La pandémie force Ottawa à vider ses ambassades, Ottawa tente de régulariser le statut des Canadiens coincés à l’étranger
2020/04/18 Leave a comment
Two articles in French language media on relatively under-covered aspects of COVID-19:
Starting with the reduced staffing of Canadian missions abroad and the impact on consular service. Less concerned about political reporting given the amount of information publicly available:
Radio-Canada a appris qu’une soixantaine de missions diplomatiques ne peuvent désormais qu’assurer le strict minimum en matière d’aide consulaire, puisque le personnel jugé non essentiel à la réponse à la COVID-19 a été ramené d’urgence au Canada depuis quelques semaines, du jamais-vu.
Environ 1000 personnes, diplomates et membres de leur famille, ont ainsi quitté ambassades, hauts-commissariats et autres missions diplomatiques un peu partout sur la planète. Selon nos sources, le personnel diplomatique travaillant dans des pays où le système de santé est jugé peu fiable a été rapatrié en priorité.
L’opération a commencé en janvier par le retour au Canada du personnel non essentiel en Chine, premier foyer d’infection par le coronavirus, avant de se poursuivre dans une soixantaine de pays.
Le ministère [des Affaires étrangères] a un devoir d’assurer la santé et la sécurité de ses employés, indique une source gouvernementale qui a requis l’anonymat pour s’exprimer librement.Les chefs de mission, comme les ambassadeurs, restent toutefois en poste. Si Affaires mondiales Canada demeure en mesure d’assurer les services consulaires d’urgence, le rapatriement massif du personnel force la mise en veilleuse de nombreux programmes.
Dans ces pays, ce sont surtout les programmes d’aide au développement et les missions commerciales qui sont touchés, confie un employé d’Affaires mondiales Canada bien au fait du dossier.
On fait ce qu’on peut à distance, mais c’est sûr que notre capacité à livrer des programmes et faire des suivis est réduite, ajoute cette même source.Les opérations régulières sur le terrain avaient toutefois déjà été lourdement perturbées avant que ces diplomates ne reviennent au Canada, alors que le ministère consacrait tous ses efforts au rapatriement des ressortissants canadiens.
Une « perte de contact » avec le monde
Si le Canada n’avait d’autres choix que de rapatrier un maximum de ses représentants, Gilles Rivard, l’ancien ambassadeur du Canada en Haïti, croit que cette vaste opération nuira en premier lieu à la collecte de renseignements dans les pays où les missions auront réduit leurs ressources au maximum.
On ne produira plus de rapports politiques sur ce qui se passe dans ces pays, c’est une perte de contact que le Canada va vivre, dit-il en entrevue.Gilles Rivard ajoute qu’il ne faut pas négliger les conséquences de la réduction du personnel canadien à l’étranger.
Ça va avoir un impact extrêmement important. Pas juste sur les programmes culturels, mais également sur les programmes d’aide au développement. Il n’y aura plus personne pour suivre les projets sur place qui sont gérés par le Canada, il n’y aura pas de suivi pendant un certain temps, souligne le diplomate de carrière.M. Rivard rappelle cependant que le Canada peut se fier davantage à ses partenaires internationaux, comme la Croix-Rouge, pour gérer les programmes financés par le gouvernement canadien.
Dans ces moments difficiles, l’ancien chef de mission pense aussi beaucoup aux diplomates, autant les rapatriés que ceux restés à l’étranger, et à leur famille.
L’impact sur les proches est immense, dit-il. Dans des cas comme ça, des familles doivent partir en premier et certains diplomates restent derrière, c’est très difficile humainement. Ceux qui doivent partir se sentent coupables de laisser la mission derrière, ce sont des gens qui ont à cœur ce qu’ils font.
Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a indiqué que ce dossier a été abordé durant les discussions qu’il a eues avec ses homologues d’une douzaine de pays lors d’une récente conférence téléphonique.
Ce dossier devrait être de nouveau à l’ordre du jour lors de la sixième conférence téléphonique que M. Champagne doit organiser ce vendredi avec ses vis-à-vis de l’Allemagne, de la France, de l’Angleterre, de la Turquie, de la Corée du Sud, du Brésil, du Mexique, de l’Indonésie, de l’Australie, de l’Afrique du Sud, de Singapour, du Pérou, du Maroc et de l’Union européenne.
