Une réflexion sur la laïcité dans les cégeps s’impose

Discussion of some of the excesses of student organizations:

….« Comment peut-on considérer qu’une salle de prière constitue un droit acquis dans un collège qui doit respecter les articles 2 et 3 de la Loi sur la laïcité de l’État stipulant que les principes de la laïcité doivent être respectés en fait et en apparence ? » demandent avec raison les enquêteurs.

En effet, bien que les établissements d’enseignement supérieur ne soient pas soumis à la directive du ministère de l’Éducation (MEQ) interdisant les pratiques religieuses dans les écoles, ceux-ci sont néanmoins tenus de respecter les principes de la laïcité, dont la neutralité religieuse. Mais voilà, l’ambiguïté persiste : la neutralité religieuse consiste-t-elle à accommoder toutes les religions, ou bien à n’en accommoder aucune ? Concrètement, dans le cas des lieux de prière, faut-il, comme le suggère l’agente des services sociaux du collège Vanier, répondre aux demandes religieuses des étudiants de toutes les confessions ou bien, comme l’exprime clairement la directive du MEQ, n’en considérer aucune ?

Dans cette directive du MEQ, on peut lire que « l’aménagement de lieux utilisés à des fins de pratiques religieuses dans une école […] est incompatible avec le principe de la neutralité religieuse de l’État ». L’interdiction de salles de prière y est notamment justifiée par le respect de la liberté de conscience des élèves qui doivent être protégés contre les pressions directes ou indirectes les incitant à se conformer à une pratique religieuse, et parce que de tels accommodements sont de nature à entraver le bon fonctionnement des écoles.

Tous ces arguments sont également valables pour les cégeps. Bien que plus âgés, les étudiants sont pour la plupart toujours mineurs à leur arrivée au collège. Par ailleurs, on ne peut ignorer que ces salles de prière ne sont pas toujours des lieux de recueillement paisibles, mais deviennent parfois des foyers de radicalisation et des lieux de recrutement pour des conflits à l’étranger.

Songeons, par exemple, au collège de Maisonneuve, qui fut, en 2015, le foyer de recrutement d’étudiants pour le djihad en Syrie. Afin de répondre à leur demande, la direction du cégep avait mis à la disposition des étudiants une salle pour les prières du vendredi, ce qui n’a fait qu’alimenter le climat de radicalisation, de repli communautaire et de méfiance réciproque à l’intérieur du cégep.

En conclusion de leur rapport, les enquêteurs recommandent de « mettre en place les mécanismes appropriés afin de s’assurer du respect et de l’application des articles 2 et 3 de la Loi sur la laïcité de l’État ». On ne peut que seconder cette recommandation ! Mais encore faut-il que la neutralité religieuse soit clairement définie, non pas comme une porte ouverte à toutes les demandes religieuses, mais bien comme l’absence de toute reconnaissance de celles-ci et du prosélytisme religieux dans les cégeps.

Et pour commencer, aucune accréditation ne devrait être accordée à un club étudiant à vocation religieuse. Du reste, la Loi sur les cégeps ne prévoit aucunement une telle chose.

Source: Une réflexion sur la laïcité dans les cégeps s’impose

Le Devoir editorial: Religion et écoles, ce mauvais ménage

Classic Quebec overly rigid approach to laïcité in terms of religious symbols, rather than substantive as in the case of Bedford, along with useful background to Quebec history behind laïcité:

Il lui a fallu de la ténacité, de l’audace et bien sûr cette finesse de jugement politique qu’on lui a reconnue partout où elle est passée. En devenant l’architecte de la déconfessionnalisation du réseau scolaire, Pauline Marois a signé une réforme québécoise fondamentale, dont le legs durable a transformé la gouvernance des écoles et ouvert la voie aux débats contemporains sur la laïcité.

La commande était ambitieuse. Et c’est le premier ministre Lucien Bouchard qui la lui donne lors de son premier conseil national du Parti québécois, en 1996. Sa mission ? Remplacer la religion par la langue pour distinguer les écoles primaires et secondaires québécoises, alors toujours divisées selon des critères confessionnels. La réforme de la ministre de l’Éducation d’alors, Pauline Marois, permet la création de 72 commissions scolaires linguistiques, en lieu et place des 154 commissions scolaires catholiques et protestantes.

Cette transformation historique s’inscrit en droite ligne avec le travail amorcé lors de la Révolution tranquille, période charnière de modernisation d’un Québec encore très imprégné des diktats de l’Église catholique. Dans son percutant rapport, le « rapport Parent », diffusé en 1960, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec exprimait déjà le souhait de remplacer les commissions scolaires confessionnelles. Le Québec des années 1930 en comptait environ 2000.

Forte d’une vision progressiste et de son engagement envers l’égalité des chances, la future première ministre entreprend de rallier le milieu éducatif et la société civile autour de l’idée que l’école publique est ouverte à tous, indépendamment des croyances religieuses. Elle embrasse cette réforme pour quelques raisons majeures, qu’il est intéressant de revisiter aujourd’hui, près de 30 ans plus tard. Comme elle l’explique à l’Assemblée nationale pour convaincre l’opposition en mai 1996, c’est d’abord pour « mettre en place une organisation scolaire susceptible de favoriser l’intégration des immigrants à la communauté francophone ». La loi 101 les oblige à fréquenter les écoles francophones, mais plusieurs s’inscrivent naturellement dans les écoles francophones associées à des commissions scolaires protestantes, « qui sont plutôt de culture et d’environnement anglophones ». Ensuite, pour respecter la réalité et la volonté de la minorité anglophone ; puis, pour alléger les structures ; et enfin, pour assurer un exercice plus démocratique et plus équitable des libertés de conscience et de religion.

La tâche n’est pas mince. Entre autres difficultés, Pauline Marois a dû obtenir de modifier la Constitution de 1867 et son article 93 qui garantissait des droits et privilèges aux écoles catholiques et protestantes. La minorité anglophone a toutefois maintenu son droit inaliénable de gérer ses établissements scolaires. À ce jour, en dépit de la réforme de 2019 qui a aboli les commissions scolaires au profit de centres de services scolaires, les commissions scolaires anglophones ont d’ailleurs maintenu leur modèle.

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec a grandement contribué à la poursuite de ce travail de laïcisation des structures, avec l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21). L’histoire récente nous apprend d’ailleurs que les architectes de ce vaste chantier ont encore du pain sur la planche. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé cette année un projet de loi (94) dont l’objet premier est de « renforcer la laïcité dans le réseau de l’éducation ». Comme sa prédécesseure Pauline Marois en son temps, il croise avec ce projet une certaine résistance, car il propose de franchir un pas de plus dans la laïcisation, notamment avec l’obligation d’avoir le visage découvert en tout temps dans toutes les écoles, et ce, tant pour les élèves que pour le personnel.

En 2024, l’épisode de l’école primaire Bedford a choqué le Québec. À la faveur de reportages chocs, on découvrait que dans cette école, dans d’autres aussi, se jouait une réalité parallèle. Un groupe d’enseignants d’origine surtout maghrébine imposait sa propre loi et ses modes de gestion de classe et de pédagogie, en contravention totale avec les principes de laïcité, de respect de la langue française et d’égalité hommes-femmes. Vendredi, le ministère de l’Enseignement supérieur publiait aussi les conclusions de sa propre enquête sur les tensions religieuses vécues aux collèges anglophones Dawson et Vanier : entre autres conclusions, on y recommande un resserrement de la Loi sur la laïcité de l’État dans le réseau collégial. Même si plusieurs obstacles se dressent sur la route du Québec dans sa démarche de laïcisation de l’État, il ne doit pas fléchir.

Les bases sur lesquelles s’appuyait jadis Pauline Marois pour déconfessionnaliser le réseau scolaire demeurent donc d’une totale pertinence, tant pour l’importance de renforcer la langue française que pour celle de participer à l’intégration des communautés culturelles à la société québécoise, en tout respect des valeurs liées à la laïcité.

