleurs étrangers.

Des risques pour le reste de la formation aux adultes ?

Dans ses échanges avec les CSS ces derniers jours, le ministère de l’Éducation du Québec montre du doigt le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Il avance que le MIFI ne lui a pas transféré suffisamment de fonds cette année pour compenser la hausse des demandes.

« Le maintien de l’enveloppe financière est en fonction de celle transférée par le MIFI pour la francisation », écrit-il dans une communication écrite aux responsables de la francisation des CSS dont Le Devoir a obtenu copie.

Le ministère invite ensuite les CSS à prendre moins d’étudiants pour régler leur problème budgétaire. « En limitant [le] nombre d’ETP [étudiants en équivalence au temps plein] lié à la francisation, ceci laissera une marge de manoeuvre… »

Kathleen Legault craint que d’autres étudiants des CSS écopent étant donné « la pression très grande en francisation ». « Est-ce que ça va mettre en péril le financement de la formation des jeunes adultes en retard d’apprentissage ? Parce que c’est offert dans les mêmes centres. C’est ça, le danger. »

Cette situation survient dans un contexte où la gestion de la francisation au Québec connaît des ratés. L’an dernier, le gouvernement avait créé l’organisme Francisation Québec pour mieux coordonner l’offre de cours. Or la moitié des demandes sont toujours en attente, selon un rapport déposé à la fin mai par le commissaire à la langue française Benoît Dubreuil.

Dans le même rapport, M. Dubreuil a relevé que le nombre total d’heures de formation offertes en 2023-2024 correspond à « environ 2 % de celui qui aurait été nécessaire pour que l’ensemble des personnes domiciliées au Québec qui ne connaissaient pas le français puissent terminer les niveaux débutants et intermédiaires ».

Source: Des milliers de cours en francisation compromis

Lisée | Le remède imaginaire [immigration]

Blast from the past, still relevant, perhaps even more so, along with commentary on the French language commissioner’s comments on how francisation will never match demand, particularly given the large number of temporary workers and students (the latter likely to decline sharply given tougher French language requirements:

Il a fait son apparition dans le débat public en 2011, cosignant un ouvrage choquant. Le malotru utilisait des chiffres probants pour crever un dogme. Le livre s’intitulait Le remède imaginaire (Boréal). Le dogme qu’il trucidait était celui de l’immigration comme solution à la pénurie de main-d’oeuvre et au vieillissement de la population et comme levier pour l’enrichissement. Les études existantes, osait-il affirmer contre l’avis unanime des gouvernements, du patronat et d’associations de gauche, démontrent que ce n’est tout simplement pas le cas. L’immigration peut avoir d’autres vertus, mais pas celles-là.

Treize ans plus tard, les constats des auteurs Benoît Dubreuil et Guillaume Marois ont fini par percoler dans le débat public, même si les zones de résistance perdurent. L’économiste Pierre Fortin a mis à jour le consensus scientifique dans ses propres publications, y compris dans un rapport de 2022 pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ). Il vient d’ailleurs de surenchérir. Analysant les dernières données disponibles des pays du G9 et de quatre provinces canadiennes, il conclut dans cette étude que « l’immigration contribue surtout à modifier la répartition de la pénurie entre secteurs de l’économie, mais qu’elle ne produit pas de réduction globale significative de la rareté de la main-d’oeuvre. Dans les cas étudiés, elle paraît au contraire l’avoir aggravée ». Ouch !

Benoît Dubreuil est un récidiviste. Désormais commissaire québécois à la langue française, il a utilisé le même outil — sa maîtrise des chiffres — pour dégonfler une autre baudruche : l’efficacité de la francisation pour renverser le déclin du français. « On a accumulé un passif, a-t-il expliqué, dans le sens où les gens qui sont arrivés au cours des dernières années, même si on voulait avoir des classes de francisation pour tout le monde, on n’y arriverait pas. Et même si on avait des classes de francisation, il faudrait avoir des incitatifs financiers beaucoup plus forts pour amener les gens à s’inscrire et pour amener les gens à y mettre un nombre d’heures conséquent. » 

On a beau doubler, tripler, quintupler les budgets de francisation, la cible est simplement inatteignable. C’est comme vouloir mettre le lac Saint-Jean en bouteille. On peut, comme le fait la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, proclamer qu’on fait des progrès considérables, le niveau du lac ne bouge pas, et les rivières continuent de s’y déverser.

« Une majorité d’immigrants temporaires [ne parlant pas français] ne s’inscrivent pas aux cours de Francisation Québec, et ceux qui y obtiennent une place n’y consacrent pas suffisamment de temps pour dépasser le niveau débutant », dit Dubreuil. Le gouvernement de la CAQ a l’impression d’avoir frappé deux grands coups en exigeant l’obtention d’un niveau 4 (sur 12) pour renouveler les permis de travail après trois ans et d’un niveau 5 pour les étudiants en fin de premier cycle de McGill et de Concordia venant de l’extérieur du Québec.

« Moi, a dit Dubreuil devant les journalistes mercredi, un diplômé qui a un niveau 5, je ne l’embauche pas, OK ? Puis, je connais quand même pas mal l’apprentissage des langues, là. On ne peut pas prendre la personne puis la mettre dans une réunion de travail, on ne peut pas la mettre ici dans la salle puis penser que la personne va comprendre ce qui se passe. » On ne peut pas non plus l’inviter à souper. Le niveau 8, pour lui, devrait être visé « de façon générale pour assurer une intégration sociale ».

On est loin du compte, car l’afflux de travailleurs temporaires, calcule-t-il, a un impact majeur sur l’augmentation de l’utilisation de l’anglais au travail. Entre 2011 et 2023, le nombre de salariés utilisant principalement l’anglais a bondi de 40 %. C’est sans précédent, explique-t-il (mais il semble oublier la Conquête, puis l’afflux de loyalistes fuyant la révolution américaine). Reste que son évaluation est en deçà de la réalité, car il n’a pas les données pour les arrivées de 2024. Et c’est évidemment concentré à Montréal, où le gain anglophone est le plus fort et crée une spirale de l’anglicisation de l’immigration.

« La plupart des gens qui ne parlent pas français au Québec sont en immersion anglaise. Donc, si vous arrivez, vous connaissez bien l’anglais, vous êtes en immersion anglaise à temps plein et vous faites du français trois, quatre, cinq heures par semaine. Si je reviens vous voir un an, deux ans, trois ans plus tard, quelle va être votre langue forte ? Celle que vous allez privilégier dans un environnement comme celui de Montréal où, dans les faits, il n’y a pas beaucoup de contraintes à l’utilisation d’une langue plutôt que l’autre ? » La langue de Shakespeare, évidemment. 

C’est donc, je le suppose, pour sortir les décideurs de leur torpeur qu’il a évalué la somme que tous les intervenants — gouvernement, entreprises, immigrants — devraient investir pour franciser correctement les immigrants temporaires arrivés avant la fin de 2023 : près de 13 milliards de dollars. Or, cette somme n’inclut ni le coût de francisation des résidents permanents qui ne parlent pas le français, ni celui des 32 % d’Anglo-Québécois qui ne le parlent toujours pas près d’un demi-siècle après l’adoption de la loi 101, ni celui des 25 % d’allophones qui ne le parlent pas non plus, ni même celui des immigrants temporaires arrivés après le 31 décembre 2023.

On peut certes mieux franciser des immigrants qui ont fait l’effort, avant de venir ici, d’acquérir des bases. Mais sinon, la francisation comme solution au déclin linguistique est un mirage. Une inaccessible étoile. Un fantasme dont la réitération rituelle par le patronat, ainsi que par les élus libéraux et solidaires, fait écran au réel et laisse place à la dégradation de la situation.

