Nicolas: Questionner comme Émilie Bordeleau

Rather than eliminating from history and knowlege:

Entre la fin des années 1980 et les débuts des années 1990, Émilie est devenu l’un des prénoms les plus donnés aux petites filles québécoises. Le succès monstre des Filles de Caleb, d’abord par les romans d’Arlette Cousture, puis par l’adaptation télévisée de Jean Beaudin, n’est certainement pas étranger à cette mode.

J’étais encore au primaire lorsque j’ai dérobé Le chant du coq et Le cri de l’oie blanche de la bibliothèque de ma mère. Je me suis ensuite tournée vers la télésérie, qui avait aussi été préservée sur des VHS maison pour la postérité. J’étais intriguée par Émilie Bordeleau, cette héroïne forte qui, comme moi, ne cherchait qu’à lire et à apprendre, et qui, pour son époque, avait du front tout le tour de la tête. Par Les filles de Caleb, j’ai appris tôt qu’une Émilie, par définition, est une femme qui se tient droite et qui n’a pas peur de déranger.

J’ai vu, durant les derniers jours, moult commentateurs dénoncer Netflix, qui a décidé de mettre en ligne la série tout en en retirant le deuxième épisode, où Roy Dupuis (Ovila Pronovost) est maquillé en blackface. On comprendra qu’en tant qu’Emilie, notamment, je me suis sentie personnellement concernée.

Si j’ai bien compris l’opinion dominante, Netflix aurait tort de juger une oeuvre des années 1990, qui décrit le tournant du XXe siècle, avec les valeurs d’aujourd’hui. Le blackface, dans ce contexte-là, serait banal, voire étranger à la culture québécoise.

Là-dessus, on a tout faux. Les minstrel shows étaient un phénomène nord-américain populaire à l’époque d’Émilie Bordeleau. Des troupes mettaient aussi en scène ce type de spectacles au Québec, et des Québécois — dont Calixa Lavallée, l’auteur du Ô Canada — ont participé à des tournées américaines. Si le personnage d’Ovila se fait « étriver » par ses pairs pour son maquillage, c’est aussi à cause du racisme ordinaire de l’époque.

Les enseignantes de cette génération travaillaient avec des curriculums scolaires remarquablement semblables à ceux qui circulaient en Europe et ailleurs dans les Amériques à la même époque. L’école québécoise enseignait, en histoire et en géographie, les théories en vogue sur l’inégalité des races humaines — comme partout ailleurs en Occident. Et on enseignait la grammaire, l’orthographe et même le calcul avec des exemples souvent racistes issus tout droit de l’imaginaire colonial. Vous ne me croyez pas ? Il faut lire L’école du racisme, de l’historienne Catherine Larochelle, qui a épluché les manuels scolaires québécois qui ont circulé entre 1830 et 1915.

Faut-il pour autant applaudir Netflix, qui, de son côté, retire tout contenu qui contient du blackface ? Permettez-moi de défendre plutôt une troisième voie : celle de Disney+.

Les studios Walt Disney, fondés en 1923, sont indissociables de l’histoire du racisme à l’écran. Ses premiers cartoons s’inspirent d’ailleurs fortement de l’esthétique et de la violence « humoristique » typiques des minstrel shows. Retirer le racisme de Disney, c’est un peu comme espérer qu’une maison tienne encore si on lui enlève ses fondations. En mettant sur pied la plateforme Disney+, le géant américain a donc plutôt fait le pari de tout mettre en ligne, tout en nommant clairement, dans des avertissements, la présence de racisme dans certains contenus. Ce semble être la voie dont Radio-Canada s’est inspirée en publiant l’ensemble des Filles de Caleb — sauf qu’en comparaison, le texte de Tou.tv est faible, et manque de franc-parler.

Si j’avais à enseigner, aujourd’hui, Les filles des Caleb dans un cours de littérature, mon premier instinct serait de présenter les romans et la série en parallèle avec un succès de librairie plus contemporain, soit le Kukum de Michel Jean. D’un côté, on a un roman qui se concentre sur la réalité canadienne-française de la Mauricie, où l’on explore peu ce que le personnage d’Ovila fait lorsqu’il « prend le bois » vers les camps de bûcherons. Les Autochtones sont à peine représentés dans les romans comme dans la série, sinon comme des accessoires à l’alcoolisme, à la déresponsabilisation parentale et à la perdition qui attend le protagoniste.

De l’autre, Kukum expose les conséquences terribles de l’industrie forestière sur les communautés innues. On peut facilement imaginer comment les camps de bûcherons et la drave sur la Saint-Maurice ont affecté les Atikamekw d’une manière similaire. Une trentaine d’années plus tard, lelivrede Michel Jean vient en quelque sorte combler, ou du moins interroger les angles morts importants de l’oeuvre d’Arlette Cousture. Présenter Les filles de Caleb et Kukum ensemble — avec un ou deux chapitres de Catherine Larochelle en prime, pour le contexte — permettrait d’explorer de manière beaucoup plus complète ce qu’était le Québec au début du XXe siècle. L’exercice susciterait aussi une discussion sur l’évolution de la culture populaire au Québec, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.

Le problème, c’est que la plupart d’entre nous ont appris et intégré un récit de l’histoire du Québec qui a, grosso modo, à peu près les mêmes angles morts que l’oeuvre de Cousture et la série de Beaudin. S’ensuit une levée de boucliers lorsque vient le temps de parler de la place du racisme dans la société qui est la nôtre. Au fond, tant Netflix qu’un commentateur québécois qui s’étonne qu’un blackface soit reçu comme un symbole lourd manquent de courage. Les deux, chacun à leur manière, feignent de vivre dans un monde magique où le colonialisme et le racisme n’existent pas.