Source: Religion et écoles, ce mauvais ménage

It took her tenacity, audacity and of course that finesse of political judgment that was recognized wherever she went. By becoming the architect of the de-confessionalization of the school network, Pauline Marois signed a fundamental Quebec reform, whose sustainable legacy transformed the governance of schools and paved the way for contemporary debates on secularism.

The order was ambitious. And it was Prime Minister Lucien Bouchard who gave it to him during his first national council of the Parti Québécois, in 1996. His mission? Replace religion with language to distinguish Quebec primary and secondary schools, then always divided according to confessional criteria. The reform of the then Minister of Education, Pauline Marois, allowed the creation of 72 language school boards, instead of the 154 Catholic and Protestant school boards.

This historical transformation is in line with the work begun during the Quiet Revolution, a pivotal period of modernization of a Quebec still very impregnated with the dictates of the Catholic Church. In its powerful report, the “Parent Report”, released in 1960, the Royal Commission of Investigation on Education in the Province of Quebec already expressed the desire to replace the confessional school boards. Quebec in the 1930s had about 2000.

With a progressive vision and her commitment to equal opportunities, the future Prime Minister is undertaking to rally the educational community and civil society around the idea that public school is open to all, regardless of religious beliefs. It embraces this reform for some major reasons, which it is interesting to revisit today, almost 30 years later. As she explained to the National Assembly to convince the opposition in May 1996, it is first of all to “set up a school organization likely to promote the integration of immigrants into the French-speaking community”. Law 101 obliges them to attend French-speaking schools, but many naturally enroll in French-speaking schools associated with Protestant school boards, “which are rather of English-speaking culture and environment”. Then, to respect the reality and will of the English-speaking minority; then, to lighten the structures; and finally, to ensure a more democratic and more equitable exercise of freedoms of conscience and religion.

The task is not thin. Among other difficulties, Pauline Marois had to obtain an amendment of the Constitution of 1867 and its article 93, which guaranteed rights and privileges to Catholic and Protestant schools. However, the English-speaking minority has maintained its inalienable right to manage its schools. To date, despite the 2019 reform that abolished school boards in favor of school service centers, English-language school boards have maintained their model.

The government of the Coalition avenir Québec has greatly contributed to the continuation of this work of secularization of structures, with the adoption of the Act respecting the secularism of the State (Act 21). Recent history tells us that the architects of this vast construction site still have work to do. The Minister of Education, Bernard Drainville, tabled this year a bill (94) whose primary purpose is to “strengthen secularism in the education network”. Like his predecessor Pauline Marois in his time, he encounters a certain resistance with this project, because he proposes to take a step further in secularization, especially with the obligation to have his face uncovered at all times in all schools, both for students and for staff.

In 2024, the episode of Bedford Elementary School shocked Quebec. Thanks to shocking reports, we discovered that in this school, in others too, a parallel reality was being played out. A group of teachers of mainly Maghreb origin imposed their own law and methods of class management and pedagogy, in total contravention with the principles of secularism, respect for the French language and gender equality. On Friday, the Ministry of Higher Education also published the conclusions of its own survey on the religious tensions experienced at the English-speaking colleges Dawson and Vanier: among other conclusions, it recommends a tightening of the Act on the secularism of the State in the college network. Even if several obstacles stand on the road to Quebec in its approach to secularizing the state, it must not give in.

The foundations on which Pauline Marois once relied to deconfessionalize the school network therefore remain of total relevance, both for the importance of strengthening the French language and for that of participating in the integration of cultural communities into Quebec society, in full respect of the values related to secularism.

Le Devoir Éditorial | Un laboratoire pour le Québec [laïcité in education]

Legitimate concerns regarding Bedford and the influence of more fundamentalist Muslim educators:

L’école Bedford nous a offert un concentré des dangers qui guettent l’école québécoise : déni de laïcité, refus de l’égalité hommes-femmes, gouvernance scolaire anémiée, mépris des besoins particuliers de certains élèves et incompétence pédagogique. Ce quintette délétère est au cœur du plan d’action rendu public vendredi. Les experts Jean-Pierre Aubin et Malika Habel invitent le gouvernement Legault à faire de Bedford l’aiguillon d’une réforme qui dépasse les frontières de cette école prise en otage par un clan dominant d’enseignants d’origine principalement maghrébine.

Leur ambition est justifiée. Un si grand mal ne saurait s’accommoder d’une réponse simpliste. Même s’il constitue un cas atypique tant par sa gravité que par son intensité, Bedford n’est pas un cas unique, comme en témoignent la poignée d’enquêtes ouvertes dans la foulée de la mise au jour du scandale, et alors que 11 de ses professeurs sont toujours en examen, avec plein salaire. Cela en fait au contraire le laboratoire idéal pour tester les limites des leviers prévus à la Loi sur l’instruction publique (LIP).

Si on arrive à Bedford à faire en sorte de clarifier une fois pour toutes la différence « entre discipline et violence », entre « bienveillance et laxisme », entre « difficultés d’apprentissage et paresse intellectuelle », comme le prescrivent les deux experts, c’est qu’on sera en mesure de faire de même partout au Québec. Qui s’élèverait contre cet objectif à l’heure où l’école connaît une telle crise de confiance ?

L’accent a été largement mis sur la proposition de soumettre l’ensemble des enseignants québécois à une évaluation de leurs compétences tous les deux ans. À raison, c’est l’épine dorsale de ce plan, qui cherche à rétablir les équilibres délicats entre la nécessaire préservation de l’autonomie professionnelle de l’enseignant et l’indispensable assurance de sa responsabilisation.

De telles évaluations sont courantes dans la plupart des milieux de travail. Pour les parents comme pour les élèves, cette mesure fait miroiter la promesse d’un programme enfin suivi à la lettre et d’un climat en classe conforme aux attentes. Pour les enseignants eux-mêmes, elle ouvre la porte à une uniformisation des pratiques professionnelles, ce qui évitera, par effet de domino, qu’une majorité ait à souffrir les guerres de chapelle que des groupes minoritaires voudraient leur imposer, comme ce fut le cas à Bedford.

Bien accueillie par le ministre de l’Éducation comme par le Centre de services scolaire de Montréal, la mesure, et plus largement le plan d’action qui l’encourage, a suscité quelques réticences, notamment de la part de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui s’élève contre l’imposition généralisée de solutions forgées sur mesure pour Bedford. À ses yeux, les leviers législatifs existants sont suffisants pour superviser et évaluer adéquatement le travail des enseignants. Si cela n’a pas été fait à Bedford — et si ce n’est pas toujours fait ailleurs, comprend-on entre les lignes —, c’est « faute de temps et de ressources », argue la CSQ.

Il est vrai que la pénurie de personnel et les compressions dans les services aux élèves mettent en péril la qualité éducative du réseau. Le ministre de l’Éducation aurait tort de s’imaginer qu’il peut effacer ces facteurs fragilisants de l’équation. Mais ce que conclut le rapport d’enquête comme le plan d’action, c’est qu’il est aussi trop facile pour les directions d’écoles de passer outre aux leviers législatifs actuels, que ce soit par manque de temps, faute de conviction ou même sous la pression d’un corporatisme malavisé.

C’est pourquoi vouloir mettre les écoles à l’abri de dérives comme celles qui ont permis l’instauration d’un climat de peur et d’intimidation à Bedford passe par un dépoussiérage législatif, défendent les deux experts. Ceux-ci prescrivent notamment l’ajout d’une clarification des concepts de culture et de religion dans la loi. Partisans d’une ligne franche, ils recommandent d’y inscrire noir sur blanc que l’école doit être préservée de toute manifestation du fait religieux, pendant et après les classes. Ils suggèrent aussi d’évaluer la possibilité d’y intégrer l’obligation de parler français dans tous les espaces susceptibles d’être fréquentés par les élèves.