Je ne doute pas un instant de la volonté de François Legault et de plusieurs membres de son équipe de laisser en héritage la fin du déclin. Et il est indubitable que plusieurs des mesures annoncées depuis six ans sont courageuses, inédites et structurantes. J’ai bon espoir que le plan que déposera bientôt le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, inclura des éléments positifs.

Mais c’est le drame de ce gouvernement d’avoir simultanément présidé, d’abord par inconscience — il n’a pas vu venir la hausse des immigrants temporaires —, ensuite par laxisme — il fut informé de la perte de contrôle dès 2021 —, à ce grand phénomène d’anglicisation de l’ère moderne. Réagissant jeudi au dépôt du rapport, la ministre Fréchette a invité Ottawa à « sortir de sa bulle » en ce qui concerne l’inégale répartition géographique des demandeurs d’asile. Bien. Mais au sujet de l’impact anglicisant des immigrants temporaires, elle semblait confortablement campée dans la sienne.

Source: Chronique | Le remède imaginaire

Face à un achalandage record, les délais chez Francisation Québec explosent

Not only the federal government that has service delivery issues (a family friend in Montreal is one of those affected):

Attente de plusieurs mois, allocations non versées, suivis de dossier difficiles : six mois après le lancement de Francisation Québec, le service, complètement débordé, connaît des ratés, a constaté Le Devoir.

Sur les 62 000 dossiers complets, 36 300 immigrants, soit environ 60 %, attendent toujours de commencer un cours. « On a vu un avant et un après. Et le constat, c’est que Francisation Québec a complexifié l’accès à la francisation », a soutenu Guillaume Boivin, directeur du centre pour personnes immigrantes Le Tremplin, à Lévis. Avec pour conséquence que les listes d’attente « se sont énormément allongées ».

Alors qu’ils étaient de « deux mois gros max », les délais semblent maintenant souvent excéder la norme de service de 50 jours (environ deux mois et demi) promise pour les cours à temps complet par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). « J’ai même un client qui s’est inscrit en juin et qui vient juste d’être appelé. Ça, c’est pratiquement sept mois », a fait valoir M. Boivin.

Le MIFI reconnaît lui-même sur son site qu’il lui faudra désormais 75 jours pour traiter un dossier. En raison du « nombre élevé de demandes » pour les cours à temps complet, « vingt-cinq (25) jours ouvrables supplémentaires pourraient être nécessaires pour traiter votre première demande », écrit-il à côté de son engagement de traiter toute demande en 50 jours ouvrables.

Les organismes d’aide aux immigrants et les responsables de la francisation au sein de centres de services scolaires à qui Le Devoir a parlé sont unanimes : depuis le lancement de ce guichet unique censé faciliter l’accès à la francisation, les immigrants attendent plus qu’avant. « Pour le temps plein, j’ai des gens qui attendent depuis le mois de septembre d’avoir une place, mais pour le temps partiel, j’en ai qui attendent depuis juillet », explique pour sa part Sarah Toulouse, directrice générale d’Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent, en précisant que la moitié de sa clientèle n’est toujours pas en classe.

Même son de cloche chez Alpha Lira, à Sept-Îles, où certaines personnes inscrites l’été dernier attendent toujours de recevoir une invitation du MIFI, a confirmé Fanja Rajery, responsable de la francisation. « Je crois que Francisation Québec est débordé », indique-t-elle.

Pour la session démarrant en janvier, il n’y aurait eu que quatre nouvelles inscriptions. Pourtant, plusieurs immigrants inscrits l’automne dernier attendent avec impatience de pouvoir commencer. « Disons que je suis allée moi-même chercher l’information auprès de notre responsable de secteur, et on a débloqué certains dossiers », a admis Mme Rajery. Plusieurs immigrants ont finalement pu entreprendre la francisation à temps partiel il y a quelques jours.

De nombreux écueils

Le Devoir s’est fait rapporter de nombreux cas de figure qualifiés d’« absurdes » par plusieurs. Par exemple, un immigrant qui se fait dire qu’il commence un cours, mais qui ne figure sur aucune liste du centre de francisation, ou encore un autre à qui on offre un cours en ligne bien qu’il ait spécifié ne pas avoir d’ordinateur. « Son dossier a finalement été suspendu parce qu’il n’a pas pu assister à ce cours en ligne », a raconté une personne qui souhaite garder l’anonymat parce qu’elle est en démarche pour résoudre le problème.

Un étudiant de 16 ans aurait même perdu de précieux mois sur une liste d’attente de francisation aux adultes alors qu’il aurait dû intégrer… une classe d’accueil au secondaire !

La directrice d’Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent souligne la difficulté de faire un simple suivi de dossier, notamment pour les immigrants, comme les Ukrainiens, qui n’ont pas déjà de Certificat de sélection du Québec ou de Certificat d’acceptation du Québec. « Dans ces cas-là, le MIFI ne fait pas de suivi pour les informer si les cours vont commencer bientôt, a-t-elle remarqué. Les immigrants sont souvent renvoyés d’une personne à l’autre, on ne sait pas qui est chargé de quoi et ça entraîne des retards. »

Des responsables de la francisation ont aussi rapporté des retards dans le versement des allocations de 200 $ par mois aux immigrants qui suivent des cours à temps plein. « Il y a des personnes [présentement en classe] qui n’ont pas reçu leur financement pour septembre et octobre. Ça crée une certaine détresse dans notre population étudiante », a indiqué Claude Théberge, directeur adjoint du Centre d’éducation des adultes des Navigateurs (CEAN). « On a fait des démarches pour les aider, mais on s’est fait dire de ne plus appeler les agents [du MIFI] parce qu’ils reçoivent trop d’appels là-dessus. »

« Produire » des gens qui parlent français

La directrice du CEAN, Sophie Turgeon, déplore pour sa part le retard dans la transmission des listes, ce qui gêne sa planification. « J’ai besoin de savoir combien d’enseignants je vais avoir de besoin d’une session à l’autre. [Francisation Québec] tarde à fournir les listes, et tout à coup, il nous envoie 200 noms. Les étudiants sont à moitié classés », explique-t-elle. Tout le processus d’évaluation sera à refaire, y compris celui des besoins de l’élève, qui pourrait entre-temps s’être trouvé du travail et ne plus vouloir suivre un cours à temps plein.

« Nous, aux Navigateurs, on veut travailler avec les individus et les aider dans leur intégration. Mais c’est comme si Francisation Québec voulait juste “produire” des gens qui vont parler français », a-t-elle poursuivi. Le ministère de l’Immigration nie tout retard dans le versement des allocations.

Par ailleurs, au 31 décembre 2023, 66,4 % des nouveaux élèves auraient commencé leur francisation en 50 jours ou moins. Toutefois, le ministère indique ne pas être en mesure d’isoler les élèves ayant fait une demande d’inscription après le lancement de Francisation Québec, le 1er juin. Il rappelle que  24 637 élèves étaient « actifs » au 10 janvier 2024. « Ce nombre peut comprendre des élèves qui ont déposé leur demande avant le 1er juin (et qui poursuivent leur parcours avec nous session après session) et des élèves qui ont déposé une demande à Francisation Québec depuis le 1er juin », a précisé le MIFI.

La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a tenu à réagir à la situation. « Le nombre d’inscriptions dépasse nos scénarios les plus optimistes, a-t-elle déclaré. Cependant, comme dans le reste du réseau de l’éducation, nous connaissons des enjeux de recrutement de professeurs. »

Source: Face à un achalandage record, les délais chez Francisation Québec explosent

Beaudry: Au-delà des chiffres sur le français et les étudiants étrangers

Useful reminder that Quebec francisation policies are harder for PhD students:

Les étudiants étrangers font la manchette : on leur attribue divers maux de notre société, du déclin du français à la crise du logement. Mais plutôt qu’alimenter la guerre de chiffres que se livre différentes factions en matière d’immigration, ce texte relatera plutôt une belle histoire de volonté et de résilience.

