Le Devoir Éditorial | L’urgence d’agir, dans un an [immigration]
2024/11/06 Leave a comment
Assez critique:
L’urgence d’agir pour resserrer l’accueil en immigration n’est donc finalement que l’affaire du gouvernement fédéral, aux yeux de François Legault. Le premier ministre du Québec et ses troupes caquistes ont beau marteler depuis des mois que les services publics et le parc immobilier sont sous trop haute pression, son gouvernement n’a pas pour autant cru bon de profiter du dévoilement annuel de ses propres seuils en immigration pour les réduire à son tour. Pire, il explique les rehausser momentanément pour agir… dans encore un an.
Au fil des ans, le discours de François Legault s’est avéré aussi inconstant que l’accueil des immigrants permanents par son gouvernement. Il n’est tenu qu’à une seule reprise à sa cible de 40 000 admissions par année, en 2019 (l’année pandémique suivante, lors de laquelle les frontières ont été fermées, étant exclue de toute planification coordonnée). Et jamais, depuis que cette cible a été revue à la hausse, à 50 000 immigrants permanents, n’a-t-elle été respectée. Un quasi-record est maintenant prévu pour l’an prochain (après celui atteint en 2022, pour justement rattraper les années pandémiques), avec l’arrivée attendue en 2025 de jusqu’à 66 500 nouveaux arrivants, dont 13 500 à 15 000 immigrants nouvellement diplômés accueillis en vertu du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).Aux prises avec la popularité de ce volet du PEQ, que sa prédécesseure avait choisi de déplafonner l’an dernier, le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, explique avoir décidé d’ainsi élaguer l’accumulation de ces demandes de résidence permanente tout en imposant un moratoire sur les subséquentes en vue d’avoir les « coudées franches » pour chiffrer ses seuils d’immigration des prochaines années.
Car, pour l’instant, le gouvernement caquiste s’est abstenu de tout geste décisif visant à faire fléchir les tendances migratoires qu’il déplore haut et fort. Il s’en remet plutôt à une planification pluriannuelle immuable, prétextant que celle de l’an dernier, pour 2024-2025, lui lie les mains pour l’année qui s’en vient.
Or, rien n’oblige le ministre Roberge à s’y tenir au chiffre près. La Loi sur l’immigration au Québec indique au contraire qu’il doit simplement établir ses cibles annuelles en « en tenant compte ». M. Roberge devrait le savoir, lui qui vient justement de plus que doubler sans préavis l’accueil prévu de diplômés du PEQ.Qui plus est, le ministre a poussé l’illogisme de son gouvernement jusqu’à refuser de confirmer qu’il se préparait donc à abaisser les seuils dans deux ans. Tout au plus cela fera-t-il « partie des scénarios » étudiés, s’est-il contenté d’avancer.
Les récriminations caquistes contre une volte-face jugée insuffisante du gouvernement fédéral de Justin Trudeau, qui vient pour sa part d’annoncer une réduction de 20 % de l’immigration permanente qu’il contrôle, et ce, dès l’an prochain, tombent à plat. Le refrain de l’inaction fédérale, répété par un gouvernement québécois qui en fait encore moins dans son propre champ de compétence, sonne de plus en plus faux.
Heureusement, le ministre Roberge a vu juste en annonçant que l’équation d’accueil du Québec l’an prochain inclurait enfin — comme celle du fédéral — la réalité des résidents temporaires, trois fois plus nombreux que les immigrants permanents. L’Institut du Québec est venu adresser un éloquent rappel à l’ordre : près de la moitié des résidents non permanents en territoire québécois relèvent de la responsabilité du Québec. Et la forte hausse de l’immigration temporaire depuis trois ans s’explique d’abord par celle de l’octroi de permis de travail (161 400 personnes, soit 49 % de la croissance), et non par l’arrivée massive de demandeurs d’asile (102 000 migrants, ou 31 % de l’augmentation).
Que le gouvernement caquiste s’en tienne encore à des mesures circonscrites pour resserrer l’immigration temporaire, avec un moratoire des travailleurs à bas salaire à Montréal ou un plafond d’étudiants étrangers toujours non chiffré, devient difficilement défendable.
Recadrer le système d’immigration québécois pour en définir et en respecter la capacité d’accueil nécessite justesse et prévoyance. La CAQ tente aujourd’hui de compenser les effets de ses propres politiques visiblement mal attachées, en ayant ouvert la porte en continu aux diplômés du PEQ ou exigé une meilleure maîtrise du français sans appréhender l’explosion prévisible de la demande en francisation. Le ministre Roberge a bien raison de se réjouir du fait que 80 % des immigrants économiques accueillis l’an prochain maîtriseront le français. Cela devrait d’autant plus l’encourager à financer à une juste hauteur l’apprentissage de ceux qui ne rêvent que de pouvoir s’en féliciter à leur tour.L’accueil migratoire, dans un monde de plus en plus imprévisible, requiert une flexibilité. Encore faut-il toutefois qu’elle ne se fasse pas en improvisant. Et encore moins en lorgnant une prochaine campagne électorale, à retardement.
Source: Éditorial | L’urgence d’agir, dans un an
The urgency of acting to tighten the reception in immigration is therefore ultimately only the business of the federal government, in the eyes of François Legault. The Quebec Prime Minister and his Caquist troops have been hammering for months that public services and the real estate stock are under too high pressure, but his government did not think it was good to take advantage of the annual unveiling of its own immigration thresholds to reduce them in turn. Worse, he explains to raise them momentarily to act… in another year.
Over the years, François Legault’s speech has proven to be as fickle as his government’s reception of permanent immigrants. It is only bound once to its target of 40,000 admissions per year, in 2019 (the following pandemic year, during which borders were closed, being excluded from any coordinated planning). And never, since this target was revised upwards, to 50,000 permanent immigrants, has it been respected. A near-record is now planned for next year (after the one reached in 2022, precisely to make up for the pandemic years), with the expected arrival in 2025 of up to 66,500 newcomers, including 13,500 to 15,000 newly graduated immigrants welcomed under the Quebec Experience Program (QEP).
Struggling with the popularity of this component of the PEQ, which its predecessor had chosen to remove last year, the Minister of Immigration, Jean-François Roberge, explains that he decided to prune the accumulation of these applications for permanent residence while imposing a moratorium on the subsequent ones in order to have the “free elbows” to quantify his immigration thresholds for the coming years.
Because, for the moment, the Caquiste government has refrained from any decisive gesture aimed at reducing the migratory tendencies that it deplores loud and clear. Instead, he relies on an immutable multi-year planning, on the pretext that last year’s, for 2024-2025, binds his hands for the year to come.
However, nothing obliges Minister Roberge to stick to it to the nearest number. The Quebec Immigration Act, on the contrary, indicates that it must simply establish its annual targets by “taking them into account”. Mr. Roberge should know this, he who has just more than doubled without notice the planned reception of PEQ graduates.
What’s more, the minister pushed the illogicality of his government to the point of refusing to confirm that it was therefore preparing to lower the thresholds in two years. At most, this will be “part of the scenarios” studied, he simply said.
The caquist recriminations against a reversal considered insufficient by the federal government of Justin Trudeau, which has just announced a 20% reduction in the permanent immigration it controls, starting next year, are falling flat. The refrain of federal inaction, repeated by a Quebec government that does even less in its own field of competence, sounds more and more wrong.
Fortunately, Minister Roberge was right in announcing that the Quebec reception equation next year would finally include — like that of the federal — the reality of temporary residents, three times more numerous than permanent immigrants. The Institut du Québec came to address an eloquent call to order: almost half of non-permanent residents in Quebec territory are the responsibility of Quebec. And the sharp increase in temporary immigration over the past three years is first explained by that of the granting of work permits (161,400 people, or 49% of growth), and not by the massive arrival of asylum seekers (102,000 migrants, or 31% of the increase).
The fact that the Caquist government still sticks to circumscribed measures to tighten temporary immigration, with a moratorium on low-wage workers in Montreal or a ceiling of foreign students still not quantified, becomes difficult to defend.
Reframing the Quebec immigration system to define and respect its reception capacity requires correctness and foresight. The CAQ is now trying to compensate for the effects of its own visibly poorly attached policies, having continuously opened the door to PEQ graduates or demanding a better command of French without apprehending the foreseeable explosion of the demand for francization. Minister Roberge is right to welcome the fact that 80% of economic immigrants welcomed next year will master French. This should all the more encourage him to finance at a fair height the learning of those who only dream of being able to congratulate themselves in turn.
Migrant reception, in an increasingly unpredictable world, requires flexibility. However, it must not be done by improvising. And even less by eyeing an upcoming election campaign, with delay.
