Le malentendu sur l’impact économique de l’immigration

A relatively rare article on Quebec immigration that focuses more on the economics than the existential jurisdictional issues, and one that counters many of the false arguments in favour of ongoing increases in immigration levels:

Du point de vue économique, l’immigration n’est pas la catastrophe que certains prétendent ni la panacée que d’autres espèrent, préviennent des experts. En fait, disent-ils, elle aurait finalement assez peu d’impacts sur l’économie en général et sur la pénurie de main-d’œuvre en particulier.

François Legault a soulevé un tollé cette semaine en déclarant que si le Québec n’obtenait pas plus de pouvoirs d’Ottawa en immigration, il risquait le même sort que la Louisiane en matière de défense du français. Il a également fermé la porte à l’idée d’augmenter le seuil annuel d’immigration de 50 000 à 58 000. « On pense qu’on a atteint la capacité d’intégration », a déclaré le premier ministre.

En fait, le Québec accueille déjà bien plus d’immigrants que cela chaque année, a rappelé l’Institut du Québec dans une étude mercredi. Si on tient compte de l’immigration temporaire, on parlait même d’un gain record de presque 93 500 nouveaux arrivants en 2019. Or, les besoins de main-d’œuvre sont tellement grands au Québec que cela n’a pas empêché, au fil des ans, une amélioration spectaculaire de l’intégration économique des immigrants reçus. Elle se voit notamment par le recul marqué de leur retard en matière de taux d’emploi et de rémunération par rapport aux autres travailleurs.

Ces faits montrent bien l’ampleur des besoins de l’économie québécoise, qui est aux prises avec un vieillissement marqué de la population, avait fait valoir le mois dernier le Conseil du patronat dans un livre blanc sur l’immigration. « Nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, mais nous ne nous donnons pas toutes les chances de la surmonter », avait déclaré son président et chef de la direction, Karl Blackburn, avant d’en appeler notamment au rehaussement des seuils d’immigration permanente « à au moins 80 000 personnes par année pour les quatre prochaines années ».

Impact modeste

Tous ces débats tendent à exagérer l’impact de l’immigration sur l’économie en général et sur la pénurie de main-d’œuvre en particulier, observe l’économiste émérite de l’Université du Québec à Montréal Pierre Fortin dans un mémoire d’une quarantaine de pages réalisé à la demande du ministère de l’Immigration du Québec.

Se basant sur des synthèses de la recherche ainsi que sur de nouvelles analyses de son cru, il constate d’abord qu’il « n’existe aucune preuve scientifique que la croissance du niveau de vie des Canadiens réagirait positivement (ou négativement) à une expansion accélérée de l’immigration ». C’est que ce niveau de vie ne dépend pas seulement de l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) que génère mécaniquement une hausse du nombre de travailleurs, mais aussi de l’augmentation du PIB par habitant. Or, la taille de la population et le poids qu’y occupe l’immigration ont, à terme, une influence nulle sur la croissance de cette richesse par habitant.

L’immigration n’a pas non plus la capacité d’altérer substantiellement l’actuel vieillissement de la population canadienne, dit Pierre Fortin, citant une étude de l’Institut C.D. Howe. D’abord parce que les immigrants finissent eux aussi par vieillir, comme tout le monde, et aussi parce qu’ils font souvent venir leurs parents auprès d’eux. En fait, pour stopper la hausse constante de la proportion des 65 ans et plus dans la population, avait estimé C.D. Howe, il faudrait tripler les cibles annuelles d’immigration au Canada pour 2024, en les faisant passer de 451 000 à 1,4 million de personnes.

Enfin, si l’accueil de travailleurs étrangers peut répondre aux besoins urgents et particuliers de certaines entreprises, l’immigration, en général, ne peut avoir qu’un effet globalement modeste sur le problème de pénurie de main-d’œuvre, ont constaté des experts. C’est que les immigrants qui viennent occuper des postes vacants deviennent aussi des consommateurs et finissent, « à l’autre bout du circuit économique », par stimuler la demande de travailleurs en retour.