En matière de francisation, la réalité des études supérieures contraste avec celle des études de premier cycle. À l’instar de plusieurs universités en Europe et ailleurs, la pression pour donner les cours et faire la recherche en anglais est très forte.

Bien que ce ne soit pas la mission de nos universités de franciser les étudiants allophones, rendre plus flexibles nos programmes d’études supérieures pour leur permettre de suivre de vrais cours de francisation est nécessaire, puisqu’avantageux pour tous. Mais cela prend du temps et de l’argent. Faire son doctorat et suivre des cours de francisation en même temps relève du parcours du combattant.

À Polytechnique, comme dans beaucoup d’autres institutions, le doctorat à temps partiel n’existe pas : il faut franchir à vive allure toutes les étapes dans les temps impartis. Si nous voulons contribuer à l’intégration des personnes étudiantes que nous accueillons et formons, nous devons repenser ces premières années des programmes d’études supérieures.

Ce temps supplémentaire exerce aussi une pression énorme sur les fonds de recherche des universitaires qui appuient ces personnes pendant une plus longue période d’études.

À Polytechnique, j’enseigne en français. Un de mes étudiants de doctorat dont le français se résumait à « bonjour » s’inquiétait de ne pas pouvoir suivre les cours et bien comprendre la matière. Pour les cours du trimestre d’hiver 2022, nous nous sommes donc tournés vers la technologie pour pallier son manque de compréhension du français. Il a installé une application sur son téléphone cellulaire qui traduit de façon simultanée la langue parlée. Une des oreillettes était placée sur mon bureau (elle servait alors de micro) et il avait l’autre dans l’oreille (où étaient diffusées mes paroles traduites en anglais). Le texte traduit en anglais défilait aussi sur son téléphone, avec un petit délai différent de celui de la voix en anglais. Ce n’était pas parfait, mais il estime que 60 % de la traduction était compréhensible et correcte. En plus de cet équipement mal synchronisé, il a traduit en anglais tous les documents et présentations de ses cours du trimestre.

À l’été 2022, je lui ai demandé pourquoi il n’était jamais disponible avant 14 h. J’ai déjà eu des étudiants lève-tard et des oiseaux de nuit, mais si tard, je trouvais cela curieux. Il m’a avoué candidement et un peu honteux que depuis novembre 2021, il était inscrit à temps plein aux cours de francisation pour les personnes immigrantes et qu’il devait être en classe de 8 h à 13 h, et ce, tous les jours de la semaine.

Me voyant bouche bée, il m’a expliqué que, pour comprendre la réalité des personnes immigrantes au Québec, de façon à bien cerner cette dimension de son sujet de recherche, il devait se mettre dans leurs souliers. Il faut dire que sa thèse porte sur le rôle de l’immigration qualifiée et des étudiants étrangers sur la collaboration internationale en science, technologie et innovation.

Depuis le début de ma carrière de professeure, certains de mes étudiants ont bien suivi quelques cours de français ici et là au cours de leurs études — avec des résultats très mitigés, pour être honnête. Mais personne ne s’était encore prêté à cet exercice intense en plus de ses études doctorales.

Nous avons dû planifier l’examen doctoral et la présentation de sa proposition de thèse, qu’il a réussi avec brio, entre deux modules de cours de francisation. Avec la permission de son école de francisation, il faisait une pause pour reprendre lors du prochain module (dont la durée est d’environ huit semaines). Au moment où j’écris ces lignes, il ne lui reste que deux modules de cours de francisation à terminer, mais toute mon équipe de recherche l’encourage, converse avec lui en français et est fière de ses progrès.

S’astreindre chaque jour à cinq heures de cours de français, en plus des devoirs à faire le soir, des présentations orales à préparer, sans compter les cours de la scolarité doctorale, les travaux et les articles à lire en préparation de la proposition de thèse, représente une tâche titanesque.

