Lisée: Le graphique du déclin

While Lisée and Lacroix’s critique of declining French among immigrants suffers from the fallacy that the decline reflects increased use of immigrant mother tongues at home, not a shift from French to English (see Allison Hanes: Challenging the orthodoxy that French is in free fall in Quebec). Concerns over language usage by international students is more justified, but hard to see how any government would reduce the numbers given the financial needs of post-secondary institutions:

Décomposons ensemble ce stupéfiant graphique, élaboré par Frédéric Lacroix, auteur récemment de l’excellent ouvrage Un libre choix ?, sur la situation linguistique en éducation supérieure.

Immigration permanente. C’est la ligne pleine qui montre que, bon an mal an, avant la pandémie, entre 50 000 et 55 000 immigrants devenaient résidents au Québec. Tout le débat se concentre sur cette donnée des « seuils d’immigration ». Nous savons déjà qu’à ce niveau, le Québec reçoit davantage d’immigrants par habitantque les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni, mais moins que l’Australie, l’Allemagne et le Canada. (La baisse de 2019 sera compensée par un rattrapage, à 70 000, cette année.)

Immigration temporaire. C’est la ligne en pointillé qui monte inexorablement et qui rend caduque — sans objet ou risible, au choix — le débat sur les seuils. Cette immigration, gérée par le fédéral, est constituée pour plus de moitié d’étudiants étrangers, le reste étant des travailleurs temporaires de tous les secteurs. Une partie d’entre eux deviendront des immigrants permanents (donc un jour comptés parmi les 55 000), mais le nombre de permis délivrés augmente sans cesse. Alors si vous pensiez que le Québec accueillait par an environ 55 000 personnes, vous sous-estimiez le nombre de 150 000.

En arrivant, le français ? No thanks ! Sur le graphique, l’espace bleu représente la proportion de tous les immigrants qui déclarent connaître le français, l’espace rouge, ceux qui déclarent ne pas le connaître. En détail, la proportion des permanents qui avouent ne pas le maîtriser au point d’entrée est passée de 42 % en 2015 à presque 50 % en 2019. Cette donnée est assurément sous-évaluée, car chaque contrôle opéré a posteriori, par le vérificateur général ou les agents d’immigration, révèle qu’il y a toujours moins de français que ce qui est affiché. Chez les étudiants étrangers, l’ignorance du français est passée de 35 % en 2014 (44,5) à 43 % (45,2) en 2019. Parmi les travailleurs temporaires du programme de la mobilité internationale (ne parlons pas de la main-d’œuvre agricole, massivement hispanophone), 37 % déclaraient en 2019 ne pas connaître la langue de Molière et pour 40 % d’entre eux, on ne le sait pas ! Faut-il même croire ces chiffres ? Aucune preuve n’est requise. Plus largement, l’objectif du gouvernement Legault est de faire croître de 15 % le nombre de travailleurs temporaires d’ici 18 mois.

Une fois arrivés, toujours no thanks ! Peut-être les étudiants étrangers tombent-ils amoureux du français, une fois plongés dans notre métropole francophone ? Une étude de Statistique Canada vient détremper nos espoirs et nous détromper : « Malgré leurs intentions initiales d’apprendre le français, la plupart des étudiants n’ont pas réellement amélioré leurs compétences linguistiques à cause de contraintes temporelles, d’un manque de motivation, ou parce qu’ils interagissent principalement avec des étudiants anglophones. »

L’impact sur Montréal. Le graphique indique les entrées annuelles, mais — sauf pour les étudiants étrangers — pas le nombre cumulatif. Pour faire simple, si on ne compte pour 2019 que ceux qui déclarent ne parler que l’anglais et qui sont à Montréal, au moins 26 500 jeunes étrangers alimentent l’anglicisation montréalaise. Ajoutons ceux qui ne parlent que l’anglais parmi les étudiants canadiens-anglais (5363), les cadres et professionnels temporaires (9300) et les immigrants permanents (8860), et cela fait 50 000 personnes. C’est l’équivalent de plus de deux fois la ville ontarienne de Brockville. Il s’agit de l’hypothèse basse. Comme l’écrit Frédéric Lacroix parlant des maisons d’éducation publiques et privées anglophones, la politique d’immigration temporaire canadienne est en train de créer, « centrée sur McGill, Dawson, Concordia, Matrix, Herzing, etc., une cité-État anglophone au cœur de Montréal ».

Mais le projet de loi 96 ? J’aimerais pouvoir dire que, face à cet afflux, le projet caquiste offrira un rempart. Mais on n’y trouve pas le début d’une tentative de correction. Le gouvernement Legault, qui autorise les agrandissements de Dawson et de McGill, ne prévoit rien pour réclamer, par exemple, une connaissance préalable du français dans la sélection des étudiants étrangers ou une obligation de formation en français pendant leur séjour. Pire : le PLQ, lui, nous avait habitués à fixer, pour l’immigration permanente, des cibles de connaissance du français qu’il échouait à atteindre. Le premier ministre Legault, ses ministres, son caucus n’ont même plus de cible. Ils observent ce déclin, cet engloutissement linguistique du centre-ville, en spectateurs désintéressés.

Source: https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/666720/le-graphique-du-declin?utm_source=infolettre-2022-01-29&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne

Quebec: Les francophones discriminés [international students]

More commentary.