Ce faisant, le duo fait preuve d’une bonne dose de courage en affirmant sans détour ce que plusieurs, y compris des intervenants en éducation, se refusent à reconnaître. À savoir que les leviers prévus dans la LIP ne suffisent plus, dans le contexte explosif de 2025, à offrir aux élèves un milieu d’apprentissage sain et sécuritaire à l’abri de toute forme d’intimidation ou de violence.

Ce plan, qui s’accompagne d’un projet pilote pour en tester les grandes lignes, compte, en plus de ses impératifs législatifs costauds, des appétits financiers qui risquent de poser de grands défis au ministre. Bernard Drainville jongle déjà avec la « discipline » prescrite par le ministre des Finances pour affronter un contexte budgétaire jugé difficile, sinon sombre. Il ne faudrait pas que cette ligne dure ait le dessus sur un dépoussiérage dont on ne devrait pas faire l’économie pour les élèves du Québec.

Source: Éditorial | Un laboratoire pour le Québec

Labeaume: Allah et le Québec – la suite

By former mayor of Quebec:

Mais pourquoi devrions-nous garder le silence sur les agissements d’enseignants et de parents maghrébins qui ont remis en question l’enseignement laïque à l’école Bedford, à Montréal ? Pour éviter de stigmatiser nos concitoyens de confession musulmane ?

Non, ce serait plutôt le contraire, nous museler laisserait justement le champ libre aux pires opportunistes pour cracher sur toute une communauté à des fins clientélistes.

Il faut justement en débattre pour mettre au clair une fois pour toutes que ces boutefeux rigides de l’école Bedford n’ont rien à voir avec l’ensemble de nos concitoyens musulmans.

Ce sont là des exceptions toxiques qui mettent en danger la notion du vivre-ensemble au Québec. Ils ne représentent en rien ce que je connais du respect des musulmans de Québec, par exemple, pour nos institutions laïques. Le mutisme affecterait tous les musulmans d’ici qui deviendront par association les premières victimes des agissements de ces éléments radicaux.

Ces derniers sont dangereux parce qu’ils tentent de créer une brèche dans le bâti de nos valeurs collectives fondamentales. Ils hypothèquent la cohésion sociale et la cohabitation interculturelle chez nous.

Dans mon ancien métier, je ne vous dis pas les fois où j’ai entendu des élus français ou belges désabusés par le fait que des quartiers entiers de villes de leur pays soient maintenant sous l’emprise d’islamistes radicaux. Et sachez qu’il ne s’agit pas là de fables urbaines.

La source de ce phénomène est justement qu’à un moment donné, on y a insidieusement remis en question des ancrages sociaux existants, et ainsi de suite. La cécité et l’inertie de certains dirigeants politiques ont permis l’accumulation de petits reculs, jusqu’à ce que la fatalité s’installe.

Et sachez que dès lors, le retour en arrière est presque impossible.

Le Québec est accueillant et généreux, et il doit le demeurer. Mais tout immigrant qui arrive chez nous doit respecter ce qui nous unit comme Québécois. On ne changera pas les règles du jeu d’une société sécularisée parce que de nouveaux joueurs s’ajoutent.

Notre nation est tolérante, mais jamais nous ne dérogerons à ce principe qu’est la laïcité dans nos institutions publiques. Jamais !

Ainsi, il n’y aura pas de place pour la naïveté dans ce débat. Il faut éliminer le germe de l’intégrisme islamique partout où il veut contaminer, et prestement. Il faut que le signal soit absolument limpide, et les décisions nécessaires, irrévocables.

Bon, le premier ministre François Legault s’est permis un raccourci sur le sujet, encore une fois, avec ces histoires de prières de musulmans sur la voie publique, mais ces fanatiques religieux lui ont offert un plat de bonbons politiques. Difficile de ne pas s’en gaver.

Et quoi qu’on en pense, il a fait mouche terriblement. Il sait que ces images nous sont détestables.

Il veut intervenir pour interdire des travers communautaristes intolérables, et il a raison, mais il faudra dénoncer toute dérive politique identitaire, s’il y a lieu. Des locataires de certains pupitres à l’Assemblée nationale pourraient être tentés de rajouter du combustible sur le feu…

Nous souhaitons qu’ils parlementent sur ce sujet éminemment sensible et complexe sans verser dans la recherche nauséeuse de grâces politiques en cassant du sucre sur le dos du musulman. Le contraire serait impardonnable.

Et j’ai le goût de demander : où est le député Haroun Bouazzi quand on a besoin de lui ?

Il s’est aussi permis du clientélisme avec ses histoires de « construction de l’autre ». Il n’avait peut-être pas complètement tort, mais il s’est payé la traite pas mal trop fort et a beurré beaucoup trop épais. Répulsif.

Il y a pour lui une occasion de rédemption dans ce dossier, la chance de faire preuve de leadership aux yeux des Québécois, qui ne l’ont pas en odeur de sainteté actuellement.

Il pourrait utiliser toutes les tribunes possibles pour répéter très explicitement qu’il condamne les tentatives de déviations religieuses à l’école Bedford, là ou ailleurs, aujourd’hui ou demain.

Rien de moins que ça, sans tenter de nous cuisiner une bouillie fadasse en l’alimentant d’autres dossiers pas rapport.

Et vous dire combien les Québécois espéreraient que d’autres voix de la communauté musulmane se fassent aussi entendre !

Et tant qu’à y être, permettez-moi de douter de l’ignorance du dossier par toute la chaîne de commandement du ministère de l’Éducation. Ça ne marche pas.

J’ai du respect pour les croyants authentiques. Avec les bêtises humaines sur cette Terre, comment blâmer quelqu’un d’espérer le nirvana ? Mais cette recherche de la félicité ne pourra jamais passer par l’utilisation de nos institutions.

Autrement, je ne crois pas avoir besoin de faire la preuve de mon affection pour nos concitoyens musulmans, particulièrement ceux de Québec.

Et oui, certaines vérités sont bonnes à dire, mais « celui qui dit la vérité est toujours insupportable, c’est connu », a soutenu l’écrivain et réalisateur québécois Roger Fournier.

Régis Labeaume, maire de la Ville de Québec 2007-21

Source: Allah et le Québec – la suite

But why should we remain silent about the actions of North African teachers and parents who have questioned secular education at Bedford School in Montreal? To avoid stigmatizing our fellow citizens of Muslim faith?

No, it would be rather the opposite, muzzling us would precisely leave the field open to the worst opportunists to spit on an entire community for clientelist purposes.

It is precisely necessary to debate it to make it clear once and for all that these rigid boutefeux of the Bedford school have nothing to do with all our Muslim fellow citizens.

These are toxic exceptions that endanger the notion of living together in Quebec. They do not represent in any way what I know of the respect of Muslims in Quebec, for example, for our secular institutions. Mutism would affect all Muslims here who will become by association the first victims of the actions of these radical elements.

They are dangerous because they try to create a breach in the construction of our core collective values. They mortgage social cohesion and intercultural cohabitation at home.

In my old job, I don’t tell you the times when I heard French or Belgian elected officials disillusioned by the fact that entire neighborhoods of cities in their country are now under the control of radical Islamists. And know that these are not urban fables.

The source of this phenomenon is precisely that at some point, existing social anchors have been insidiously questioned, and so on. The blindness and inertia of some political leaders allowed the accumulation of small setbacks, until fatality set in.

And know that from then on, going back is almost impossible.

Quebec is welcoming and generous, and it must remain so. But every immigrant who comes to us must respect what unites us as Quebecers. We will not change the rules of the game of a secularized society because new players are added.

Our nation is tolerant, but we will never derogate from this principle of secularism in our public institutions. Never!