Serez-vous surpris d’apprendre que cet étudiant a non seulement réussi avec succès son examen doctoral et présenté sa proposition de thèse, mais qu’il a aussi remporté l’une des prestigieuses bourses Vanier que le Canada offre à des étudiants exceptionnels et déterminés ? Félicitations, Amirali !

Plutôt qu’être un handicap pour les universités francophones, ce début un peu plus lent des études doctorales devrait être considéré comme un avantage qui rend nos diplômés plus attrayants dans un milieu très compétitif. Autant nos étudiants et futurs diplômés, leur famille, leur société d’accueil et les universités francophones en bénéficient.

Donnons-nous les moyens de remplir cette mission sociétale correctement.

Source: Au-delà des chiffres sur le français et les étudiants étrangers

Un système surchargé fait rater la rentrée à des étudiants en francisation 

    Service delivery failure despite priority on francisation:

    Depuis son ouverture, le 1er juin dernier, Francisation Québec fait face à un achalandage record : en moins de trois mois, près de 30 000 immigrants se sont inscrits sur ce nouveau guichet unique, a appris Le Devoir. Or, croulant sous la tâche, le ministère de l’Immigration peine à répondre à la demande — et près de 95 % des nouveaux inscrits ne vivront pas de rentrée scolaire ces jours-ci.

    Selon les données fournies par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), des 23 500 détenteurs d’un dossier jugé complet, seuls 1500 peuvent s’asseoir sur les bancs d’école. Quelque 3500 autres qui n’ont pas encore de date de début de cours devraient par contre se joindre à eux ces prochaines semaines, assure le ministère.

    Au centre de francisation Louis-Jolliet, à Québec, à peine 200 nouveaux étudiants à temps complet et à temps partiel pourront commencer leurs cours prochainement. L’établissement pourra toutefois franciser son nombre habituel d’étudiants grâce à la réinscription d’environ 1000 étudiants qui avaient déjà suivi des cours et qui évoluaient dans l’ancien système, avant Francisation Québec. « Si je n’avais pas eu mon bassin d’élèves qui fréquentaient déjà notre centre, c’est sûr que ça chutait à trois groupes », explique Julie Larrivée, directrice adjointe du centre et responsable de la francisation.

    Alors que la rentrée s’amorce ces jours-ci, elle dit avoir dû refouler plusieurs candidats qui s’étaient inscrits sur la plateforme Francisation Québec tout juste après son lancement en juin et qui n’ont eu aucune nouvelle du MIFI depuis. « Les gens étaient désespérés, ils sont venus quand même nous voir pour nous demander quoi faire et où appeler. J’ai dû leur dire qu’ils ne pouvaient rien faire, qu’ils devaient surveiller leurs courriels tous les jours pour voir si le MIFI leur répondait. »

    En Beauce, des intervenants du milieu font le même constat. Avec ses collègues, Liliana Arcila, agente d’intégration au Carrefour jeunesse-emploi de Beauce-Nord, dit avoir inscrit pendant l’été sur Arrima (la plateforme vers laquelle Francisation Québec redirige les gens) une dizaine de travailleurs temporaires et de demandeurs d’asile voulant se franciser. « Personne n’a eu de nouvelles. Le site leur disait qu’ils allaient être contactés pour une évaluation, mais personne n’a pu commencer », indique-t-elle.

