Bouchard | Questions de laïcité à M. Legault

Bouchard still going strong with his pointed critique:

Des restrictions non justifiées. Le nouveau projet de loi sur la laïcité contient des mesures bienvenues, notamment la fin des exemptions en faveur des écoles privées. Mais d’autres mesures font problème parce que leur justification n’est pas démontrée. Où sont les études qui précisent le nombre d’éducatrices en CPE et en garderies subventionnées qui portent le hidjab ? Ou des études qui établissent que cette pratique perturbe les enfants ? Qui dénombrent les femmes exerçant leurs activités à visage couvert dans les institutions publiques ? Qui évaluent rigoureusement l’ampleur du problème des prières en public ?

Vous dites, Monsieur Legault, qu’il vaut mieux prévenir que guérir. La religion musulmane au Québec serait donc un fléau en dormance ? Et la bonne façon de s’en protéger serait de resserrer des mesures déjà très restrictives ? Vous ne craignez pas de favoriser ainsi ce que vous prétendez prévenir ?

Un terrain mal connu. Contre quoi précisément entendez-vous nous protéger ? Voit-on les signes d’un grave problème islamiste au Québec ? Observe-t-on des manifestations de haine, des mouvements de rue, de la violence ? Que savons-nous exactement de la situation, de l’humeur de cette minorité ? De l’état de la foi et de la pratique ? De son attitude envers l’intégration ? Des tendances qui la traversent ou la divisent ? Est-elle aussi homogène que vous le croyez ? Que savons-nous de ses dispositions envers notre société ? Sont-elles marquées par l’agressivité, le retranchement ? Je parle ici de connaissances et non de stéréotypes ou de rumeurs nées d’épisodes montés en épingle.

Pourtant, en cette matière tout particulièrement, il importerait de bien connaître le terrain sur lequel vous intervenez. Ce n’est pas le cas. Vous vous laissez guider surtout par la boussole électorale.

Des contradictions. Votre démarche est plombée par des contradictions qui révèlent un étrange bricolage. En voici deux exemples. Les signes religieux et les lieux de prière sont interdits dans les universités. Cependant, une chapelle catholique située sur le campus de l’Université Laval restera ouverte. Motif ? Ce serait un « milieu de vie » isolé à l’image des prisons et des CHSLD ! S’il s’agissait d’une petite mosquée, aurait-elle droit à la même indulgence ?

Votre gouvernement entend légiférer dans les écoles privées à vocation religieuse. Mais en respectant quelques conditions, elles continueront néanmoins à être financées par l’État (coût en 2024 : 160 millions de dollars, ce que M. Drainville a fièrement qualifié de « compromis historique »). Ici, c’est donc l’ensemble de l’école qui sera elle-même religieuse. Où est la logique ?

De la retenue. Notre société a été jusqu’ici épargnée par les conflits religieux. Mais la réalité internationale enseigne que le sujet doit être traité avec prudence et lucidité. Il faut se garder d’initiatives dont on n’a mesuré ni la pertinence ni le potentiel d’effets nocifs.

Élargissons la perspective. Des études québécoises montrent que la majorité des immigrants désirent s’intégrer et nourrissent une vision favorable de notre société. Mais ces travaux semblent ignorés. J’ai à l’esprit la déclaration d’un de vos ministres de l’Immigration se désolant de ce que les immigrants refusent de travailler, méprisent nos valeurs, rejettent le français, etc.

Cette vision reflète-t-elle la réalité ? Donne-t-elle le goût du Québec ? Inspire-t-elle confiance en votre gouvernement ?

De l’inconséquence. Sous prétexte de fermeté et de vigilance, ne craignez-vous pas de faire mal au Québec en semant les graines d’un vrai problème qui mettrait un grand désordre dans notre vie collective ? Avez-vous une pensée pour la réaction des jeunes musulmans d’aujourd’hui quand ils auront pris conscience des effets que vos politiques à courte vue auront provoqués ? Curieusement, votre projet de loi est pourtant présenté sous l’affiche de la « paix sociale » — j’ai lu aussi : « apaiser le climat social ». Étrange médecine. Et ce climat serait donc présentement turbulent ?

Monsieur Legault, vous avez opté pour la méthode forte avec votre laïcité répressive. Peut-être pourriez-vous jeter un coup d’œil du côté de la France pour voir ce qu’il en est ? On constate aujourd’hui chez les jeunes musulmans français qu’au lieu de s’intégrer, ils se replient sur un islam plus radical que celui de leurs parents.

Il y a plus. Selon des études fiables, un grand nombre de jeunes écoliers québécois manifestent beaucoup d’ouverture en matière de diversité ethnique et religieuse. Comment réagiront-ils à vos initiatives ? Leur disposition sera-t-elle ébranlée ? Vous apprêtez-vous à compromettre une importante avancée de notre système scolaire ?

Une phobie du religieux. Je ne comprends pas pourquoi il faut interdire le port du hidjab à une étudiante universitaire, une adulte agissant selon des convictions profondes, en conformité avec le droit consacré par notre charte et qui ne porte préjudice à personne — sauf à ceux et celles que la seule vue d’un signe religieux indispose. C’est pour moi l’exemple le plus frappant d’une violation arbitraire d’un droit fondamental. Réalisez-vous que, ce faisant, vous encouragez l’hostilité non seulement envers les signes religieux, mais envers le religieux lui-même ? Et ce n’est pas un n’est pas un croyant qui vous en fait reproche, c’est un athée tout simplement respectueux du droit.