Thus, there will be no place for naivety in this debate. The germ of Islamic sedigrism must be eliminated wherever it wants to contaminate, and quickly. The signal must be absolutely clear, and the necessary decisions must be irrevocable.

Well, Prime Minister François Legault allowed himself a shortcut on the subject, once again, with these stories of Muslim prayers on public roads, but these religious fanatics offered him a dish of political sweets. Hard not to gorge on it.

And whatever we think, he hit the bull’s eye terribly. He knows that these images are hateful to us.

He wants to intervene to prohibit intolerable communitarian faults, and he is right, but it will be necessary to denounce any identity political drift, if necessary. Tenants of some desks in the National Assembly could be tempted to add fuel to the fire…

We hope that they will parliament on this eminently sensitive and complex subject without pouring into the nauseating search for political pardons by breaking sugar on the back of the Muslim. The opposite would be unforgivable.

And I have the taste to ask: where is MP Haroun Bouazzi when we need him?

He also allowed himself clientelism with his stories of “construction of the other”. He may not have been completely wrong, but he paid for the milking a lot too hard and buttered much too thick. Repulsive.

There is for him an opportunity for redemption in this file, the chance to show leadership in the eyes of Quebecers, who do not currently smell holy.

He could use all possible tribunes to repeat very explicitly that he condemns attempts at religious deviations at the Bedford school, there or elsewhere, today or tomorrow.

Nothing less than that, without trying to cook us a fairy porridge by feeding it with other unrelated files.

And tell you how much Quebecers would hope that other voices of the Muslim community would also be heard!

And while at it, allow me to doubt the ignorance of the file by the entire chain of command of the Ministry of Education. It doesn’t work.

I have respect for authentic believers. With the human nonsense on this Earth, how to blame someone for hoping for nirvana? But this search for happiness can never go through the use of our institutions.

Otherwise, I don’t think I need to show my affection for our fellow Muslim citizens, especially those in Quebec.

And yes, some truths are good to say, but “he who tells the truth is always unbearable, it’s known,” said Quebec writer and director Roger Fournier.

Idées | 2024, une année centrale pour la laïcité de l’État

Useful overview:

Plusieurs étapes ont été franchies au cours des ans pour une laïcité de l’État au Québec. On n’a qu’à penser à la création du ministère de l’Éducation lors de la Révolution tranquille, à la déconfessionnalisation des Commissions scolaires en 2000, ou encore à la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) en 2019. Cette grande épopée n’est pas encore arrivée à terme. Voici, en rappel, quelques événements survenus en 2024.

5 février 2024. Le Bloc québécois dépose un deuxième projet de loi pour éliminer l’exception religieuse du Code criminel canadien, lorsqu’il s’agit de propagande haineuse (C-373). Le 14 juin dernier, ce projet de loi a été ajouté à l’ordre de priorité du gouvernement, mais il est toujours en attente d’une date pour être considéré en deuxième lecture.

29 février 2024. La Cour d’appel du Québec confirme la constitutionnalité de la Loi 21 et rejette ainsi le jugement de la Cour supérieure qui en avait exempté les Commissions scolaires anglophones.

21 mars 2024. La Cour supérieure autorise Droits Collectifs Québec et le Mouvement laïque québécois (MLQ) à intenter un recours en justice (via un mandamus) contre le Conseil de la magistrature du Québec pour lui enjoindre d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l’État auprès des juges. Cette cause est importante car elle concerne le droit de toute personne vivant au Québec de bénéficier d’institutions judiciaires laïques.

26 avril. Le gouvernement fédéral crée tout un émoi au Québec en indiquant, dans son budget 2024, explorer de nouvelles mesures pour élargir l’accès aux prêts hypothécaires islamiques. La Coalition avenir Québec, le Parti québécois, le Bloc québécois à Ottawa et des organisations civiles, dont le Rassemblement pour la Laïcité (RPL) montent aux créneaux pour s’opposer à cette initiative contraire aux principes de la laïcité de l’État.

29 avril. La décision de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) d’amener la Loi 21 devant la Cour suprême est vivement critiquée par des enseignants qui s’opposent à ce que leurs cotisations syndicales servent à financer ce recours juridique et réclament une véritable consultation sur cette démarche.

19 juin. L’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville autorise un groupe religieux à organiser une prière collective musulmane dans un parc, en contradiction avec son règlement qui y interdit toute cérémonie religieuse. Cette décision crée des remous puisque l’événement, réservé aux adeptes de cette religion tout en reléguant femmes et fillettes dans un espace cloisonné loin derrière les hommes, prive les citoyens de leur espace public.

9 juillet. À la demande du gouvernement du Québec et du MLQ, le juge Mahmud Jamal de la Cour suprême se retire du dossier sur la Loi 21.

Juillet. Le choix de la Ville de Montréal d’inclure une femme voilée sur le panneau de bienvenue de son hall d’entrée crée polémique. Selon le MLQ et Pour les droits des femmes du Québec, cette affiche porte atteinte à la laïcité de l’État et au droit des femmes à l’égalité. La mairesse Valérie Plante annoncera, en octobre, que cette affiche sera retirée en raison du « malaise » qu’elle suscite, mais essentiellement pour réitérer que le Québec est une société laïque.

Septembre. Les manuels du nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise, qui devaient faire la « promotion de l’État de droit laïque » dans nos écoles, comportent de sérieuses lacunes. Ils contiennent des définitions et principes de la laïcité qui ne reflètent pas les principes de la Loi 21 et ils ne s’appuient pas sur les considérants de la loi pour expliquer ses motifs.

22 octobre. À la suite de la publication du rapport de l’école Bedford, le premier ministre Legault confie aux ministres Drainville et Roberge le mandat de trouver des moyens de renforcer les contrôles et la laïcité dans les écoles du Québec. Ce rapport faisait état de plaintes et de signalements concernant des enjeux liés au non-respect d’obligations en matière de laïcité. Le PM a aussi mentionné être disposé à débattre de bonne foi de l’abolition du financement des écoles privées religieuses quoique ce ne soit pas sa priorité. Quelques jours plus tard, les ministres amorcent des vérifications dans 17 écoles du Québec.

27 novembre. Le Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne recommande de doter le Québec d’une constitution codifiée qui inclurait les lois fondamentales actuellement en vigueur, dont la Loi 21.

29 novembre. Le gouvernement du Québec demande au fédéral la fin de l’exemption religieuse inscrite au code criminel concernant la propagande haineuse, demande aussitôt appuyée par RPL et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA). Comme le dit si bien la philosophe Louise Mailloux : « cette immunité accordée aux croyants est une aberration et rien ne peut justifier que ceux-ci puissent jouir d’un pareil privilège au détriment de tous les autres citoyens ».

6 décembre. Le premier ministre Legault dit songer à légiférer pour interdire la prière dans l’espace public et à un projet de constitution pour inscrire la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes et l’intégration des immigrants en toutes lettres dans un texte fondamental.

Il n’y a pas à dire, l’année 2025 s’annonce fructueuse en discussion quant à la laïcité de l’État.

Marie-Claude Girard L’autrice est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle signe ce texte à titre personnel.

Source: Idées | 2024, une année centrale pour la laïcité de l’État

Several steps have been taken over the years for a secularism of the state in Quebec. We only have to think of the creation of the Ministry of Education during the Quiet Revolution, the deconfessionalization of School Boards in 2000, or the Law on the Secularism of the State (Law 21) in 2019. This great epic has not yet come to an end. Here are, as a reminder, some events that occurred in 2024.

February 5, 2024. The Bloc Québécois is filing a second bill to eliminate the religious exception of the Canadian Criminal Code when it comes to hate propaganda (C-373). On June 14, this bill was added to the government’s order of priority, but it is still waiting for a date to be considered in second reading.

February 29, 2024. The Quebec Court of Appeal confirms the constitutionality of Bill 21 and thus rejects the ruling of the Superior Court, which had exempted the English-speaking School Commissions.

March 21, 2024. The Superior Court authorizes Droits Collectifs Québec and the Mouvement laïque québécois (MLQ) to bring an action (via a mandamus) against the Conseil de la magistrature du Québec to order it to establish rules reflecting the requirements of the secularism of the State with judges. This cause is important because it concerns the right of any person living in Quebec to benefit from secular judicial institutions.

April 26. The federal government is creating a stir in Quebec by indicating, in its 2024 budget, to explore new measures to expand access to Islamic mortgages. The Coalition avenir Québec, the Parti québécois, the Bloc québécois à Ottawa and civil organizations, including the Rassemblement pour la Laïcité (RPL), are stepping up to oppose this initiative contrary to the principles of state secularism.

April 29. The decision of the Fédération autonome de l’enseignement (FAE) to bring Bill 21 before the Supreme Court is strongly criticized by teachers who oppose their union dues being used to finance this legal recourse and call for a real consultation on this approach.

June 19. The borough of Ahuntsic-Cartierville authorizes a religious group to organize a collective Muslim prayer in a park, in contradiction with its regulations that prohibit any religious ceremony. This decision creates a stir since the event, reserved for followers of this religion while relegating women and girls to a compartmentalized space far behind men, depriving citizens of their public space.

July 9th. At the request of the Government of Quebec and the MLQ, Justice Mahmud Jamal of the Supreme Court withdrew from the Bill 21 file.

July. The City of Montreal’s choice to include a veiled woman on the welcome sign in its entrance hall creates controversy. According to the MLQ and Pour les droits des femmes du Québec, this poster violates the secularism of the state and the right of women to equality. Mayor Valérie Plante will announce in October that this poster will be removed because of the “unease” it causes, but mainly to reiterate that Quebec is a secular society.

September. The manuals of the new Quebec Culture and Citizenship program, which were supposed to “promote the secular rule of law” in our schools, have serious shortcomings. They contain definitions and principles of secularism that do not reflect the principles of Bill 21 and they do not rely on the recitals of the Act to explain its reasons.

October 22. Following the publication of the Bedford School report, Prime Minister Legault entrusted Ministers Drainville and Roberge with the mandate to find ways to strengthen controls and secularism in Quebec schools. This report reported on complaints and reports regarding issues related to non-compliance with secular obligations. The PM also mentioned that he was willing to debate in good faith the abolition of the funding of private religious schools whatever was not his priority. A few days later, the ministers began checks in 17 schools in Quebec.

November 27. The Advisory Committee on the Constitutional Issues of Quebec within the Canadian Federation recommends that Quebec be given a codified constitution that would include the fundamental laws currently in force, including Bill 21.

November 29. The government of Quebec asks the federal government to end the religious exemption inscribed in the criminal code concerning hate propaganda, immediately supported by RPL and the Advisory Center for Jewish and Israeli Relations (CIJA). As the philosopher Louise Mailloux says so well: “this immunity granted to believers is an aberration and nothing can justify that they can enjoy such a privilege at the expense of all other citizens”.

December 6th. Prime Minister Legault said he was thinking of legislating to prohibit prayer in public space and a draft constitution to include secularism, equality between women and men and the integration of immigrants in full in a fundamental text.

There is no need to say, the year 2025 promises to be fruitful in discussion about the secularism of the State.

Marie-Claude Girard The author is retired from the Canadian Commission on Human Rights. She signs this text in a personal capacity.

Idées | Islamophobie ou islamocécité?

Useful distinction from secularists:

Un comité de la Chambre des communes recommande que les cégeps et les universités augmentent la représentation des professeurs musulmans pour lutter contre l’islamophobie. Cette suggestion fait écho à celle d’Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie. En septembre dernier, son appel avait suscité une vive réaction au Québec, et l’Assemblée nationale avait réclamé sa démission, tout comme elle l’avait fait en janvier 2023 en raison de propos jugés offensants envers les Québécois à la suite de l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État.

Bien que cette mesure s’inscrive dans une démarche de discrimination positive, il convient de se demander si cette discrimination, même qualifiée de « positive », est véritablement bénéfique.

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël en octobre 2023 et la contre-offensive des troupes israéliennes dans la bande de Gaza qui se poursuit depuis, l’antisémitisme est, de façon flagrante, la forme de racisme la plus visible au pays, selon les plus récents chiffres publiés par Statistique Canada. Bien qu’ils ne représentent que 1 % de la population canadienne, les juifs ont été victimes de 70 % de tous les actes criminels haineux fondés sur la religion.

Si l’on peut compatir à la cause palestinienne, il n’en reste pas moins que cette communauté est marginale au Canada, tandis que la diaspora juive, enracinée depuis des siècles, est au cœur de notre histoire. Dans ce contexte, une représentante spéciale pour lutter contre l’antisémitisme ne serait-elle pas plus pertinente, direz-vous ?

Il appert qu’il y en a une depuis 2020. C’est Deborah Lyons qui occupe présentement le poste d’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Mais d’elle, on a eu très peu d’écho.

Plus largement, nous suggérons qu’aucun poste officiel ne soit associé à une minorité particulière, afin d’éviter une fragmentation accrue de notre société.

Il est également crucial de rappeler que la religion n’est pas une race. Tandis que la foi, souvent héritée dans l’enfance, peut évoluer ou être abandonnée, la race est immuable et n’est pas sujette à choix ou à transformation. Assimiler l’islamophobie à une forme de racisme revient donc à confondre deux concepts fondamentalement différents.

Par ailleurs, si les Nations unies et la plupart des gouvernements occidentaux, y compris canadien et français, considèrent que l’islamophobie se définit par la peur, les préjugés et la haine envers l’islam et les musulmans, nous observons qu’elle cible d’abord les islamistes, ce qui est une distinction essentielle pour éviter tout amalgame.

Plusieurs figures musulmanes influentes au Canada, telles que Nadia El-Mabrouk, Ensaf Haidar et, plus récemment, Fatima Aboubakr, dénoncent d’ailleurs vigoureusement les dérives islamistes. Enfin, exprimer des préoccupations quant à une religion, en particulier quant à ses variantes intégristes, ne relève aucunement d’une « phobie ». Bien au contraire, il s’agit d’une attitude rationnelle, fondée sur une vigilance légitime et parfois salutaire.

S’il est rarement acceptable de s’en prendre à des individus, critiquer des idées ou des comportements reste légitime. Les récents actes de vandalisme commis par des groupes islamistes lors de manifestations propalestiniennes vont à l’encontre des valeurs pacifiques qui définissent le Canada. De plus, des professeurs ont été suspendus au Québec pour avoir promu des enseignements contraires aux principes de laïcité. Les prières dans des lieux publics, un autre exemple de pratique controversée, suscitent également des mesures correctives de la part du gouvernement québécois.

Le premier ministre Trudeau n’en est pas à un paradoxe près. D’une part, il se positionne comme un ardent défenseur des droits LGBTQ+ et de l’égalité des sexes. D’autre part, il s’allie régulièrement à des figures dont les discours et pratiques sont ouvertement contraires à ces valeurs fondamentales. Alors que le discours haineux est interdit au Canada, l’article 319 (3) b du Code criminel offre une exemption troublante : un discours homophobe ou sexiste peut être permis s’il s’appuie sur des motifs religieux. Cette exception, critiquée à plusieurs reprises par le ministre québécois de la Justice, révèle une contradiction profonde dans l’application des principes d’égalité et de justice.

En fin de compte, le problème du Canada ne réside pas tant dans l’islamophobie que dans l’islamocécité : une cécité volontaire et complaisante face aux dérives islamistes, qui fragilise nos principes démocratiques et compromet la défense de nos valeurs fondamentales. Refuser de confronter ces enjeux, c’est accepter de sacrifier les acquis de la liberté, de l’égalité et de la justice sur l’autel du multiculturalisme.