Depuis plus d’un moins et demi, et à l’instigation de M. Champagne, les ministres des Affaires étrangères de ces pays se donnent un rendez-vous quasi hebdomadaire afin de discuter des enjeux liés à la COVID-19 qu’ils ont en commun. À la prochaine conférence téléphonique, l’Inde a fait part de son intérêt à y participer.
Au cours des dernières semaines, les responsables de la diplomatie étrangère de ces pays ont pu coordonner leurs efforts pour rapatrier leurs ressortissants respectifs dans un contexte des plus difficiles, discuter des mesures à prendre pour protéger la chaîne d’approvisionnement mondiale en biens essentiels, faciliter l’établissement de ponts aériens et protéger les routes maritimes.
La prolongation des permis de séjour pour les ressortissants qui n’ont pas été en mesure de rentrer dans leur pays fait maintenant partie de dossiers prioritaires.
« L’objectif, c’est de s’assurer que nos ressortissants ne se trouvent pas en violation technique de leur visa ou de leur permis de séjour. Il n’y a pas que des Canadiens qui pourraient se retrouver dans cette situation. Il y a aussi des Australiens, des Britanniques, des Français, etc. Cela fait partie des enjeux que l’on aborde ensemble », a indiqué M. Champagne dans une entrevue accordée à La Presse.
Le ministre a indiqué que les opérations visant à rapatrier les voyageurs canadiens qui se trouvent toujours à l’étranger sont à « 75 % à 80 % » terminées. En date de mardi, les autorités canadiennes ont pu rapatrier 16 606 Canadiens en provenance de 65 pays à partir de 119 vols. Il a répété que malgré tous les efforts qui ont été déployés jusqu’ici, « on ne pourra pas ramener tout le monde ».
Quant au nombre de ressortissants canadiens qui pourraient avoir besoin d’une prolongation de permis de séjour ou de visa, il est difficile d’en dresser un portrait précis. Tout dépendra du succès des opérations de rapatriement qui auront lieu au cours des prochains jours et du nombre de Canadiens qui se seront inscrits auprès des services consulaires.
« S’il y a un moment dans l’histoire où on doit plus collaborer, c’est bien maintenant. Chaque jour, j’ai toujours l’impression que l’on fait un pas de plus », a affirmé le chef de la diplomatie canadienne.
« Dans le cas des opérations de rapatriement, c’est durant ces discussions que plusieurs pays ont décidé de mettre leurs ressources en commun pour faciliter les opérations. On devrait avoir une déclaration commune sur d’autres mesures que l’on veut prendre ensemble après notre rencontre du 17 avril », a-t-il aussi avancé.
Au départ, M. Champagne avait comme objectif de créer un sous-groupe de pays membres du G20 pour discuter des enjeux liés à la pandémie de la COVID-19. Alors que certains de ses collègues évoquaient les problèmes qu’ils éprouvaient dans les efforts de rapatrier leurs ressortissants au Pérou et au Maroc, M. Champagne a décidé d’inviter les ministres des Affaires étrangères de ces deux pays à participer à la conférence téléphonique pour les sensibiliser.
« Je voyais bien que nous avions tous les mêmes enjeux au Pérou et au Maroc. J’ai alors demandé au ministre des Affaires étrangères du Pérou de se joindre à l’appel, comme celui du Maroc. Et ils participent toujours aux appels aujourd’hui, même s’ils ne font pas partie du G20 », a-t-il raconté au bout du fil.
« Ce que j’aime dans la composition régionale, c’est d’abord l’importance des joueurs autour de la table. Ce n’est pas un groupe fermé. Ceux qui veulent s’y joindre – c’est au niveau ministériel – peuvent le faire. Cela nous a permis de développer des liens, de raffermir des liens. Aux dires des collègues, c’est le seul appel régulier qui se tient dans le monde sur la COVID-19 aujourd’hui », a-t-il pris soin de relever.
L’esprit de collaboration qui règne durant ces appels donne espoir à François-Philippe Champagne. Cela pourrait renforcer le multilatéralisme, mis à rude épreuve en ce moment par les États-Unis depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump à Washington.
« Il y aura peut-être un renforcement du multilatéralisme dans le sens où les gens auront vu la nécessité de coordonner, de coopérer et de collaborer face à des enjeux qui dépassent les frontières. On le voit au niveau des changements climatiques, on le voit au niveau du nouveau coronavirus. On est en train de se donner des exemples très concrets où le multilatéralisme prend tout son sens », a-t-il affirmé.
Source: Ottawa tente de régulariser le statut des Canadiens coincés à l’étranger