Nicolas: Voiler la rentrée
2025/08/30 Leave a comment
Another take on the latest Quebec secularism debate along with broader discussion of charter rights:
…C’est donc en cette semaine de rentrée — existe-t-il des hasards dans les calendriers politiques sur lesquels un gouvernement a le parfait contrôle ? — qu’on rend public le rapport du Comité d’étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l’État et sur les influences religieuses, créé en mars dernier.
La recommandation du rapport qui, nécessairement, attire toute l’attention : une proposition d’élargir l’interdiction du port de signes religieux aux éducatrices des centres de la petite enfance (CPE) et des garderies subventionnées. Profession où il y a déjà une pénurie documentée, qui affecte les parents exténués.
La Coalition avenir Québec (CAQ) patauge dans le caniveau des sondages, une grande partie de la population se préoccupe de l’état de nos services publics et on semble dire : « Regardez, là-bas ! Un oiseau (voilé) ! »
Le débat sur les signes religieux a été fait, refait et surfait au Québec depuis 20 ans. Je ne sais pas s’il reste des alignements de mots inusités dans le dictionnaire pour décrire la contradiction béante entre la discrimination à l’emploi, par l’État, des femmes sur la base de leurs vêtements et de leur foi, d’une part, et l’objectif de l’égalité homme-femme, d’autre part. À ce stade-ci, je ne sais plus quoi dire de plus.
Mais je peux tout de même, peut-être, demander si l’on comprend que nos élus instrumentalisent cette obsession pour le voile pour faire de la diversion et de la manipulation politique ?
Qu’on soit pour ou contre la loi 21, on peut comprendre que de lancer ce rapport-là en pleine rentrée a quand même été pensé. Pour qu’on se chicane entre nous là-dessus et pour nous distraire du reste ?
Je pense aussi qu’on peut être à l’unisson peu impressionnés par le fait que les deux personnes chargées de rédiger un tel rapport sont Christiane Pelchat, qui a défendu comme avocate pro bono le groupe militant pour la loi 21 Pour les droits des femmes, et Guillaume Rousseau, qui était conseiller politique de Simon Jolin-Barrette au moment de l’adoption de la loi 21. Avec une couleur politique si lourdement affichée, on ne s’étonnera pas de la faible participation du public (323 réponses citoyennes sur 9,1 millions de Québécois) ou des organismes représentant des groupes minoritaires potentiellement affectés par les actions du gouvernement.
On a reproduit ici le modèle de « consultation » du Comité des sages sur l’identité de genre, où l’on pouvait deviner les conclusions du rapport en regardant la main qui tenait le crayon. Ce comité-là avait conclu, aussi sans grande surprise, que le gouvernement avait les « bonnes » orientations sur l’identité de genre — et ce, sans que les personnes appartenant aux minorités de genre se sentent entendues ou respectées par le processus. On manufacture ainsi de toutes pièces un avis « externe » qui nous invite à aller plus loin dans la direction qui nous chantait déjà.
Cette manière de « consulter » affecte pour le moment deux des principales minorités qui font l’objet d’une obsession politique — les communautés musulmanes et les minorités de genre. J’insiste : pour le moment. Si on ne lève pas de drapeau rouge sur cette manière de procéder maintenant, ne serait-ce que parce qu’on « aime » les conclusions de ce rapport-ci, la pratique s’étendra à d’autres aspects de l’action gouvernementale. Jusqu’à ce que certaines personnes qui ne se sentent pas concernées aujourd’hui par la méthode commencent à la trouver moins drôle.
C’est déjà le cas pour la clause de dérogation dite « nonobstant », qui permet de faire fi de certains pans de la Charte des droits et libertés canadienne. En l’utilisant de manière péremptoire dans l’adoption de la loi 21, Québec a empêché la société civile de faire valoir une bonne partie de ses arguments devant les tribunaux. Depuis, on a un effet de mode. La Saskatchewan a utilisé en 2023 la clause de dérogation pour limiter la capacité des parents d’enfants trans et non binaires de contester sa loi sur l’usage des prénoms et pronoms choisis par les élèves dans les salles de classe. L’Ontario l’avait déjà utilisé en 2022 pour suspendre le droit de grève des travailleuses du secteur de l’éducation.
On s’en est souvenu avec le cas d’Air Canada : le gouvernement fédéral utilise aussi ses propres mécanismes pour suspendre de plus en plus systématiquement le droit de grève des travailleurs — un droit qui découle de la liberté d’association, aussi protégé par nos Chartes des droits et libertés. Le gouvernement du Québec cherche aussi à limiter ce droit à sa manière, avec son projet de loi 89, adopté en mai.
Après le droit du travail, qu’est-ce qui suivra ?
Banaliser et fragiliser des droits fondamentaux sur lesquels le monde s’était mis de peine et de misère à peu près d’accord dans la Déclaration universelle de 1948, après le choc d’horreurs indicibles, c’est un boomerang qui finit par revenir dans le front des gens qui n’étaient pas d’abord ciblés. Potentiellement, à peu près tout le monde.
Peut-être que ça, avec la fragilisation de l’État de droit chez nos voisins du Sud, voire un peu partout dans le monde, on le constatera plus facilement aujourd’hui que dans les années 2000 ou 2010.
Source: Voiler la rentrée
… It is therefore in this back-to-school week — are there any coincidences in the political calendars over which a government has perfect control? — that the report of the Study Committee on Respect for the Principles of the Act on the Secularism of the State and Religious Influences, created last March, is made public.
The report’s recommendation, which necessarily attracts full attention: a proposal to extend the ban on the wearing of religious signs to educators in early childhood centres (EPCs) and subsidized daycare centers. Profession where there is already a documented shortage, which affects exhausted parents.
The Coalition avenir Québec (CAQ) is wading in the polls gutter, a large part of the population is concerned about the state of our public services and we seem to say: “Look, over there! A bird (veiled)! ”
The debate on religious signs has been done, redone and overrated in Quebec for 20 years. I do not know if there are still any unusual word alignments in the dictionary to describe the gaping contradiction between discrimination against employment, by the state, of women on the basis of their clothing and faith, on the one hand, and the objective of gender equality, on the other hand. At this point, I don’t know what else to say.
But I can still, perhaps, ask if we understand that our elected officials exploit this obsession with the veil to make diversion and political manipulation?
Whether we are for or against Law 21, we can understand that launching this report in the middle of the start of the school year was still thought. So that we can quarrel with each other about it and to distract ourselves from the rest?
I also think that we can be unimpressed in unison by the fact that the two people in charge of writing such a report are Christiane Pelchat, who defended as a pro bono lawyer the group campaigning for Law 21 For Women’s Rights, and Guillaume Rousseau, who was Simon Jolin-Barrette’s political advisor at the time of the adoption of Bill 21. With a political color so heavily displayed, we will not be surprised by the low participation of the public (323 citizen responses out of 9.1 million Quebecers) or organizations representing minority groups potentially affected by government actions.
The “consultation” model of the Committee of Wise men on gender identity was reproduced here, where we could guess the conclusions of the report by looking at the hand that held the pencil. That committee had concluded, also without much surprise, that the government had the “right” guidelines on gender identity – and this, without people belonging to gender minorities feeling heard or respected by the process. We thus manufacture from scratch an “external” opinion that invites us to go further in the direction that was already singing to us.
This way of “consulting” currently affects two of the main minorities who are the subject of a political obsession – Muslim communities and gender minorities. I insist: for the moment. If we do not raise a red flag on this way of proceeding now, if only because we “like” the conclusions of this report, the practice will extend to other aspects of government action. Until some people who do not feel concerned about the method today begin to find it less funny.
This is already the case for the so-called “notwithstanding” exemption clause, which makes it possible to ignore certain parts of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. By using it in a peremptory way in the adoption of Bill 21, Quebec prevented civil society from asserting a good part of its arguments in the courts. Since then, we have had a fashion effect. Saskatchewan used the exemption clause in 2023 to limit the ability of parents of trans and non-binary children to challenge its law on the use of first names and pronouns chosen by students in classrooms. Ontario had already used it in 2022 to suspend the right to strike for workers in the education sector.
We remembered this with the Air Canada case: the federal government is also using its own mechanisms to increasingly systematically suspend workers’ right to strike — a right that stems from freedom of association, also protected by our Charters of Rights and Freedoms. The Quebec government is also seeking to limit this right in its own way, with its Bill 89, adopted in May.
After labor law, what will follow?
Trivializing and weakening fundamental rights on which the world had put itself of pain and misery roughly agreed in the Universal Declaration of 1948, after the shock of unspeakable horrors, it is a boomerang that ends up returning to the front of people who were not first targeted. Potentially, just about everyone.
Perhaps this, with the weakening of the rule of law among our southern neighbors, or even everywhere in the world, we will see it more easily today than in the 2000s or 2010s.