    Même son de cloche au Centre de services scolaire de la Beauce-Etchemin, où des dizaines de personnes inscrites après le 1er juin n’ont reçu aucune nouvelle. « D’habitude, on a 20, 30, 40 [étudiants de] niveau 1 qui rentrent en août et septembre. Mais là, les cours sont commencés, et les nouveaux étudiants ne sont pas là. Si quelqu’un nous appelle demain matin pour nous dire qu’il a eu son évaluation, on va devoir lui dire d’attendre à janvier », déplore une employée de ce centre de services, qui souhaite rester anonyme parce qu’elle n’a pas l’autorisation de son employeur pour s’adresser aux médias. « On est en train de mettre sur la glace une année complète d’école. »

    Des évaluations erronées

    Selon les données du MIFI, des 23 500 nouveaux dossiers complets (sur un total de quelque 30 000 nouvelles inscriptions en date du 20 août), la grande majorité des personnes n’auront pas besoin de subir d’évaluation, car elles ont déclaré n’avoir aucune ou avoir une très faible connaissance du français. Or, parmi les 7800 personnes devant passer un test, moins de la moitié (3000) ont été jusqu’ici évaluées par le bureau d’évaluation de Francisation Québec.

    De nombreux classements sont également erronés, a constaté Mme Larrivée. « On a vu beaucoup d’aberrations. On a des étudiants de la Tunisie qui ont été classés au niveau débutant. Ça ne se peut pas, ça. On voit qu’ils arrivent quand même à parler français. » D’autres, qui ont été classés dans les niveaux intermédiaires, doivent être recalés. « J’ai une enseignante qui a reporté d’une journée sa rentrée pour appeler tous les élèves sur sa liste. Elle a réajusté les classements. »

    Tania Longpré, doctorante en didactique des langues secondes et enseignante en francisation à Terrebonne, a fait le même constat. « J’ai reçu deux hommes la semaine dernière qui avaient été classés niveau 7 [par le MIFI], mais je les ai reclassés au niveau 3 », a raconté l’enseignante, qui signe une lettre ouverte dans Le Devoir pour déplorer les nombreux cafouillages de Francisation Québec en cette rentrée scolaire. « Je ne sais pas à quel point j’ai le droit de faire ça, mais je ne vais quand même pas laisser dans un niveau 7 quelqu’un qui ne parle pas français. »

    Selon ce qu’a rapporté Le Devoir en juin dernier, d’autres intervenants du milieu scolaire se sont inquiétés de la centralisation des pouvoirs en francisation au sein du MIFI. L’évaluation que fait le ministère des candidats— en ligne et seulement à l’oral — en avait fait sourciller quelques-uns.

    Julie Larrivée, du centre Louis-Jolliet, reconnaît que le système vit une transition. Mais elle estime tout de même que les étudiants étaient bien mieux servis avant. « Nous, ça fait 25 ans que notre expertise est développée », dit-elle.

    De record en record

    Après avoir connu une année record — 65 000 personnes ont suivi des cours de francisation l’an dernier —, le ministère de l’Immigration s’apprête à en vivre une autre. Au lancement de Francisation Québec, le 1er juin, on comptait déjà 16 000 personnes en attente, et une session record de cours d’été a été mise sur pied pour l’absorber le plus possible — un véritable tour de force, selon le MIFI.

    C’est d’ailleurs parce qu’il a fallu s’attaquer à réduire le nombre de personnes en attente que les nouveaux inscrits n’ont pas encore commencé leurs cours, a laissé savoir le ministère. « Comme l’offre de cours est moins importante durant la période estivale, notamment en raison des vacances du personnel enseignant, il est plus difficile de placer l’ensemble des élèves lors de cette période. Cette situation se résorbe habituellement par la reprise des sessions à l’automne. »

    À l’heure actuelle, 16 600 étudiants qui se sont inscrits avant la mise en place du guichet unique suivent des cours de francisation.

    Source: Un système surchargé fait rater la rentrée à des étudiants en francisation

    Roberge juge intolérable que des immigrants temporaires ne parlent pas français

    Well, they’re temporary unlike permanent who have a much greater incentive. And legitimate concerns regarding the impact of high immigration levels in the rest of Canada compared to more modest levels in Quebec (set by the Quebec government):

    Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, juge intolérable que des milliers d’immigrants temporaires vivent au Québec en n’ayant aucune notion de français. Certains de ces travailleurs venus d’ailleurs veulent pourtant apprendre le français, mais Québec doit leur offrir des cours, si possible en milieu de travail, estime le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc.

    Plus de 290 000 immigrants temporaires se trouvaient en sol québécois au 31 décembre 2022, selon le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Il s’agit notamment de travailleurs et d’étudiants. Ces gens ne sont pas obligés d’apprendre le français, parce qu’ils viennent au Québec pour de courts séjours — qui peuvent tout de même s’échelonner sur plusieurs années. Certains souhaitent aussi devenir résidents permanents.

    Ces gens travaillent entre autres dans les commerces, dans les cafés ou dans les restaurants de Montréal. Ils changent le visage de la métropole en ne maîtrisant pas la langue nationale du Québec. « On ne peut pas tolérer qu’ils anglicisent le Québec », a déclaré le ministre Roberge lors d’une conférence organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, lundi midi.

    Le président et chef de la direction de la CCMM, Michel Leblanc, a salué la volonté du gouvernement d’aider les immigrants temporaires à se franciser. Il affirme que plusieurs entreprises (en technologies de l’information ou en aéronautique, par exemple) souhaitent garder leurs travailleurs temporaires.

    « Il y a des gens qui travaillent fort, qui viennent d’arriver, parfois avec des enfants, des femmes ou des maris, qui veulent s’intégrer. Il faut leur faciliter la vie. Si on blâme l’immigrant, on perd de vue que notre système n’est pas assez accommodant pour son horaire, pour sa réalité », dit M. Leblanc.

    Comme le faucon pèlerin

    L’organisme Francisation Québec, qui entrera en fonction le 1er juin, est susceptible de faciliter l’apprentissage de la langue nationale de tous les nouveaux arrivants, y compris ceux issus des programmes temporaires, a fait valoir le ministre Roberge.

    Le ministre québécois de la Langue française était invité par la CCMM avec son homologue fédérale, Ginette Petitpas Taylor, après leur entente historique visant à améliorer la protection du français au Québec. La ministre fédérale des Langues officielles a déjà reconnu, avec le projet de loi C-13, « qu’une seule des deux langues officielles est en déclin au Canada, y compris au Québec ». Et cette langue est le français.

    Mme Petitpas Taylor a remis à son « ami » Roberge un faucon pèlerin en peluche, pour témoigner qu’il est possible de freiner le déclin d’une espèce vulnérable. Les deux ministres s’étaient entendus en mars dernier pour que le gouvernement Trudeau renforce le français au Québec. Il s’agit d’un geste impensable jusqu’à récemment, car Ottawa a généralement pour mission de protéger les minorités linguistiques, dont celle de langue anglaise au Québec.

    Le projet de loi C-13 obligera notamment les entreprises sous réglementation fédérale au Québec à se conformer à la Charte québécoise de la langue française. La langue de travail devra être le français ; il sera aussi obligatoire de pouvoir servir les clients en français. Tout indique que ce projet de loi sera adopté cette semaine par la Chambre des communes.

    Immigration francophone

    Le ministre Jean-François Roberge a appelé les sénateurs canadiens à sanctionner par la suite le projet de loi « sans le passer à la lessive », en maintenant la référence à la Charte québécoise de la langue française.

    Le ministre Roberge a pressé Ottawa d’établir des cibles ambitieuses d’immigration en français. Il dénonce l’« initiative du siècle » visant à faire grimper la population canadienne à 100 millions de personnes en 2100. « J’ose nommer la question de l’immigration massive. Certains appellent ça l’initiative du siècle. Pour moi, c’est la lubie du siècle de penser qu’on peut, de manière démesurée, perdre le contrôle de nos seuils d’immigration. Ce n’est pas bon pour le Québec et ce n’est pas bon pour la francophonie canadienne », a-t-il dit.

    La ministre Ginette Petitpas Taylor, une francophone du Nouveau-Brunswick, a reconnu l’importance d’augmenter l’immigration francophone au pays, y compris au Québec.

    Source: Roberge juge intolérable que des immigrants temporaires ne parlent pas français