Pour se pencher sur les mythes véhiculés par la culture populaire et les étudier, il faut avoir assez de colonne pour examiner les oeuvres et leur contexte, sans les effacer, ni chercher à banaliser la violence qu’ils peuvent contenir. Il faut interroger les idées reçues sur notre histoire avec les mêmes intégrité et obstination qu’une Émilie Bordeleau, qui, de son rang de Saint-Stanislas, affrontait déjà son père en remettant en question la place des femmes dans l’ordre domestique.

Source: Questionner comme Émilie Bordeleau

Spielberg’s spiel against Netflix’s eligibility for Oscars has minority filmmakers bristling

An angle I hadn’t thought of:

When Steven Spielberg speaks about the business of Hollywood, everyone generally listens and few dissent. But reports that he intends to support rule changes that could block Netflix from Oscars-eligibility have provoked a heated, and unwieldy, debate online this weekend. It has found the legendary filmmaker at odds with some industry heavyweights, who have pointed out that Netflix has been an important supporter of minority filmmakers and stories, especially in awards campaigns, while also reigniting the ongoing streaming versus theatrical debate.

Spielberg has weighed in before on whether streaming movies should compete for the film industry’s most prestigious award (TV movies, he said last year, should compete for Emmys), but that was before Netflix nearly succeeded in getting its first best picture Oscar for Alfonso Cuaron’s “Roma” at last week’s Academy Awards. Netflix, of course, did not win the top award — “Green Book,” which was produced partially by Spielberg’s Amblin Entertainment, did.

Still, Netflix was a legitimate contender and this year, the streaming service is likely to step up its awards game even more with Martin Scorsese’s “The Irishman,” which The Hollywood Reporter said may also gunning for a wide-theatrical release. A teaser ad aired during the 91st Oscars for the gangster drama said “in theatres next fall,” instead of the “in select theatres” phrasing that was used for “Roma.”

But Netflix also isn’t playing by the same rules as other studios. The company doesn’t report theatrical grosses, for one, and it’s been vexing some more traditional Hollywood executives throughout this award season and there have been whispers in recent weeks that a reckoning is coming.

Now, Spielberg and others are planning to do something about it by supporting a revised film academy regulation at an upcoming meeting of the organization’s board of governors that would disqualify Netflix from the Oscars, or at least how the streaming giant currently operates during awards season.

This year “Roma” got a limited theatrical qualifying run and an expensive campaign with one of the industry’s most successful awards publicists, Lisa Taback, leading the charge. But Netflix, operates somewhat outside of the industry while also infiltrating its most important institutions, like the Oscars and the Motion Picture Association of America. Some like Spielberg, are worried about what that will mean for the future of movies.

“Steven feels strongly about the difference between the streaming and theatrical situation,” an Amblin spokesperson told IndieWire’s Anne Thompson late last week. “He’ll be happy if the others will join (his campaign) when that comes up. He will see what happens.”

An Amblin representative said Sunday there was nothing to add.

But some see Spielberg’s position as wrong-minded, especially when it comes to the Academy Awards, which requires a theatrical run to be eligible for an award. Many online have pointed out the hypocrisy that the organization allows members to watch films on DVD screeners before voting.

Filmmaker Ava DuVernay tweeted at the film academy’s handle in response to the news that the topic would be discussed at a board of governors meeting, which is comprised of only 54 people out of over 8,000 members.

“I hope if this is true, that you’ll have filmmakers in the room or read statements from directors like me who feel differently,” DuVernay wrote.

Some took a more direct approach, questioning whether Spielberg understands how important Netflix has been to minority filmmakers in recent years.

Franklin Leonard, who founded The BlackList, which surveys the best unproduced scripts in Hollywood, noted that Netflix’s first four major Oscar campaigns were all by and about people of colour: “Beasts of No Nation,” “The 13th,” “Mudbound” and “Roma.”

“It’s possible that Steven Spielberg doesn’t know how difficult it is to get movies made in the legacy system as a woman or a person of colour. In his extraordinary career, he hasn’t exactly produced or executive produced many films directed by them,” Leonard tweeted Saturday. “By my count, Spielberg does one roughly every two decades.”

It’s important to note that Netflix didn’t produce “Beasts of No Nation,” “Mudbound” or “Roma,” but rather acquired them for distribution. But if Oscar campaigns are no longer part of the equation in a Netflix-partnership, top-tier filmmakers are likely to take their talents and films elsewhere.

Others, like “First Reformed” filmmaker Paul Schrader, had a slightly different take.

“The notion of squeezing 200+ people into a dark unventilated space to see a flickering image was created by exhibition economics not any notion of the ‘theatrical experience,”‘ Schrader wrote in a Facebook post Saturday. “Netflix allows many financially marginal films to have a platform and that’s a good thing.”

But his Academy Award-nominated film, he thinks, would have gotten lost on Netflix and possibly, “Relegated to film esoterica.” Netflix had the option to purchase the film out of the Toronto International Film Festival and didn’t. A24 did and stuck with the provocative film through awards season.

“Distribution models are in flux,” Schrader concluded. “It’s not as simple as theatrical versus streaming.”

One thing is certain, however: Netflix is not going away any time soon and how it integrates with the traditional structures of Hollywood, like the Oscars, is a story that’s still being written.

Sean Baker, who directed “The Florida Project,” suggested a compromise: That Netflix offered a “theatrical tier” to pricing plans, which would allow members to see its films in theatres for free.

“I know I’d spend an extra 2 dollars a month to see films like ‘Roma’ or ‘Buster Scruggs’ on the big screen,” Baker tweeted. “Just an idea with no details ironed out. But we need to find solutions like this in which everybody bends a bit in order to keep the film community (which includes theatre owners, film festivals and competitive distributors) alive and kicking.”