Vastel: Les prévisibles répercussions d’une volte-face irréfléchie [removal Mexican visa requirement]

Indeed:

Le résultat était prévisible. Le gouvernement de Justin Trudeau en avait été prévenu. Le premier ministre s’est néanmoins entêté, dès son arrivée au pouvoir, à lever l’obligation de visas imposée par son prédécesseur aux ressortissants mexicains. Et le Canada peine aujourd’hui, inéluctablement, à gérer l’explosion de leurs arrivées et des demandes d’asile, qui aurait pu être évitée, n’eût été l’acharnement politique du premier ministre au détriment de la bonne politique publique.

Le mois dernier, Radio-Canada nous apprenait qu’Ottawa ouvre désormais la porte à un retour sur cette décision mal avisée. Une sage volte-face, si elle se confirme. Car rien ne justifiait d’éliminer en 2016 l’imposition de visas aux voyageurs du Mexique, hormis la volonté de Justin Trudeau d’honorer une promesse électorale, de démanteler du même coup l’héritage de son prédécesseur conservateur et de tenter, sitôt élu, de se forger une réputation sur la scène internationale.

Les fonctionnaires fédéraux avaient même averti les troupes de Justin Trudeau des risques d’un tel amendement à sa politique d’immigration : que des ressortissants d’autres pays se munissent de faux passeports du Mexique pour pouvoir entrer librement au Canada, que des membres du crime organisé se faufilent pour s’installer au pays et que les demandes d’asile injustifiées se multiplient. Sept ans plus tard, voilà précisément ce que constatent les autorités canadiennes, ont révélé une série de reportages de Radio-Canada l’automne dernier. C’est à croire que M. Trudeau aurait mieux fait de se fier à l’expertise de la fonction publique fédérale plutôt qu’à sa simple volonté politique. Quelle idée saugrenue.

L’ancien premier ministre Stephen Harper avait imposé en 2009, au grand mécontentement du Mexique, l’obligation pour ses ressortissants d’obtenir un visa pour voyager au Canada. Le nombre de demandes d’asile présentées par des Mexicains à leur arrivée en sol canadien atteignait alors des records (9500 pour la seule année 2009), après avoir presque triplé au cours des trois années précédentes. L’effet a été immédiat, et ces demandes ont chuté pour ne se chiffrer cinq ans plus tard qu’à 90.

Mais aussitôt le visa remplacé par une simple autorisation de voyage électronique, la tendance s’est inéluctablement inversée. En 2022, à la suite de la réouverture complète post-pandémie des frontières, près de 8000 ressortissants mexicains ont demandé le statut de réfugié aux douanes aéroportuaires canadiennes entre les mois de janvier et octobre — dont 82 % à l’aéroport international de Montréal. Malgré tout, le gouvernement Trudeau — qui avait laissé entendre en 2016, pour apaiser les craintes soulevées par ses propres fonctionnaires, qu’il plafonnerait l’arrivée de migrants mexicains à 3500 par année — refusait alors toujours d’adapter sa politique d’accueil.

Au cours des neuf premiers mois de 2023, ce chiffre aurait atteint 17 500 demandes. Or, à peine 30 % de celles-ci sont acceptées en moyenne. L’arrivée d’un visa, en 2009, avait fait chuter de 85 % le nombre de fausses demandes présentées.

Le Québec s’inquiète depuis l’an dernier de ce nouveau flux d’arrivées par avion, qui ne sont pas équivalentes au nombre d’entrées irrégulières du chemin Roxham, fermé en mars dernier, mais qui se font encore de façon disproportionnée à Montréal. Les États-Unis sont venus ajouter leur voix, constatant que l’entrée irrégulière de Mexicains sur leur territoire, bien que bien moindre par leur frontière nord, avait plus que quadruplé entre 2015 et 2023 (plus de 4800 arrestations l’an dernier).

Pendant que le gouvernement de François Legault attend toujours qu’Ottawa acquiesce à sa demande de remboursement pour l’accueil quasi exclusif de migrants sur son territoire, les doléances des Américains, elles, ont visiblement davantage convaincu le gouvernement canadien que le statu quo était intenable. La sourde oreille réservée au Québec s’est avérée tout ouïe pour Washington.

Il est désormais à souhaiter que le gouvernement Trudeau mûrisse rapidement sa réflexion et admette enfin son erreur. La précarité économique et l’instabilité sécuritaire qui sévissent au Mexique ne permettent pas — et n’ont malheureusement jamais permis depuis 10 ans — une porte ouverte et sans contrôle à ses ressortissants. La liaison aérienne Mexico-Montréal ne peut devenir une passoire, aux répercussions largement documentées ces derniers mois.

Le Québec, d’abord, s’en trouve à accueillir un nombre de demandeurs d’asile de plus en plus difficile à gérer pour ses services publics. Et c’est l’intégrité du système d’immigration canadien qui risque d’être fragilisée. Cette volte-face arbitraire, qui n’a jamais eu lieu d’être, doit maintenant une fois pour toutes être à son tour renversée.

Source: Les prévisibles répercussions d’une volte-face irréfléchie

Le plafonnement annoncé en immigration n’est qu’illusion

Certainement:

En se targuant d’enfin tenir compte de la capacité d’accueil du Canada et des provinces, déjà mise à rude épreuve, le gouvernement de Justin Trudeau prévoit maintenant de « stabiliser » ses cibles d’immigration… dans trois ans. Mais, d’ici là, la crise du logement, facteur principal de ce semblant d’ajustement libéral, ne se résorbera pas miraculeusement. La flexibilité exhibée traduit plutôt un entêtement persistant.

Les avertissements brandis par le Québec, voulant que l’éducation, la santé ainsi que l’offre de logement peinent à répondre à l’immigration pléthorique fédérale, sont maintenant partagés par d’autres provinces canadiennes. La population aussi s’en inquiète désormais. Un récent sondage révélait qu’un nombre record de citoyens croient que le Canada accueille trop d’immigrants (44 % des Canadiens, 37 % des Québécois).

Nonobstant, le fédéral maintient la hausse prévue encore deux ans : la cible passera à 485 000 immigrants en 2024 et à 500 000 en 2025. C’est l’année suivante que ce chiffre restera figé. Or, d’ici ce gel annoncé, ce sont 55 000 personnes arrivantes de plus que si le gouvernement avait stabilisé son accueil dès aujourd’hui aux 465 000 immigrants attendus cette année. Un ralentissement plus rapide aurait cependant renié les valeurs libérales, s’inquiétait-on dans ses rangs.

Les signaux étaient pourtant encourageants. Le plan stratégique pour l’immigration dévoilé cette semaine s’engageait à « chercher à intégrer la planification du logement et de la santé, et d’autres services importants, à la planification des niveaux d’immigration du Canada ». Le tout, « en collaboration étroite avec les provinces ». Le gouvernement Trudeau a même appuyé une motion bloquiste, non contraignante, l’appelant à revoir ses cibles d’accueil après consultation du Québec et des provinces « en fonction de leur capacité d’accueil ».

Mais ce nouvel arrimage, promis par Ottawa, ne se fera qu’a posteriori. Le fédéral persiste à ignorer les volontés d’accueil du Québec. La « consultation » fédérale ne servira qu’à répartir ce nombre de nouveaux arrivants fixé unilatéralement.

Qu’importe que des experts, comme ceux de la Banque TD, aient averti qu’un « choc de la demande » guette le filet social du Canada. Qu’importe aussi que la vérificatrice générale ait dénoncé l’embourbement du traitement des demandes d’immigration, qui s’éternise à 22 mois pour les immigrants économiques et à quatre ans pour les réfugiés. L’arrivée d’un demi-million de nouveaux arrivants par année n’aidera pas ce goulet d’étranglement.

Le gouvernement du Québec, de son côté, maintient ses cibles à 50 000 nouveaux arrivants pour les deux prochaines années. En comptabilisant les diplômés accueillis par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), le chiffre annuel avoisinera les 60 000 immigrants.

S’y ajoutent cependant les centaines de milliers d’immigrants temporaires que Québec et Ottawa persistent à exclure de cette équation d’accueil. Ils sont, depuis deux ans, trois fois plus nombreux que les immigrants permanents.

Faute de gérer leur arrivée, Québec s’en remet à exiger pour certains la maîtrise du français, après avoir fait de même pour les immigrants économiques et ceux du PEQ. Quelque 35 000 travailleurs étrangers temporaires autres qu’agricoles devront dorénavant en faire la démonstration eux aussi pour renouveler leur permis au-delà de trois ans — comme tant de ces travailleurs venus pour pallier le manque de main-d’oeuvre le font.

François Legault voit dans la protection du français, et, de ce fait, de l’identité québécoise, sa « responsabilité historique ». L’immigration n’y est plus une menace, à ses yeux, mais elle est devenue un outil.

L’exigence de ce test de français semble toutefois embryonnaire. Ces travailleurs temporaires, déjà surmenés, auront-ils le temps et l’énergie de s’y consacrer ? Leurs employeurs seront-ils forcés de le leur permettre, ou simplement encouragés ? Les ressources de francisation seront-elles au rendez-vous ?

Les prochaines années diront si ces plafonnements de l’immigration suffiront à stabiliser aussi la pression sur le filet social appréhendée par les gouvernements. Avant d’en redébattre en campagnes électorales, puisqu’ils ont préféré présenter des plans pluriannuels écourtés.

Source: Le plafonnement annoncé en immigration n’est qu’illusion

Vastel: Quelqu’un devra bien prendre soin des migrants de la vague qui s’en vient

Longer-term perspective given effects of climate change and increased migration pressures, with need for more analysis and preparation:

IIs étaient cinq cents, désespérés de rejoindre un monde meilleur par quelque moyen que ce soit. Mais le bateau qui devait les y transporter a sombré le mois dernier dans la mer Méditerranée, comme de trop nombreux autres avant lui, les laissant tous présumés disparus, possiblement par la faute de la garde côtière grecque, qui ne voulait pas d’eux, est venu révéler le Guardian. De telles tragédies se multiplient. Le taux de migration mondiale est voué à s’accroître lui aussi. Au même moment, de plus en plus de pays, voyant arriver ce flux migratoire, resserrent leurs frontières. L’incohérence est intenable et elle le demeurera.

Les dernières années ont été celles de tous les records. Plus de 108 millions de déplacés dans le monde, ce qui correspond à la plus forte hausse annuelle jamais enregistrée, nous dit le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. La guerre en Ukraine y a contribué (de l’ordre du tiers des 19 millions de déplacés de plus qu’en 2021), mais pas que. Les catastrophes naturelles — celles-là mêmes qui ne feront que s’amplifier — ont été responsables de plus de la moitié des déplacements internes au sein des pays frappés.

Le monde a également été le théâtre d’un nombre exceptionnel de conflits (56 en 2020), du jamais vu depuis le début des années 1990. Il ne faut pas se leurrer, ces multiples causes de migration ne feront que se perpétuer.

À ces migrants qui fuient la guerre, la persécution ou les bouleversements de la crise climatique s’ajoutent ceux qui partent en quête de perspectives économiques. Tant que des pays en manque de main-d’oeuvre leur offriront des emplois dont leurs natifs ne veulent pas (en agriculture, en restauration, en soins de santé — on peut penser aux « anges gardiens » de la pandémie), ces migrants continueront de prendre la route. Qu’on tente de la leur barrer ou non.

En Europe comme en Amérique du Nord, la tendance est à la sécurisation de la migration, et ce, par la voie d’une militarisation des interventions, du recours à la détention, de la construction de clôtures sur terre ou en mer. Les budgets de sécurité ont explosé, sans que cela freine les arrivées. Au contraire, les migrants prennent simplement des routes plus dangereuses, comme en témoignent les tragiques naufrages à répétition en Méditerranée ou la mort effroyable de migrants en pleine forêt le long de la frontière canado-américaine. Ce qui « subventionne » au passage une industrie criminelle de trafic de personnes chiffrée à 13 milliards de dollars américains l’an dernier, selon la professeure et chercheuse de l’Université de Montréal Luna Vives Gonzales.

Les déplacements ne sont bien sûr pas tous internationaux. Bien des gens tentent de trouver une vie meilleure dans une ville de proximité. Ainsi, 76 % des déplacés se sont réinstallés dans des pays à faibles ou moyens revenus l’an dernier. Des États qui n’ont souvent pas les infrastructures ni les services nécessaires pour gérer cette explosion imprévue de leur population, ce qui vient exacerber les tensions. L’iniquité avec les pays riches, qui, eux, en auraient davantage les moyens, est frappante.

L’immigration toujours croissante puise toutefois elle aussi dans ces pays des ressources, des logements ou des services, éléments qui pourraient ainsi ne pas suffire à la demande, préviennent des projections démographiques.

Ce qui inquiète les gouvernements. Et la réticence de la population locale à l’accueil d’un nombre plus généreux de migrants vient conforter ces dirigeants. Ce repli sur soi se voit surtout à droite, voire à l’extrême droite, mais la gauche est elle aussi divisée, comme en témoignent les débats internes au sein du Parti démocrate américain. Le climat actuel n’est donc pas passager. La vague migratoire ne l’est cependant pas elle non plus.

L’année 2022 devrait servir autant d’avertissement que d’exemple aux pays de la planète. Aux records migratoires s’adjoint celui des enveloppes internationales d’aide au développement, qui ont également atteint des sommets (204 milliards de dollars américains à l’échelle mondiale, une hausse de 14 %, et la quatrième d’affilée). Là encore, le soutien de nombreux pays à l’Ukraine est venu gonfler les chiffres.

La guerre dans ce pays aura montré que les pays riches sont en mesure d’adapter en temps de crise leurs seuils d’accueil et leurs budgets d’aide aux États moins nantis. Qu’est-ce qui les empêche de récidiver ? Car la solution, pour la suite, devra passer par l’un ou par l’autre.

Les migrants de demain ne se résigneront pas à rester, faute d’invitation à trouver refuge ailleurs, dans une zone de conflit ou sur une terre asséchée. Les pays de la planète (les plus riches, avant tout) devront les accueillir ou alors investir dans l’adaptation climatique, la gouvernance et la stabilité économique afin de les aider à demeurer chez eux ou non loin de leur région.

Le statu quo est impossible et nous mène droit vers un mur. Seule une migration ordonnée permettra à ces déplacés de trouver une vie meilleure en toute sécurité, mais aussi, et surtout, aux gouvernements qui les accueillent de mieux gérer leur intégration et leur arrivée.

Source: Vastel: Quelqu’un devra bien prendre soin des migrants de la vague qui s’en vient

Pauline Marois et Kellie Leitch : deux poids, deux mesures? 

I think Marie Vastel has it wrong here.

Most commentary has been critical of Lietch and her proposed values test for immigrants, including many Conservatives. Comparing a two-week period with the close-to-a-year period of the Quebec Values Charter debates is meaningless. It would have been more interesting to compare the first two weeks following the QVC announcement to make a proper assessment.

But that would take too much time and effort…

La controverse entourant la députée ontarienne reste jeune. Son idée de test de valeurs n’a été révélée qu’il y a deux semaines. Mais, pour l’instant, les commentateurs semblent moins pressés de dresser le même constat qu’au lendemain du dépôt de la charte des valeurs péquiste.

Source: Pauline Marois et Kellie Leitch : deux poids, deux mesures? | Le Devoir