Dutrisac: La prison pour asile

Interesting example of turning an opinion column on migrant detention centres into reinforcing Dutrisac’s legitimate concern over the declining weight of Quebec given its lower immigration levels, with a barb thrown in regarding McKinsey and Dominic Barton:

C’est en janvier 2017 que Justin Trudeau a lancé son tweet où il invitait « ceux qui fuient la persécution, la terreur, la guerre » à débarquer au Canada — « sachez que le Canada vous accueillera », écrivait-il. Six ans plus tard, le gouvernement fédéral a inauguré un nouveau centre de détention pour incarcérer certains demandeurs d’asile. On peut penser qu’à l’époque, un tel développement n’avait pas effleuré l’esprit du premier ministre canadien.

Dans ce tweet innocent, Justin Trudeau fait preuve d’une bonne dose d’inconscience, si ce n’est d’hypocrisie, car le Canada, aussi vaste et généreux le croit-on, ne peut raisonnablement accueillir les dizaines de millions de personnes qui sont forcées tous les ans de quitter leur pays.

Comme nous l’apprenait Le Devoir dans son édition de samedi, Ottawa a inauguré en octobre à Laval un centre de détention pour les demandeurs d’asile et les immigrants temporaires, ce qu’on appelle par euphémisme un « centre de surveillance ». Construit au coût de 50 millions, le nouveau centre remplace d’anciennes installations jugées vétustes. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), de laquelle relève le centre, en a profité pour augmenter le nombre de places pour le porter à 153, contre 109 pour l’ancien bâtiment. Seulement 66 « détenus » s’y trouvaient à la fin décembre, tandis que les centres correctionnels administrés par Québec en accueillaient une quinzaine. Les pensionnaires de cette prison fédérale « dorée », mais prison quand même puisqu’ils ne peuvent en sortir à moins d’être libérés, ont la particularité de n’avoir commis aucun crime qui justifierait leur détention. Des papiers qui ne sont pas en règle, des doutes sur l’identité du ressortissant étranger ou des risques de fuite sont évoqués par l’agence pour justifier cette mesure de « dernier recours ». Comme dans les vraies prisons, les détenus n’ont pas droit à leur cellulaire, ni accès à Internet ; on peut se demander pourquoi.

Les organismes de défense des libertés civiles comme Amnistie internationale dénoncent l’incarcération de ces migrants qui n’ont commis aucun crime. Contrairement au Québec et à l’Ontario, la Colombie-Britannique a mis fin à l’entente avec l’ASFC visant la détention de migrants dans des prisons provinciales. L’Alberta et la Nouvelle-Écosse ont annoncé qu’elles en feraient autant. Depuis 2015, il y aurait eu 8000 de ces détenus au Canada — la période de détention moyenne est de 22 jours —, dont 2000 dans des prisons provinciales et le reste dans les trois centres de détention de l’ASFC.

C’est relativement peu considérant les millions de ressortissants étrangers qui sont entrés au pays depuis huit ans. Au Québec, par exemple, les quelque 80 migrants détenus actuellement se comparent aux 36 000 demandeurs d’asile qui seraient entrés par le chemin Roxham dans la seule année de 2022, ce qui s’ajoute aux dizaines de milliers de demandeurs, déjà présents sur le territoire québécois, qui sont toujours en attente d’une décision d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Ou encore aux 150 000 demandeurs d’asile qui, selon Le Journal de Montréal, sont arrivés au Québec depuis cinq ans, soit 52 % du total canadien.

Or, que ce soit pour obtenir un permis de travail des autorités fédérales ou pour obtenir une réponse définitive sur le statut de réfugiés, les délais ne font que s’allonger. Pour les demandeurs d’asile qui passent par le chemin Roxham, ces délais peuvent s’étendre sur plusieurs années. Ceux dont la demande est rejetée ont le temps de s’établir ici avant de recevoir un avis d’éviction, éviction que nombre d’entre eux tenteront d’éviter en se réfugiant dans la clandestinité. Le système est dysfonctionnel, comme les autres volets de l’immigration. Dans ce contexte, on peut se demander à quoi peut bien servir la détention traumatisante d’une poignée de migrants.

Parmi les ministères fédéraux, c’est l’IRCC qui, depuis 2015, a dépensé le plus pour des conseils en gestion de la firme de consultants américaine McKinsey, a rapporté Radio-Canada. Or l’ironie, c’est que la désorganisation notoire de l’IRCC s’est aggravée en raison de l’accroissement pléthorique des seuils canadiens d’immigration, une recommandation de 2016 d’un comité formé par Ottawa et présidé par Dominic Barton, alors premier dirigeant mondial de McKinsey. Par la suite, le consultant a cofondé The Century Initiative, ou Initiative du siècle, un lobby qui promeut le projet de porter à 100 millions la population du Canada d’ici 2100.

Constater qu’à nos frais, nous participons dans ce pays, au sein duquel le Québec perdra inexorablement son poids démographique et donc politique, à une expérimentation sociale inédite concoctée par McKinsey n’a rien de rassurant.

Source: La prison pour asile

About Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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