Quebec: Avec la baisse d’étudiants indiens, les collèges privés meurent à petit feu
2024/02/12 Leave a comment
Likely similar to what will happen elsewhere in Canada:
Battant des records d’inscriptions pendant la pandémie, les étudiants étrangers, surtout indiens, ont aujourd’hui déserté les collèges privés non subventionnés, a constaté Le Devoir. Acculés à la faillite, ces établissements disent avoir été décimés par la nouvelle mesure d’immigration du gouvernement du Québec, qui a coupé l’accès au permis de travail postdiplôme.
« Notre réseau est en train de mourir », a laissé tomber Ginette Gervais, présidente de l’Association des collèges privés non subventionnés du Québec (ACPNS). « Certains vont tirer leur épingle du jeu, mais ceux qui s’étaient tournés vers l’international pour avoir plus de clientèle vont avoir du mal. »
Selon des données fournies par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), le nombre d’étudiants étrangers fréquentant ces collèges est en chute libre. Alors qu’ils étaient plus de 10 000 pendant les années de la pandémie — avec un record d’inscrits de 19 000 en 2020-2021 —, ils étaient à peine plus de 1300 à la rentrée scolaire de 2023-2024.
Les étudiants d’origine indienne, qui constituaient alors plus de 85 % de la clientèle étrangère, n’en représentent plus que 5 %. En effet : seulement 78 étudiants indiens étaient inscrits dans ces collèges privés à l’automne dernier alors qu’ils ont déjà été plus de 17 000.
Cette baisse coïncide avec la décision prise en 2022 par les ex-ministres de l’Enseignement supérieur et de l’Immigration, Danielle McCann et Jean Boulet, qui avaient convaincu Ottawa de réserver l’accès au permis de travail postdiplôme uniquement aux immigrants diplômés d’un programme d’étude subventionné. Entrée en vigueur le 1er septembre dernier, la nouvelle mesure a ainsi coupé l’accès à un permis de travail qui pouvait éventuellement mener à la résidence permanente.
Selon le MIFI, ce changement visait à protéger « l’intégrité » en lien avec le recrutement de ces étudiants étrangers, et à contrer des « stratagèmes d’immigration » confirmés par une enquête du ministère de l’Enseignement supérieur. « Plusieurs établissements privés, en grande majorité anglophones, servaient de passerelle à la résidence permanente et au permis de travail pour des ressortissants indiens et chinois », a-t-on affirmé au cabinet de la ministre de l’Immigration. Des médias, dont Le Devoir, avaient levé le voile sur les pratiques douteuses de certains de ces établissements et des problèmes liés à la qualité de l’enseignement.Une mesure qui fait mal
Ginette Gervais, de l’ACPNS, l’affirme sans équivoque : la mesure de Québec a été « le premier coup » donné à la trentaine d’établissements privés qu’elle représente. « La perte du permis de travail postdiplôme a causé beaucoup de dommages », dit-elle, en mentionnant que la goutte qui a fait déborder le vase est l’exigence de la connaissance du français pour obtenir une attestation d’études collégiales (AEC).
« S’ils n’ont plus d’étudiants, ça va être difficile pour les collèges de survivre. » Depuis les dix dernières années, devant la diminution du nombre d’inscrits québécois, ces collèges s’étaient mis au recrutement international. « Tout le monde, même les universités et les cégeps, s’était tourné vers l’international. Et nous, on a bénéficié du fait qu’on offrait des formations plus courtes. »
Président de Collège Canada, qui possède cinq campus partout au Québec, Cyrus Shani ne peut que constater que d’enlever l’accès au permis de travail a fait très mal. « L’impact est immense », a-t-il confié au Devoir. « On avait 5000 étudiants internationaux et locaux, mais depuis les changements, on est tombé à 300 ! »
Fondé en 1976, son collège a d’abord été une école de langues avant d’obtenir en 2003 un permis pour donner des formations de niveau collégial. « Mes collèges ne sont pas rentables. Mais j’ai d’autres compagnies, j’ai une clinique aussi, et c’est ce qui me permet de sauver mes activités d’enseignement », a expliqué M. Shani.
Il dit ne pas en vouloir au gouvernement, mais plutôt aux collèges et aux agences de recrutement qui ont nui. Certains actionnaires de la firme de recrutement Rising Phoenix International avaient d’ailleurs fait l’objet d’une enquête par l’Unité permanente anticorruption (UPAC). « La réglementation, c’est une bonne chose », convient-il. Sauf qu’elle a mené à l’agonie de nombreux établissements qui ne le méritaient pas, selon lui, et que cela prive le gouvernement « de millions en retombées économiques ».Un collège fermé
L’Institut supérieur d’informatique, qui a offert des formations de niveau collégial pendant 25 ans, a été contraint de fermer ses portes en novembre 2022. « On s’est accroché aussi longtemps qu’on a pu », a dit Henriette Morin, qui dirigeait le collège. Plusieurs difficultés, notamment un litige avec Rising Phoenix International, ont sapé toutes les ressources financières de l’école qui a dû faire faillite. « On a fait le maximum pour que les étudiants puissent récupérer leur argent », a tenu à préciser Mme Morin.
Le resserrement autour de l’octroi du permis de travail n’est pas étranger aux problèmes vécus. « Tout ça est lié », note-t-elle. Le fait que son établissement ait tenté de recruter des étudiants indiens, dont l’afflux massif soulevait plusieurs questions au sein du gouvernement, n’a pas aidé. « Qui sait ce qui serait arrivé si on avait tenté de recruter des étudiants en Afrique francophone et au Maghreb. Mais on leur accordait beaucoup moins facilement de visa. »
Pour la présidente de l’ACPNS, les collèges privés non subventionnés n’auront d’autres choix que de se redéfinir et trouver de nouveaux marchés. « Mais ça ne se fait pas en claquant des doigts, soutient Ginette Gervais. On a bien essayé d’expliquer notre réalité [au gouvernement] et les impacts que [ses décisions] ont eus sur nos activités, mais on a très peu d’écoute. »
Si les collèges privés non subventionnés sont « morts » dans leur forme actuelle, ils devront se réinventer, croit aussi Cyrus Shani, de Collège Canada. « En attendant, on vit au jour le jour et on espère que Québec va faire des changements qui vont aider les bons collèges, ceux qui contribuent réellement à la société québécoise. »Source: Avec la baisse d’étudiants indiens, les collèges privés meurent à petit feu