Romain Gagnon, David Rand, Andréa Richard, Normand Baillargeon, Francois Dugré et Michel Virard Les auteurs sont respectivement administrateur des Sceptiques du Québec et auteur d’«Et l’homme créa Dieu à son image»; président des Libres penseurs athées et auteur d’«Un simulacre de laïcité»; lauréate du prix Condorcet-Dessaulles et autrice d’«Au-delà de la religion»; membre émérite du Conseil de l’Ordre de l’excellence en éducation du Québec et auteur de «Le Québec en quête de laïcité»; administrateur du Rassemblement pour la laïcité; président de l’Association humaniste du Québec.

Source: Idées | Islamophobie ou islamocécité?

A House of Commons committee recommends that CEGEPs and universities increase the representation of Muslim professors to fight Islamophobia. This suggestion echoes that of Amira Elghawaby, Canada’s special representative for the fight against Islamophobia. Last September, her appeal aroused a strong reaction in Quebec, and the National Assembly called for her resignation, just as it did in January 2023 because of remarks deemed offensive to Quebecers following the adoption of the Act on the Secularism of the State.

Although this measure is part of a positive discrimination approach, it is important to ask whether this discrimination, even described as “positive”, is truly beneficial.

Since Hamas’ attack on Israel in October 2023 and the Israeli troops’ counter-offensive in the Gaza Strip that has continued since, anti-Semitism has been blatantly the most visible form of racism in the country, according to the most recent figures published by Statistics Canada. Although they represent only 1% of the Canadian population, Jews have been victims of 70% of all hate crimes based on religion.

While we can sympathize with the Palestinian cause, the fact remains that this community is marginal in Canada, while the Jewish diaspora, rooted for centuries, is at the heart of our history. In this context, wouldn’t a special representative to fight anti-Semitism be more relevant, you would say?

It appears that there has been one since 2020. Deborah Lyons currently holds the position of special envoy for the preservation of Holocaust memory and the fight against anti-Semitism. But from her, we had very little echo.

More broadly, we suggest that no official position be associated with a particular minority, in order to avoid increased fragmentation of our society.

It is also crucial to remember that religion is not a race. While faith, often inherited in childhood, can evolve or be abandoned, race is immutable and is not subject to choice or transformation. Assimilating Islamophobia to a form of racism therefore amounts to confusing two fundamentally different concepts.

Moreover, while the United Nations and most Western governments, including Canadian and French, consider Islamophobia to be defined by fear, prejudice and hatred towards Islam and Muslims, we observe that it targets Islamists in the first place, which is an essential distinction to avoid any amalgamation.

Several influential Muslim figures in Canada, such as Nadia El-Mabrouk, Ensaf Haidar and, more recently, Fatima Aboubakr, vigorously denounce Islamist excesses. Finally, expressing concerns about a religion, especially about its fundamentalist variants, is in no way a “phobia”. On the contrary, it is a rational attitude, based on legitimate and sometimes salutary vigilance.

If it is rarely acceptable to attack individuals, criticizing ideas or behaviors remains legitimate. The recent acts of vandalism committed by Islamist groups during pro-Palestinian demonstrations go against the peaceful values that define Canada. In addition, professors have been suspended in Quebec for promoting teaching contrary to the principles of secularism. Prayers in public places, another example of a controversial practice, also give rise to corrective measures by the Quebec government.

Prime Minister Trudeau is not at a paradox. On the one hand, he positions himself as an ardent defender of LGBTQ+ rights and gender equality. On the other hand, he regularly allies himself with figures whose speeches and practices are openly contrary to these fundamental values. While hate speech is prohibited in Canada, section 319 (3) b of the Criminal Code offers a disturbing exemption: homophobic or sexist speech may be allowed if it is based on religious motives. This exception, repeatedly criticized by the Quebec Minister of Justice, reveals a profound contradiction in the application of the principles of equality and justice.

In the end, Canada’s problem lies not so much in Islamophobia as in Islamoblindness: a voluntary and complacent blindness in the face of Islamist excesses, which weakens our democratic principles and compromises the defense of our fundamental values. To refuse to confront these issues is to accept to sacrifice the achievements of freedom, equality and justice on the altar of multiculturalism.

Idées | Les leçons de l’expérience française sur la laïcité à l’école et la limite des lois

Thoughtful discussion and recognition that coercive measures are ineffective in improving the “vivre ensemble”

Maintenant que 17 établissements scolaires font déjà l’objet d’enquêtes pour de possibles manquements à la laïcité et que l’école Saint-Maxime de Laval fait les manchettes, les enjeux entourant la laïcité détonnent de plus belle. Un rapport détaillé sur ces cas est attendu en janvier.

Cette situation soulève des questions fondamentales sur l’application de la laïcité, une valeur profondément ancrée en France, mais aussi au Québec. Présentée comme garante de la neutralité de l’État face aux religions et protectrice des libertés individuelles, la laïcité, lorsqu’elle se traduit en législation scolaire restrictive, peut devenir une source de divisions plutôt qu’un facteur de cohésion. La France, pionnière dans la mise en œuvre de telles politiques depuis la fin des années 1980, offre un exemple clé pour l’analyse de leurs effets sur le climat scolaire et les relations interculturelles.

Des restrictions qui n’améliorent pas le respect de la laïcité

L’un des principaux arguments avancés pour ces lois est qu’elles renforceraient la laïcité en garantissant un espace neutre où toutes les croyances sont respectées. Cependant, en interdisant certaines pratiques religieuses, cette législation donne souvent l’impression de cibler des communautés spécifiques, ce qui crée un sentiment de stigmatisation et de discrimination.

En France, les lois sur la laïcité ont principalement affecté les jeunes filles musulmanes portant le hidjab. Ce ciblage a donné lieu à des accusations de traitement inégal et à des débats sur l’incompatibilité supposée entre l’islam et les valeurs dites « républicaines ». Or, la laïcité, idéalement, ne devrait ni exclure ni contraindre, mais offrir à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire. Les restrictions imposées par les lois sur les signes religieux dans les écoles publiques compromettent cet équilibre en associant la laïcité à un outil coercitif plutôt qu’à un cadre émancipateur.

Un climat scolaire exacerbé par les tensions

Loin d’apaiser les tensions dans les établissements scolaires, les lois restrictives tendent à les exacerber. Dans l’affaire de Creil et dans les années qui ont suivi, de nombreux cas similaires ont mis en lumière l’instrumentalisation des écoles comme champ de bataille idéologique. Cela détourne les enseignants et les élèves de leur mission première : apprendre et grandir ensemble.

Des études menées en France montrent que l’application de la loi de 2004 a conduit à une augmentation des conflits dans les établissements touchés. Comme l’avait souligné la chercheuse Françoise Lorcerie en 2008, la législation prohibitive ne fait qu’accroître les tensions, souvent accompagnées d’une spirale médiatique et politique. Ce type d’escalade installe rarement le climat propice à la discussion de ce genre d’enjeu, comme la France a pu le voir lors de la commission Stasi, qui a mené aux lois prohibitives de 2004. La surreprésentation du camp prohibitionniste dans les médias fut soulevée dans la recherche (Thomas, 2008).

Ces lois ont également renforcé un climat de suspicion envers les élèves issus de minorités et fait en sorte que les professeurs se sentent parfois pris dans un rôle de police des comportements religieux. Ce type d’interventions n’encourage ni la compréhension mutuelle ni l’intégration, mais peut au contraire favoriser un repli identitaire chez les jeunes concernés.

Des relations interculturelles mises en péril

Une des promesses implicites de ces lois est qu’elles favoriseraient l’intégration des élèves dans la société laïque. Pourtant, l’effet inverse semble souvent se produire. Les interdictions rigides de pratiques religieuses, même dans un cadre scolaire, peuvent être perçues comme une négation de l’identité culturelle et spirituelle des élèves concernés.