Checked Quebec numbers: CEGEP international student enrolment up more than 5 times (de 2 899 en 2009-2010 à 16 505 en 2019-2020) compared to university enrolment that only doubled during the same period (de 24 504 en 2009-2010 à 48 406 en 2019-2020). http://www.education.gouv.qc.ca/colleges/enseignants-et-personnel-de-college/references/enseignement-superieur/portrait-statistique-des-etudiants-internationaux-a-lenseignement-superieur/

But the relative shift from French to English CEGEPs is notable, irrespective of any discrimination issues:

Le Québec bataille pour sa place d’État francophone fier depuis des lustres au sein d’un Canada qui n’en a généralement que faire, soupirant d’ennui entre deux réformettes de façade. À divers niveaux, tous les gouvernements du Québec se sont préoccupés des combats à livrer pour résister aux assauts bien vigoureux de l’anglais, entre autres dans le champ de l’éducation. Le gouvernement de François Legaultveut d’ailleurs donner plus de mordant à la loi 101, car la fronde anglophone n’a jamais été aussi vive.

Pendant que sur le front politique le discours est à la défense du fait français, le terrain regorge d’incohérences qui ne commandent que de l’indignation. Comment en effet concilier ces deux données ? L’explosion spectaculaire du nombre d’étudiants internationaux dans les collèges du Québec — en hausse de 369 % en dix ans — a surtout profité aux établissements d’enseignement de langue anglaise. Mais en moins de deux ans, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a refusé 35 642 candidats originaires des principaux pays francophones du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest qui voulaient venir étudier au Québec.

Une première analyse brute des données dévoilées la semaine dernière par la journaliste du DevoirSarah R. Champagne donne à penser que le « système », dans son gigantisme et son indolence bureaucratique, effectue de la discrimination à l’entrée. Ouvrir les vannes à des étudiants anglophones venus de l’Inde et les accueillir à pleines portes dans des établissements privés non subventionnés de Montréal ? Que oui ! Mais accepter des candidats inscrits à des études supérieures en provenance du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, deux zones francophones ? Que nenni !

Les taux de refus pour ces deux bassins de locuteurs pourtant très francophones « frôlent les 100 % », dénoncent des avocats en immigration, qui ne s’expliquent pas le quasi-automatisme dans le rejet de candidatures pourtant bien défendues — dossier financier très solide, entre autres critères observés par les ministères de l’Immigration. Un nouveau système de tri automatique des candidatures en vigueur depuis 2018 serait-il en partie la cause de ces refus en bloc ? Personne ne peut le certifier, mais cela pourrait par exemple expliquer que, sur la base de revenus moyens par habitant très peu élevés dans certains pays d’Afrique, des dossiers de grande qualité présentés par des individus soient écartés avant même d’être analysés. Cette question mérite d’être creusée.

Plus on cherche à comprendre cette grande absurdité, plus on s’enfonce dans les contradictions. Celle-ci par exemple : un couple congolais au dossier financier plus que bien ficelé a reçu sa réponse de refus en l’espace d’une semaine en provenance des autorités canadiennes — déjà de quoi faire sourciller quand on sait que la question des délais interminables dans le traitement des dossiers d’immigration constitue le principal problème dénoncé par Québec. L’argument qu’on leur a donné ? L’agent d’immigration n’a pas été convaincu qu’ils quitteraient le Canada après leurs études. Quitteraient, oui. Pourtant, les politiques officielles et l’énergie déployée tant par le gouvernement du Québec que par celui du Canada vont dans le sens complètement contraire : celui de travailler au maintien des étudiants étrangers en sol québécois après la fin de leurs études. Que comprendre de ce cirque ?

Pour les mêmes pays d’origine, le Québec voit ses taux de refus plus élevés qu’ailleurs au Canada, ce qui s’expliquerait en partie par une méconnaissance des agents d’immigration du système collégial québécois, certains dossiers étant refusés sur la base d’une mauvaise liaison entre la demande d’étude et le cheminement scolaire du candidat. C’est à n’y rien comprendre : les cégeps existent depuis 1967 au Québec.

Le Québec, qui perd ici pied et contrôle sur une immigration potentielle de qualité en son propre sein, aurait raison de vociférer et de revendiquer la pleine maîtrise sur les flux d’entrée en ses frontières. Mais il devra aussi pratiquer un sérieux auto-examen. S’il n’a rien à voir avec le refus de candidatures francophones en provenance de pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, c’est quand même dans sa propre cour que s’est jouée l’augmentation faramineuse d’étudiants étrangers anglophones — parfois même inscrits dans des cégeps francophones.

Dans une étude publiée par l’Institut de recherche en économie contemporaine, Éric N. Duhaime brosse un portrait statistique sans équivoque : alors que le recrutement d’étudiants étrangers au collégial s’était toujours historiquement tourné vers des bassins francophones, la tendance s’est inversée depuis 2017 environ. En 2019, « plus de la moitié des étudiants internationaux du réseau collégial provenaient de l’Inde (7687), dépassant les effectifs de la France (4072) ». Marché lucratif, détournement de mission pour le réseau de l’éducation et… impact significatif sur la langue d’usage dans les rues de Montréal, qu’on le veuille ou non.

Source: https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/649134/etudiants-etrangers-les-francophones-discrimines?utm_source=infolettre-2021-11-23&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne