Bouchard: Mise au point sur l’interculturalisme
2023/09/05 Leave a comment
While I disagree with Bouchard on his characterization of multiculturalism, which is also based on integration (“un modèle d’intégration d’une société dans l’unité et la diversité, dans un esprit d’équilibre entre les besoins et les attentes respectives de la majorité et des minorités” also applies to multiculturalism), nevertheless he is a strong advocate for and integration and inclusive approach:
L’interculturalisme semble réinvestir le débat public, comme en témoigne, entre autres, le texte d’Alex Bilodeau paru dans Le Devoir du 31 juillet. C’est une initiative bienvenue, car le dossier québécois de l’immigration évolue présentement dans une mauvaise direction. C’est l’occasion d’une mise au point assortie d’une mise en garde.
Concernant le texte de M. Bilodeau, ce n’est pas une bonne idée que d’associer nationalisme et interculturalisme sans clarifier les rapports entre les deux — si rapport il y a. Par ailleurs, l’auteur voit dans l’interculturalisme deux courants incompatibles.
D’un côté (courant A), il y aurait les tenants d’une nation homogène orbitant autour de l’héritage de la majorité canadienne-française. De l’autre côté (courant B), on trouverait un modèle centré sur le pluralisme radical qui réduirait la nation québécoise au français comme langue commune, sans accorder de priorité à l’intégration, ce qui le rapproche du multiculturalisme.
Ces deux courants sont en effet incompatibles, mais ce qu’il faut surtout souligner, c’est qu’aucun des deux ne relève de l’interculturalisme.
Selon Alex Bilodeau, l’opposition entre les deux courants se manifeste de trois façons :
Le rapport majorité-minorité. Selon le courant A, la première domine la seconde. En ce cas, il ne peut en résulter que l’exclusion ou une forme d’assimilation. Quant au courant B, il ferait l’économie d’une culture commune à construire et effacerait le rapport majorité-minorité.
L’intégration. Ici, le texte de Bilodeau se fait répétitif. Le premier courant se signale par l’assimilation, le second récuse la domination de la majorité au nom de l’égalité des droits.
La culture commune. Dans l’esprit du courant A, cet élément serait secondaire, le vieil héritage devant primer. Selon le courant B, au contraire, le rapport majorité-minorité doit être atténué en le traitant sur une base de complémentarité, de réciprocité et de respect de la différence.
Définis de cette façon, on voit bien que les deux courants sont en effet incompatibles. On voit aussi que le courant A est bien loin de l’interculturalisme. Le courant B se voit toutefois attribuer un de ses éléments, soit la nécessité de traiter la relation majorité-minorité hors de toute hiérarchie ou de toute volonté de domination. J’ajoute que le texte de Bilodeau est un peu difficile à comprendre du fait que le courant B est présenté de deux manières différentes.
Une dualité en interaction
Pour mémoire, je rappelle que l’interculturalisme (tel que je l’ai toujours conçu) est un modèle d’intégration d’une société dans l’unité et la diversité, dans un esprit d’équilibre entre les besoins et les attentes respectives de la majorité et des minorités. Il repose sur ce qu’on peut appeler une dualité en interaction. D’abord, on s’attend à ce que le coeur du modèle dessine les bases de la société plurielle dans laquelle nous souhaitons vivre.
Cette première composante doit se concrétiser dans un ensemble de politiques et de programmes qui mobilisent les appareils de l’État, mais aussi les principaux acteurs collectifs. Par ailleurs, ces deux composantes doivent être pensées en interaction dans un but de cohérence.
L’objectif concret de l’interculturalisme est d’amener les immigrants et les minorités à s’intégrer grâce à des programmes de rapprochement, d’échange, de partage et d’initiatives communes. Il ne s’agit pas de réduire ou de supprimer la diversité, mais de la mettre à profit dans l’intérêt général de la société et dans un esprit d’égalité, en accord avec le droit. De ce processus devrait résulter une culture commune dans laquelle immigrants et minorités auraient investi tout en gardant leur part de spécificité. À cause de la logique du nombre, il est par ailleurs prévisible que la culture de la majorité pèsera beaucoup plus que les autres dans cette opération.
Cela dit, je conçois bien qu’on puisse diverger d’opinion sur des modalités ou des points annexes, mais sur l’ossature, il y a peu à changer si l’on tient à rester dans l’esprit de l’interculturalisme.
La responsabilité gouvernementale
Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’en fait pas assez face aux changements qui s’annoncent. En 2002, le Québec a reçu 63 000 immigrants permanents (moyenne des années 2015-2022 : 47 000) et 28 000 immigrants temporaires, en hausse également.
Le nombre total d’immigrants temporaires vivant au Québec actuellement est de 200 000 environ (dont plusieurs deviendront permanents). Ces tendances à la hausse vont vraisemblablement se poursuivre. Je rappelle ces chiffres pour illustrer l’énorme défi qui se pose sur le plan de l’intégration. Comment sera-t-il relevé ?
Pour l’instant, cette immigration est surtout pensée en termes économiques. Mais l’immigrant n’est pas qu’un rouage dans une stratégie de croissance, il est aussi un citoyen qui doit être inséré socialement et culturellement.
L’urgence d’agir
Pour des raisons pressantes, l’État doit agir énergiquement, comme le montrent des résultats de recherches réalisées récemment. Je pense notamment aux travaux des politologues Antoine Bilodeau et Luc Turgeon (dont nous informait Le Devoir du 31 juillet).
Il en ressort principalement que, pour diverses raisons (dont la loi 21 sur les signes religieux), le sentiment d’appartenance au Québec est en baisse au sein des minorités, au profit de l’appartenance canadienne.
Une partie de leurs membres (difficile à quantifier) ne se sentent pas acceptés et songent à émigrer. Comment cette situation va-t-elle évoluer dans les 15 ou 20 prochaines années en l’absence d’une intervention appropriée de l’État ?
Les clivages entre majorité et minorités sont en croissance dans de nombreux pays, où ils provoquent des conflits interethniques. Une fois profondément installés, ces clivages deviennent extrêmement difficiles à réduire — la France en est un exemple, dont nous devrions tirer une leçon.
Un Québec à l’enseigne du multiculturalisme ?
Si l’immigrant ne trouve pas à s’intégrer pleinement dans la société d’accueil, il le fera au sein d’une minorité. C’est une tendance qui peut conduire à long terme à une fragmentation, à l’essor d’une mosaïque ethnique sur le modèle du multiculturalisme. Est-ce le genre de société que nous voulons ?