J’ai peine aussi à comprendre que les manifestations et rassemblements publics à caractère social, culturel ou politique sont admis, mais non ceux qui ont une connotation religieuse. Cet interdit ne relève-t-il pas d’une phobie du religieux, tout comme l’interdiction du hidjab chez les éducatrices de la petite enfance ?

Et tout ça, pour quoi au fond ? Pour tenter de refaire votre image en vue de la prochaine élection ? Cet objectif justifierait les sensibilités que vous allez heurter, les préjugés que vous allez remuer, les divisions que vous risquez de créer ?

Apparemment, « c’est comme ça qu’on fonctionne au Québec ». Et les droits ? Ils ne feraient pas partie de notre fonctionnement eux aussi ?

Éviter l’autre extrême. Cela dit, évitons tout malentendu. Il faut évidemment se garder de la naïveté. Je crois que des garde-fous s’imposent — nous l’avons vu dans le cas de l’école Bedford. Mais leur mise en place doit être arbitrée par la mesure, la clairvoyance et la sagesse.

Source: Idées | Questions de laïcité à M. Legault

Unjustified restrictions. The new bill on secularism contains welcome measures, including the end of exemptions for private schools. But other measures are problematic because their justification is not demonstrated. Where are the studies that specify the number of educators in CPE and subsidized daycare centers who wear the hijab? Or studies that establish that this practice disturbs children? Who counts women carrying out their activities with their faces covered in public institutions? Who rigorously assess the extent of the problem of public prayers?

You say, Mr. Legault, that prevention is better than cure. Would the Muslim religion in Quebec therefore be a dormant scourge? And the right way to protect yourself from it would be to tighten already very restrictive measures? Are you not afraid to favor what you claim to prevent?

A poorly known terrain. What exactly do you intend to protect us against? Do we see signs of a serious Islamist problem in Quebec? Do we observe manifestations of hatred, street movements, violence? What exactly do we know about the situation, the mood of this minority? The state of faith and practice? Of his attitude towards integration? Trends that cross it or divide it? Is it as homogeneous as you think? What do we know about his dispositions towards our society? Are they marked by aggressiveness, entrenchment? I’m talking here about acquaintances and not stereotypes or rumors born of episodes edited in pins.

However, in this matter in particular, it would be important to know the field in which you intervene. This is not the case. You let yourself be guided above all by the electoral compass.

Contradictions. Your approach is weighed down by contradictions that reveal a strange DIY. Here are two examples. Religious signs and places of prayer are prohibited in universities. However, a Catholic chapel located on the Université Laval campus will remain open. Reason? It would be an isolated “liveing environment” like prisons and CHSLDs! If it were a small mosque, would it be entitled to the same indulgence?

Your government intends to legislate in private schools with a religious vocation. But by meeting some conditions, they will nevertheless continue to be financed by the State (cost in 2024: $160 million, which Mr. Drainville proudly described it as a “historic compromise”). Here, it is therefore the whole school that will itself be religious. Where is the logic?

Restraint. Our society has so far been spared from religious conflicts. But the international reality teaches that the subject must be treated with caution and lucidity. We must beware of initiatives whose relevance or potential for harmful effects has not been measured.

Let’s expand the perspective. Quebec studies show that the majority of immigrants want to integrate and have a favorable view of our society. But this work seems to be ignored. I have in mind the statement of one of your Ministers of Immigration regretting that immigrants refuse to work, despise our values, reject French, etc.

Does this vision reflect reality? Does it give the taste of Quebec? Does it inspire confidence in your government?

Inconsistency. Under the pretext of firmness and vigilance, aren’t you afraid of hurting Quebec by sowing the seeds of a real problem that would put a great mess in our collective life? Do you have a thought for the reaction of today’s young Muslims when they become aware of the effects that your short-sighted policies will have caused? Curiously, your bill is nevertheless presented under the poster of “social peace” – I also read: “appease the social climate”. Strange medicine. And this climate would therefore be turbulent at the moment?

Mr. Legault, you have opted for the strong method with your repressive secularism. Maybe you could take a look at France to see what’s going on? We see today among young French Muslims that instead of integrating, they fall back on a more radical Islam than that of their parents.

There is more. According to reliable studies, a large number of young Quebec schoolchildren show a lot of openness in terms of ethnic and religious diversity. How will they react to your initiatives? Will their disposition be shaken? Are you about to compromise an important advance in our school system?

A phobia of the religious. I do not understand why the wearing of the hijab should be prohibited to a university student, an adult acting according to deep convictions, in accordance with the law enshrined in our charter and who does not harm anyone – except those whom the mere sight of a religious sign indisposed. For me, this is the most striking example of an arbitrary violation of a fundamental right. Do you realize that, in doing so, you encourage hostility not only towards religious signs, but towards the religious himself? And it is not a believer who reproaches you, it is simply an atheist who respects the law.

I also find it difficult to understand that public demonstrations and gatherings of a social, cultural or political nature are allowed, but not those with a religious connotation. Isn’t this prohibition a phobia of the religious, just like the prohibition of the hijab among early childhood educators?

And all this, for what basically? To try to remake your image for the next election? Would this objective justify the sensitivities that you will offend, the prejudices that you will stir, the divisions that you risk creating?

Apparently, “that’s how we work in Quebec”. And the rights? Wouldn’t they be part of our operation too?

Avoid the other extreme. That said, let’s avoid any misunderstanding. We must obviously beware of naivety. I believe that safeguards are necessary – we have seen it in the case of Bedford School. But their implementation must be arbitrated by measure, foresight and wisdom.

Unknown's avatarAbout Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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