Au-delà de l’économie

Et il n’y a pas que des considérations économiques, bien sûr, souligne Pierre Fortin. Il faut aussi tenir compte du poids démographique du Québec dans le Canada, de la défense du fait français et du risque de dérapage xénophobe.

« Cela dit, l’immigration doit progresser. Elle est une formidable source de renouvellement et de progrès culturel et humain. Elle rend possible une société plus diversifiée, dynamique et ouverte au monde. Elle est notre contribution au combat mondial contre les inégalités de revenu et de richesse », conclut néanmoins l’économiste dans son mémoire. « Mais il faut comprendre que l’immigration optimale n’est pas l’immigration maximale. »

Source: Le malentendu sur l’impact économique de l’immigration

Roy: Pour une politique québécoise de la population

Similar call for a commission of enquiry, but broader than just immigration. A pan-Canadian enquiry, covering both national and regional perspectives and issues, would provide a better basis for policy debates and discussions current governmental approaches:

On aura beau actionner tous les recyclages, et on doit le faire, la société québécoise est et sera aux prises avec un manque de main-d’œuvre chronique aussi loin que l’on puisse voir dans l’avenir. Près de 100 % des entreprises québécoises font face présentement à un manque de main-d’œuvre, et la situation n’est pas meilleure dans le secteur public. Se pourrait-il que le manque de main-d’œuvre actuel annonce, pour demain, un déficit de la quantité de citoyens requis pour un développement interne harmonieux et un rayonnement externe dont le Québec a besoin pour la vitalité de son économie et de sa culture ?

Manque de citoyens ?

La question doit être posée.

Il est inexact de prétendre que la pénurie de main-d’œuvre est du même ordre au Québec qu’ailleurs dans le monde, et notamment en Amérique du Nord. La différence se situe dans la croissance démographique attendue d’ici 2050 ; plus 60, 20, 9 et 5 millions de citoyens respectivement pour les États-Unis, le Mexique, le Canada et l’Ontario comparativement à un peu plus d’un demi-million pour le Québec. En 2045, la population de l’Ontario totalisera 20 millions de personnes, celle du Québec, un peu moins de 10 millions.

Nos voisins et principaux partenaires économiques disposeront de réserves pour le renouvellement et l’enrichissement de leur main-d’œuvre. Tel ne sera pas le cas pour le Québec. Faut-il prendre acte sans plus ou pousser plus loin l’analyse relative à notre avenir démographique ? Le temps est-il venu de créer une commission d’enquête comme on l’a fait, dans le passé et, avec succès, quand il nous a fallu éclairer notre avenir en matière d’éducation, de santé et de bien-être social, de politique linguistique, de relation entre les Autochtones et certains services publics, de liberté syndicale, etc.

Besoins démographiques

Le mandat de cette commission pourrait comprendre les sujets suivants : (1) l’analyse des besoins démographiques du Québec d’ici le milieu du siècle. Seraient pris en compte le vieillissement accéléré de sa population et la baisse continue de la population en âge de travailler conjugués au besoin de produire biens et services économiques, écologiques, sociaux et culturels ; (2) l’analyse des besoins démographiques des régions, de chacune d’elles, dont le développement ne se fera pas sans une masse critique de citoyens ; (3) l’évaluation de la part escomptée des technologies avancées dans la production économique, écologique, sociale et culturelle québécoise pour assurer le maintien voire la croissance du taux d’activité dans les prochaines décennies ; (4) l’analyse de la politique d’immigration comprenant le solde migratoire interprovincial négatif du Québec depuis trente ans ; l’examen des causes du départ des immigrants venus au Québec après les dix-huit premiers mois de leur arrivée et la révision de nos systèmes d’accueil, y compris l’offre de francisation qui doit devenir, en quantité et en qualité, l’une de nos politiques les plus avancées. (5) Enfin, l’analyse des effets politiques prévisibles d’une croissance démographique basse, moyenne ou haute.

Si la proportion de personnes âgées (65 ans et plus) est présentement de 20 % et totalise 1,7 million de Québécois, elle croîtra progressivement jusqu’à 27 %, en 2050, pour totaliser 2,6 millions de Québécois. De quelle main-d’œuvre aurons-nous besoin alors pour offrir à ces aînés les services à domicile ou institutionnels exigés par leur situation ?

Quelles sont les masses critiques de citoyens requises d’ici 2050 pour le déploiement d’une vie économique, sociale et culturelle forte dans les régions du Québec ? Pour que chaque région demeure viable, dynamique et attrayante.

Une politique de la population ?

Au terme des travaux de la commission, le Québec disposerait des données relatives à sa situation démographique à venir, des éléments d’une éventuelle politique québécoise de la population. Ce faisant, le Québec rejoindrait de nombreux pays qui poursuivent ces recherches les concernant.

Si rien n’est entrepris pour construire autrement l’avenir, il faut craindre l’affadissement d’une société diminuée par sa faiblesse démographique et son vieillissement ; craindre aussi l’effondrement de son modèle social et la perte du dynamisme qui a porté son élan économique, ce dernier demi-siècle. Dans le passé, le Québec a trouvé, dans la recherche sur lui-même, la connaissance des meilleures pratiques et la concertation, les leviers de son affirmation durable. Ces démarches convergentes l’ont bien servi. Il doit urgemment les réanimer pour se doter d’une politique démographique susceptible de combler son manque de main-d’œuvre et de conforter sa première richesse, sa richesse humaine.

Source: Pour une politique québécoise de la population

Lacroix: Niveaux d’immigration, la noyade

While some of his analysis overstates or incorrectly assesses (e.g., looking at declining French maternal language use while not recognizing that the vast majority of allophones have a working knowledge of French, thanks in no small part to Law 101), the overall points regarding the declining importance of Quebec in the federation is valid, as are some of his critiques of the federal government’s ongoing increase in immigration levels (need some more critical perspectives in English Canada):

Le ministre fédéral unilingue anglophone de l’Immigration, Sean Fraser, publiait, juste à temps pour la Saint-Valentin, le plan d’immigration du gouvernement de Justin Trudeau pour 2022-2024. Ce plan est de hausser, encore une fois, les volumes d’immigration, qui passeront de 184 606 personnes en 2020 à 431 000 nouveaux résidents permanents en 2022 et à 451 000 en 2024.

Ottawa souhaite admettre 1,33 million de nouveaux immigrants permanents en seulement trois ans. Il s’agit d’une hausse de 80 % par rapport aux seuils d’immigration qui avaient cours avant la prise du pouvoir par le Parti libéral du Canada en 2015. Au prorata de la population, le Canada est déjà l’un des pays occidentaux qui accueillent le plus d’immigrants.

Immigration temporaire

Et ces chiffres ne valent que pour les immigrants permanents, soit ceux qui obtiennent la résidence permanente. Parallèlement à cette hausse constante et soutenue de l’immigration permanente, nous assistons à une hausse vertigineuse de l’immigration temporaire, c’est-à-dire du nombre de personnes accueillies au Canada avec un permis d’études ou de travail temporaire. Le nombre de travailleurs étrangers détenteurs d’un permis de travail temporaire est passé de 66 600 en 2000 à 429 000 en 2018, soit une augmentation de 544 % en 18 ans. Ces travailleurs temporaires obtiennent de plus en plus, à terme, leur résidence permanente (à hauteur de 50 %). L’immigration « temporaire » est donc souvent de l’immigration permanente déguisée. À ces travailleurs temporaires il faut ajouter les étudiants étrangers, dont le nombre augmente exponentiellement ; en 2020, nous en étions à 530 540 étudiants étrangers au Canada. Si on combine ces deux catégories temporaires, il y avait, au 1er janvier 2020, 1,3 million d’immigrants temporaires au Canada.

Pour estimer le volume global et l’incidence de la migration, il faut additionner les permanents aux temporaires. Aux 431 000 immigrants permanents en 2022 il faut donc ajouter environ 1,3 million d’immigrants temporaires, ce qui donne le chiffre de 1,73 million d’immigrants pour 2022, soit environ 4,7 % de la population totale du Canada.

Conséquences pour le Québec

L’arrivée d’un aussi grand nombre d’immigrants en si peu de temps a plusieurs conséquences néfastes pour le Québec. L’immigration est d’abord la cause directe du recul accéléré du français auquel on assiste depuis 15 ans. Mais elle a aussi pour effet d’exacerber la crise du logement, la hausse du volume d’immigration étant directement responsable de la hausse débridée du prix de l’immobilier au Canada. La crise du logement, bien sûr, frappe d’abord les plus pauvres, ce qui inclut souvent les nouveaux arrivants.

Mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure le Parti libéral.

En faisant de l’immigration temporaire la voie d’accès royale vers la résidence permanente depuis 2014, Ottawa a modifié unilatéralement le système d’immigration et a dépouillé le Québec d’une bonne partie de ses pouvoirs en immigration. Pourquoi ? Parce que le Québec n’a aucun pouvoir de sélection sur l’immigration temporaire, de plus en plus importante numériquement parlant, et qui relève strictement d’Ottawa. Le pouvoir de sélection des immigrants a ainsi glissé, indirectement, de Québec vers Ottawa.

À cela, il faut ajouter la discrimination exercée par Ottawa contre les immigrants francophones qui souhaitent s’installer au Québec ou y étudier en français. Le ministère fédéral de l’Immigration sabote activement, de façon volontaire ou non, les efforts du Québec pour attirer des francophones.

Un piège parfait

Les premiers chiffres publiés du recensement 2021 indiquent que le poids relatif du Québec au Canada a baissé pour un 11e recensement d’affilée, passant de 28,9 % en 1966 en 23 % en 2021. Avec la hausse des seuils, la baisse de ce poids va s’accélérer. Pour le contrecarrer, Québec devrait accepter environ 103 730 immigrants permanents par année à partir de 2024, soit plus du double des seuils actuels, seuils qui sont déjà en train de conduire à l’effondrement du français dans toute la grande région de Montréal.

Pour le Québec français, la question de l’immigration est donc un piège parfait ; pile, il perd ; face, le Canada gagne. L’avenir réservé au Québec dans le Canada, c’est la noyade démographique.

En 2017, Statistique Canada a publié une étude de projections démolinguistiques, qui annonçait un effondrement du poids démographique des francophones au Québec à l’horizon de 2036. La proportion de francophones au Québec passerait, selon ces projections, de 78,9 % en 2011 à 69 % en 2036, une chute de 9,9 points. Il s’agit d’un effondrement sans précédent dans toute l’histoire du Québec.

Cette projection de 69 % était calculée avec un scénario « immigration forte » qui correspondait, grosso modo, à 350 000 immigrants permanents par année au Canada. Or, la hausse des niveaux d’immigration à 451 000 signifie que le chiffre de 69 %, loin d’être un « plancher », est maintenant un « plafond » ; la proportion réelle des francophones au Québec en 2036 sera très certainement en dessous de ce chiffre.

Cela sera vrai même si le Québec ne hausse pas son seuil d’immigrants permanents actuel de 50 000 par année (note : le Québec n’a pas ce pouvoir et doit suivre les seuils fédéraux selon l’Entente Canada-Québec). Pourquoi ? Parce que le Québec n’a aucun contrôle sur la migration interprovinciale. Le solde de cette migration est devenu positif en 2020 pour la première fois depuis 1961. Il est probable que l’anglicisation accélérée de la grande région de Montréal fait que de nombreux Canadiens peuvent maintenant y vivre en anglais comme s’ils étaient à Toronto, et ce, à moindre coût. À Montréal, le fait français ressemble de plus en plus à un résidu historique appelé à se dissoudre dans le grand tout canadien. Le projet de loi 96, qui évite soigneusement toute mesure structurante, ne changera rien à cet état de fait.

Le portrait global qui se dégage est celui-ci : si Ottawa avait un plan méthodique, systématique, afin de liquider une fois pour toutes le Québec français, ce plan ressemblerait probablement à ce que l’on voit se dérouler sous nos yeux.

Il va falloir que le gouvernement du Québec se réveille. Et vite.

Source: Niveaux d’immigration, la noyade