En France, l’application de ces lois a parfois contribué à marginaliser des groupes minoritaires, alimentant un sentiment de rejet et une méfiance accrue envers les institutions publiques. Dans ce contexte, les établissements scolaires, qui devraient être des lieux de dialogue interculturel et de formation citoyenne, risquent de devenir des espaces de division.

Au-delà des murs de l’école, ces lois ont également un impact sur la perception des valeurs d’accueil dans la société. Plutôt que de renforcer une laïcité apaisée, elles alimentent le discours de l’exclusion et du « nous contre eux ». Les jeunes issus de ces minorités religieuses font ainsi face à un dilemme : renoncer à une partie de leur identité pour se conformer, ou résister, au risque de se voir rejetés davantage.

Pour une approche équilibrée de la laïcité

L’exemple français devrait servir de mise en garde pour le Québec envisageant de légiférer dans le même sens. Si l’objectif est de promouvoir la laïcité et le vivre-ensemble, des mesures coercitives ne sont pas la solution. La laïcité doit être perçue comme une valeur d’union et de respect mutuel, et non comme un instrument de contrôle ou d’assimilation forcée.

En fin de compte, les écoles devraient être des lieux où les enfants apprennent à vivre ensemble dans la diversité, et non des arènes de conflits idéologiques. Loin de résoudre les problèmes auxquels elles prétendent s’attaquer, les lois restrictives sur la laïcité risquent de creuser les fractures qu’elles cherchent à combler. L’expérience française, marquée par des décennies de controverses sur le sujet, montre qu’une approche plus nuancée et inclusive à la québécoise est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire pour bâtir une société véritablement respectueuse des différences.

Source: Idées | Les leçons de l’expérience française sur la laïcité à l’école et la limite des lois

Now that 17 schools are already being investigated for possible breaches of secularism and the Saint-Maxime de Laval school is making headlines, the issues surrounding secularism are more in tune. A detailed report on these cases is expected in January.

This situation raises fundamental questions about the application of secularism, a value deeply rooted in France, but also in Quebec. Presented as a guarantor of the neutrality of the State in the face of religions and a protector of individual freedoms, secularism, when it translates into restrictive school legislation, can become a source of division rather than a factor of cohesion. France, a pioneer in the implementation of such policies since the late 1980s, offers a key example for the analysis of their effects on the school climate and intercultural relations.

Restrictions that do not improve respect for secularism

One of the main arguments put forward for these laws is that they would strengthen secularism by guaranteeing a neutral space where all beliefs are respected. However, by prohibiting certain religious practices, this legislation often gives the impression of targeting specific communities, which creates a sense of stigmatization and discrimination.

In France, the laws on secularism have mainly affected young Muslim girls wearing the hijab. This targeting has given rise to accusations of unequal treatment and debates about the supposed incompatibility between Islam and so-called “republican” values. However, secularism, ideally, should neither exclude nor constrain, but offer everyone the freedom to believe or not to believe. The restrictions imposed by the laws on religious signs in public schools compromise this balance by associating secularism with a coercive tool rather than an emancipatory framework.

A school climate exacerbated by tensions

Far from easing tensions in schools, restrictive laws tend to exacerbate them. In the Creil case and in the years that followed, many similar cases highlighted the instrumentalization of schools as an ideological battlefield. This distracts teachers and students from their primary mission: to learn and grow together.

Studies conducted in France show that the application of the 2004 law has led to an increase in conflicts in affected institutions. As researcher Françoise Lorcerie pointed out in 2008, prohibitive legislation only increases tensions, often accompanied by a media and political spiral. This type of escalation rarely sets the climate conducive to the discussion of this kind of issue, as France was able to see during the Stasi commission, which led to the prohibitive laws of 2004. The overrepresentation of the prohibitionist camp in the media was raised in the research (Thomas, 2008).

These laws have also reinforced a climate of suspicion towards students from minorities and ensured that teachers sometimes feel caught in a role of police of religious behavior. This type of intervention does not encourage mutual understanding or integration, but can on the contrary promote an identity retreat among the young people concerned.

Intercultural relationships at risk

One of the implicit promises of these laws is that they would promote the integration of students into secular society. However, the opposite effect often seems to occur. Rigid prohibitions of religious practices, even in a school setting, can be perceived as a negation of the cultural and spiritual identity of the students concerned.

In France, the application of these laws has sometimes contributed to marginalizing minority groups, fueling a feeling of rejection and increased distrust of public institutions. In this context, schools, which should be places of intercultural dialogue and civic education, risk becoming spaces of division.

Beyond the walls of the school, these laws also have an impact on the perception of welcoming values in society. Rather than strengthening a peaceful secularism, they feed the discourse of exclusion and “we against them”. Young people from these religious minorities thus face a dilemma: giving up part of their identity to conform, or resist, at the risk of being further rejected.

For a balanced approach to secularism

The French example should serve as a warning for Quebec considering legislating in the same direction. If the objective is to promote secularism and living together, coercive measures are not the solution. Secularism should be perceived as a value of union and mutual respect, and not as an instrument of control or forced assimilation.

At the end of the day, schools should be places where children learn to live together in diversity, not arenas of ideological conflicts. Far from solving the problems they claim to tackle, restrictive laws on secularism risk deepening the fractures they seek to fill. The French experience, marked by decades of controversy on the subject, shows that a more nuanced and inclusive Quebec approach is not only desirable, but also necessary to build a society that truly respects differences.

Khan: Montreal’s hijab decision shows how institutions fail to protect Muslim women 

Largely gets it right but laïcité affects other religions and religious “headgear” as well (e.g., Sikhs, Jews). Most advertising these days features ethnic diversity but less so with respect to religious diversity:

Oct. 27 marked the beginning of a hebdomadis horribilis for Muslim women in Canada, as they learned they could not depend on civil institutions to include and protect them.

Let’s begin in Montreal. Appearing on the current affairs show Tout le Monde en Parle, Montreal Mayor Valérie Plante was asked about a pencil-sketch poster featuring a hijab-clad woman standing between two men. The sign says “Welcome to city hall.” Some had expressed discomfort with the sign for showing religious garb in a municipal building. Ms. Plante acknowledged the discomfort, reiterated the laïque (lay) nature of city hall, and stated that the sign would be removed.

The Mayor’s message was clear: all people are welcome at City Hall, except if you wear a hijab. This hits deep. I arrived in Montreal at the age of three from India. I experienced first-hand the openness, inclusivity and vibrancy of a special city, which allowed me to thrive in the dynamism of a francophone culture. The decision to remove a welcome sign because it features a woman in hijab goes against everything I know and love about Montreal.

This issue is part of a larger debate in Quebec about laïcité, which is distinct from secularism. The latter has its roots in Anglo-Saxon philosophy, where the individual has inalienable rights free from state intrusion. The former has roots in the views of philosopher Jean-Jacques Rousseau, where the individual obtains freedom through the state. In secularism, the state cannot favour any one religion; in laïcité, it cannot be seen as promoting any religion. During the Quiet Revolution, Quebec society methodically removed the hegemonic influence of the Catholic Church, which was seen as particularly detrimental to women. As Quebec lurches toward institutional laïcité today, it seems unbothered that just as the Catholic Church refused to uphold, let alone acknowledge, the personal agency of women, so too does laïcité. For the target of this debate in Quebec over the past two decades has been women in hijab….

Source: Montreal’s hijab decision shows how institutions fail to protect Muslim women

Libre opinion | Bedford, la laïcité et le refus du silence mou

Of note:

Je suis nouvellement enseignant de français de 1re secondaire dans une école dont la population (tant d’élèves que d’enseignants) est à 90 % arabo-musulmane.

Je gérais récemment une crise avec ma direction d’école pour (1) avoir utilisé en classe à plusieurs reprises le mot en n (dans un contexte où un de mes élèves noirs l’avait lui-même d’abord utilisé, piégeant un de ses pairs en le lui faisant répéter pour mieux l’en accuser ensuite, et pour expliquer la différence entre citer et insulter), et (2) avoir fait mon coming out en classe (en saisissant une occasion qui m’était offerte de conscientiser mes élèves à cette réalité par mon exemple).

Dans la même conversation avec la direction, j’ai indiqué que, par intérêt et curiosité envers mes élèves et mes collègues, depuis mon embauche, j’avais commencé à lire le Coran.

La direction, déjà plutôt froide, s’est refroidie encore plus. On a dit ne pas vouloir devenir un deuxième Bedford, que l’école était laïque et qu’on n’y parlait pas de religion. Je suis resté bouche bée. On n’y parle pas de religion, mais la plupart des filles y portent le voile ; on n’y parle pas de religion, mais la plupart des garçons trop bavards s’y lancent des Inchallah ! d’un bout à l’autre de la classe ; on n’y parle pas de religion, mais quand on y a posé des pancartes contre l’homophobie, la transphobie, etc., elles ont été enlevées massivement, tant par le personnel que par les élèves.

Bref, si on n’y parle pas de religion, on ne fait pas grand-chose contre ses manifestations — des plus inoffensives aux plus nocives. C’est ce que fait le silence mou.

Je suis resté bouche bée parce que ce qui était impliqué, c’est que moi, le gai militant, je risquais d’imposer l’islamisme à mes élèves et dans mon école. Laissez-moi rire ! Quand j’étais à la Commission de la relève de la Coalition avenir Québec, je scandalisais plutôt par mon hyperlaïcité en proposant que la toponymie québécoise (noms de villes, de rues, etc.) soit débarrassée de ses « Saint » et de ses « Sainte ».

Ce que j’ai dit à la direction, après être resté bouche bée une demi-seconde, c’est que la laïcité ne consiste pas à nier l’existence de la religion, mais à chercher à ce que son emprise sur les décisions — politiques surtout, mais personnelles aussi — diminue de plus en plus. C’est une des missions que je me suis données comme enseignant, moi qui mets sur un pied d’égalité, dans mes échanges avec la classe, les mythes juifs, les mythes chrétiens, les mythes musulmans, etc.

Voilà ce qui arrive quand on se contente de s’efforcer de ne pas parler des choses : on a une réaction épidermique au nom d’une chose, sans comprendre ce qu’elle est au fond. C’est du fétichisme, c’est du totémisme, c’est de l’animisme. Les mots ne sont rien ; les choses sont tout. Craignez moins les mots et plus les choses. Parce qu’éviter de parler de religion est le meilleur moyen de faire le lit de l’intégrisme religieux.

Source: Libre opinion | Bedford, la laïcité et le refus du silence mou

I am a new 1st secondary French teacher in a school whose population (both students and teachers) is 90% Arab-Muslim.

I was recently managing a crisis with my school management for (1) having used the n-word several times in class (in a context where one of my black students had first used it himself, trapping one of his peers by making him repeat it to better accuse him then, and to explain the difference between quoting and insulting), and (2) having made my come out in class (by seizing an opportunity offered to me to make my students aware of this reality by my example).

In the same conversation with management, I indicated that, out of interest and curiosity towards my students and colleagues, since my hiring, I had started reading the Koran.

The direction, already rather cold, cooled even more. We said we didn’t want to become a second Bedford, that the school was secular and that we didn’t talk about religion. I was left speechless. We don’t talk about religion, but most girls wear the veil there; we don’t talk about religion, but most of the boys who are too talkative go into it inchallah! From one end of the class to the other; we do not talk about religion, but when we put up signs against homophobia, transphobia, etc., they were massively removed, both by staff and students.

In short, if we don’t talk about religion, we don’t do much about its manifestations – from the most harmless to the most harmful. This is what soft silence does.

I was left speechless because what was involved was that I, the gay activist, risked imposing Islamism on my students and in my school. Let me laugh! When I was in the Commission de la relève de la Coalition avenir Québec, I was rather scandalized by my hypersecularism by proposing that Quebec toponymy (names of cities, streets, etc.) be cleared of its “Saints” and “Saints”.

What I told the management, after remaining open-mouthed for half a second, was that secularism does not consist of denying the existence of religion, but in seeking that its grip on decisions – especially political, but also personal – decreases more and more. This is one of the missions I have given myself as a teacher, I who put on an equal footing, in my exchanges with the class, Jewish myths, Christian myths, Muslim myths, etc.

This is what happens when you just try not to talk about things: you have an epidermal reaction to the name of a thing, without understanding what it is basically. It’s fetishism, it’s totemism, it’s animism. Words are nothing; things are everything. Fear less words and more things. Because avoiding talking about religion is the best way to make the bed of religious indegrism.

ICYMI: Lisée | Le défroqué de la laïcité

More on laïcité and the Bedford school teachers imposing Islamic indoctrination and government funding of religious schools:

François Legault avait une décision lourde de sens à prendre cette semaine. Son parti allait-il garder le flambeau de la laïcité, dans la foulée de l’adoption il y a cinq ans de la loi sur ce sujet, ou allait-il signifier aux Québécois que sa soif de laïcisation était étanchée et qu’il n’irait pas plus loin ?

L’occasion est belle. Le Québec de 2024 continue à financer une cinquantaine d’écoles primaires et secondaires qui offrent, entre les mathématiques et le français, des cours où la religion — une religion, la bonne, évidemment — est inculquée aux enfants. Les traités internationaux protègent le droit des parents d’envoyer leurs enfants dans une école religieuse. Rien n’oblige cependant les États à les financer. Elles ne peuvent cependant ouvrir, au Québec, que si elles obtiennent une homologation, démontrant qu’elles offrent correctement le curriculum normal, avec des professeurs qualifiés, en plus de leur enseignement religieux. C’est pourquoi des écoles hassidiques à Montréal, ou une école catholique intégriste à Lévis, par exemple, font l’objet d’enquêtes et, parfois, de sanctions.

Dans la foulée du scandale de l’école Bedford, une école publique, donc laïque, qui, pendant sept ans, fut la cible d’entrisme religieux, le Parti québécois a présenté une motion offrant de franchir un nouveau pas dans la sécularisation de la nation : mettre fin aux subventions aux écoles privées religieuses. Que dit le ministère québécois de l’Éducation sur l’ampleur du phénomène ? Rien du tout. Il n’en tient pas le compte. Le dernier relevé crédible fut produit l’an dernier par la journaliste radio-canadienne Laurence Niosi : c’est à hauteur de 60 % que sont financées, selon son décompte, 27 écoles catholiques, 14 écoles juives, 4 écoles musulmanes, 2 écoles protestantes évangéliques, 2 écoles arméniennes et 1 école grecque orthodoxe. Pour un coût de 161 millions de dollars par an.

On savait Québec solidaire partant, depuis sa création, pour cette étape de la laïcisation. Le Parti libéral du Québec, lui, était réticent. Mais il a saisi l’occasion et a déclaré jeudi : « On est rendus là. » Il y aurait du Marwah Rizqy dans cette évolution que je ne serais pas surpris. Restait la Coalition avenir Québec (CAQ). Pensez-vous un instant qu’en leur for intérieur, Bernard Drainville et Jean-François Roberge, pour ne nommer qu’eux, souhaitent retarder le groupe ? À l’interne, à la CAQ, une source explique qu’on en a déjà assez sur le dos avec les cas comme ceux de Bedford, qu’on n’a pas un vrai portrait de la situation de ces autres écoles, qu’on ne veut pas ouvrir le débat plus large sur l’école à trois vitesses et que, si elles enseignent correctement le curriculum, pourquoi en vouloir aux écoles religieuses visées par la motion ?…

Source: Lisée | Le défroqué de la laïcité