Nadeau: Ouvrir le chemin Roxham

Of note, different from most Quebec commentary. And telling critique of those who adopt positions to increase reader and view ship (click bait):

Qu’est-ce qui rend nos idées acceptables ? Il est toujours plus facile d’adhérer à ce qui nous est familier. Aussi nos idées sont-elles souvent enracinées dans la pauvreté de simples réflexes. Nous reproduisons, dans le présent, des idées conventionnelles héritées du passé, sans songer à les actualiser. Nous portons, ce faisant, les oeillères de nos pères et de nos mères.

Rien d’étonnant à ce que les idées conventionnelles aient la cote. Dans les grands médias, cela se voit, cela s’entend. À la télévision en particulier, devant des animateurs qui se posent, pour la forme, en arbitre du temps de parole, des intervenants répètent sensiblement tous la même chose. Plongé dans ces lieux formatés et huilés pour être glissés entre deux publicités, l’auditeur peut-il en tirer quelque chose de neuf ?

Il y a bien des raisons pour expliquer cette uniformité chez ceux qui font métier de leur image en nous montrant avant tout leurs beaux habits et leurs habitudes. À commencer par le fait qu’il est toujours plus facile de faire passer une idée qui a mille fois été rabâchée que de se mettre à disserter de nouvelles dans un espace réduit. Quand il est répété en boucle, même sur le ton de l’indignation, le banal n’a guère besoin d’être expliqué. Le prédigéré — le préjugé, si vous voulez — est ainsi plus facilement assimilé que n’importe laquelle autre nourriture intellectuelle télévisée.

En matière d’idées, voilà pourquoi le conservatisme a toujours, du moins en apparence, une longueur d’avance. Pourtant, la postérité est cruelle avec de telles idées, à mesure que le présent fait irrésistiblement en sorte d’en miner les fondements. Jusqu’au jour où tout le monde admet que de tels jugements sont dépassés.

Il est encore difficile de parler d’immigration aujourd’hui sans que la discussion soit infléchie par des idées anciennes.

Autrefois, à l’ère du protectionnisme et d’un nationalisme frileux, le refus de l’immigration pouvait se comprendre en partie. Mais au jour où presque tous nos biens de consommation sont fabriqués à l’étranger, au nom du libre marché, en vertu de quoi faudrait-il repousser l’entrée chez nous de cette part d’humanité vers laquelle nous avons délocalisé nos industries autant que nos ennuis ?

L’hémisphère Nord accapare de plus en plus les richesses de la planète, à une vitesse jamais vue. Mais nous ne voulons pas voir apparaître chez nous les conséquences de problèmes que nous avons contribué à ériger ailleurs. Peut-on sincèrement en vouloir à une partie de l’humanité de vouloir prendre ses jambes à son cou pour tenter de profiter d’une assiette au beurre que nous avons tirée de notre côté ?

Il est répété que les réfugiés doivent être rentables pour être acceptés. Qui plus est, ils devraient parler français. Au jour où mon ancêtre Nadeau est arrivé en Nouvelle-France, il parlait seulement, comme bien d’autres immigrants, un patois occitan. Du monde, il ne connaissait qu’une vieille voie romaine capable de le conduire jusque sur un rafiot voguant sur l’océan. Au Québec, moins de 3 % de la population — les Autochtones répartis en onze nations — ne sont pas le fruit de l’immigration.

Le français est important. Mais une langue, cela s’apprend. Encore faudrait-il commencer par se donner les moyens de la transmettre avec la culture qu’elle porte. Notre système scolaire apparaît aussi malade que notre système hospitalier. François Legault en est rendu à avaliser l’idée que des enseignants à peine formés peuvent tout de même enseigner. Les conséquences d’un manque de planification et de vision, nous en payons le gros prix devant l’avenir.

Le chemin Roxham, est-ce par là que nos idées prennent désormais la fuite quand il est question de repenser notre société ? Depuis des mois, tous les maux des Québécois — l’éducation, la santé, l’environnement, la pauvreté, l’inflation — semblent s’exorciser dès lors qu’est invoqué le chemin Roxham, comme si, d’ailleurs, il était le seul du genre. L’attention est sans cesse détournée de ce côté. Au point que le ministre Jean Boulet, collectionneur de grossièretés, a affirmé l’an passé que la fermeture de ce chemin éviterait le débordement d’un système de santé pourtant déjà surchargé depuis des années ! Le même avait laissé entendre qu’il existait un lien entre le chemin Roxham et la propagation du variant Omicron… Mieux valait compter sur des robots, disait-il aussi, que sur des immigrants pour résorber la pénurie de main-d’oeuvre !

Bien des commentateurs obsédés par l’immigration ont des allures d’agitateurs à force de chercher à tout prix à créer les conditions favorables à la croissance de leur nombre d’auditeurs et d’électeurs plutôt qu’à éclairer le débat public. Selon de vieux clichés, l’immigrant serait une menace et un danger, lorsqu’il n’est pas réduit à une simple marchandise. Au nom d’une vision étriquée de l’identité nationale, faut-il pourchasser et traquer ces gens comme des vaches, pour les enfermer, les terroriser, les maltraiter et les traire, au seul prétexte qu’ils viennent d’ailleurs ?

Le nombre de personnes qui migrent désormais au pays de façon temporaire, que ce soit pour labourer nos terres, assurer les récoltes ou soigner nos aînés, a été multiplié par trois. Pareilles portes tournantes, par lesquelles des personnes sont exploitées puis expulsées, est-ce là un meilleur gage d’humanité ?

Une immigration planifiée à gros prix par la firme McKinsey, au nom des puissances de la finance, puis avalisée par un béni-oui-oui d’une morale sans esprit à la Justin Trudeau, cela n’a évidemment pas de quoi rassurer qui que ce soit. Mais on ne peut pas jeter pour autant des gens comme des kleenex, sachant ce qu’est la faim, le froid, la misère, l’insécurité, la peur. Les problèmes majeurs qui pèsent sur notre monde ne tiennent pas à l’immigration, mais à ses causes. C’est à elles qu’il faut s’attaquer.

Il n’existe pas de meilleur des mondes. Mais un monde meilleur est possible. Encore faudrait-il, pour commencer à en envisager les termes, accepter de retirer nos oeillères des temps passés

Source: Ouvrir le chemin Roxham

About Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

Leave a Reply

Fill in your details below or click an icon to log in:

WordPress.com Logo

You are commenting using your WordPress.com account. Log Out /  Change )

Twitter picture

You are commenting using your Twitter account. Log Out /  Change )

Facebook photo

You are commenting using your Facebook account. Log Out /  Change )

Connecting to %s

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

%d bloggers like this: