Meggs: Le système d’immigration n’est plus maîtrisé

Good and valid critique, highlighting some of the inconsistencies and incoherence of immigration policy:

Tous les drapeaux rouges signalent que le système d’immigration au Canada et au Québec n’est plus maîtrisé. Il y a d’abord le nombre de dossiers en attente de traitement au fédéral. Selon un reportage de CBC du 1er février 2022, plus de 1,8 million de dossiers d’immigration permanente, temporaire et de citoyenneté étaient en attente de traitement ! Au rythme noté dans le reportage, si on n’en ajoute pas à la pile, il faudra presque cinq ans pour les traiter.

Mais on persiste à en ajouter à la pile ! Le 11 avril, il y en avait plus de 2 millions, dont 1,1 million de demandes de permis temporaires, une hausse de 230 000 depuis la mi-mars.

Ces personnes à statut temporaire généreront une bonne proportion des nouvelles admissions parce que les gouvernements font tout pour encourager et faciliter le passage de statut temporaire à permanent. Au Québec, au moins 86 % des personnes sélectionnées en 2019 avaient un statut temporaire.

Plus on augmente le nombre de personnes à statut temporaire, plus il faudra augmenter les cibles d’immigration permanente parce que les demandes dépasseront les seuils établis. Il serait politiquement téméraire de refuser de recevoir leurs demandes. Ces personnes sont installées et intégrées au pays depuis des années. Planifier des seuils d’immigration permanente devient redondant dans un contexte d’immigration temporaire non maîtrisée.

Davantage de demandes entraînent une augmentation des coûts. Le gouvernement fédéral a budgété 85 millions de dollars l’automne dernier pour faire baisser le nombre de dossiers à traiter. Dans son dernier budget, il prévoit 2,673 milliards sur cinq ans et 441,3 millions annuellement par la suite en nouveau financement, ainsi que 43,5  millions, en 2022-2023, pour « maintenir le soutien fédéral aux services d’aide juridique à l’immigration et aux réfugiés ».

Outre les hausses de volumes, de délais et de ressources, il y a la multiplication des « politiques d’intérêt public », un mécanisme utilisé par le ministre fédéral pour changer unilatéralement les règles d’octroi de la résidence permanente et de permis temporaires, s’il « estime que l’intérêt public le justifie ».

Utilisées quatre fois entre 2005 et 2013, elles ont pris un envol extraordinaire récemment avec 11 recours en 2020 et 19 en 2021.

Elles touchent des situations tant ponctuelles (les personnes à statut temporaire résultant des incendies en Colombie-Britannique ; le parrainage des personnes réfugiées syriennes et irakiennes) que générales (une forme d’exemption des exigences linguistiques pour les personnes avec un handicap physique ou mental).

Il y a des exemples d’utilisation discriminatoire et manifestement politique. Par exemple, en 2020, l’une d’elles visait « à attirer au Canada des jeunes instruits de Hong Kong, dont on s’attend à ce que leur capital humain et leur expérience internationale contribuent au tissu économique, social et culturel du pays ». Elle témoignerait de la solidarité du Canada « avec d’autres alliés aux vues similaires, de son appui solide à l’égard des valeurs démocratiques et de sa défense de celles-ci ». Il y a sûrement de jeunes diplômés ailleurs dans le monde qui aimeraient être sauvés des régimes autoritaires et répressifs.

Le gouvernement fédéral modifie aussi allègrement les règles d’immigration temporaire. Il a annoncé le 1er avril des assouplissements au Programme des travailleurs étrangers temporaires qui vont sensiblement plus loin que l’entente négociée avec le Québec. En 2016, il a créé un nouveau permis ouvert pour les employeurs hors Québec qui embauchent des francophones de l’étranger. Pourquoi exclure les employeurs québécois de cet avantage ?

Il y a des exemples d’incohérences presque inexplicables. Depuis plusieurs années, le fédéral vante sa politique de rétention des étudiantes et étudiants étrangers sans avoir modifié le Règlement de l’immigration exigeant que la personne faisant une demande de permis d’études au Canada démontre qu’elle quittera le pays à la fin de son séjour.

Les 40 000 Afghans annoncés arriveront avec un statut de réfugié, mais les Ukrainiens auront un permis de travail spécial de trois ans, sans plafond sur le nombre.

Il n’y a aucune consultation systématique avec les gouvernements provinciaux avant la prise de ces décisions. Aucune considération de l’effet de cette augmentation rapide de la population sur des besoins en logement ou en services de garde, ni sur les écoles, les systèmes de santé et de services sociaux, le transport en commun. Il y a très peu d’arrimage possible entre l’expertise et l’expérience de travail des personnes qui arrivent et les besoins locaux du marché de travail.

Le Québec est à la remorque du fédéral à bien des égards. N’ayant aucun moyen d’agir sur les délais de traitement fédéraux, il encourage l’immigration temporaire, ce qui fait augmenter le nombre de demandes d’immigration, et improvise avec de nouveaux programmes qui ne donnent pas les résultats escomptés.

L’immigration est un projet foncièrement humain. Comment penser le réussir sans une vision claire soutenue par une infrastructure législative et administrative efficace ?

Tous les drapeaux rouges signalent que le système d’immigration au Canada et au Québec n’est plus maîtrisé. Il y a d’abord le nombre de dossiers en attente de traitement au fédéral. Selon un reportage de CBC du 1er février 2022, plus de 1,8 million de dossiers d’immigration permanente, temporaire et de citoyenneté étaient en attente de traitement ! Au rythme noté dans le reportage, si on n’en ajoute pas à la pile, il faudra presque cinq ans pour les traiter.

Mais on persiste à en ajouter à la pile ! Le 11 avril, il y en avait plus de 2 millions, dont 1,1 million de demandes de permis temporaires, une hausse de 230 000 depuis la mi-mars.

Ces personnes à statut temporaire généreront une bonne proportion des nouvelles admissions parce que les gouvernements font tout pour encourager et faciliter le passage de statut temporaire à permanent. Au Québec, au moins 86 % des personnes sélectionnées en 2019 avaient un statut temporaire.

Plus on augmente le nombre de personnes à statut temporaire, plus il faudra augmenter les cibles d’immigration permanente parce que les demandes dépasseront les seuils établis. Il serait politiquement téméraire de refuser de recevoir leurs demandes. Ces personnes sont installées et intégrées au pays depuis des années. Planifier des seuils d’immigration permanente devient redondant dans un contexte d’immigration temporaire non maîtrisée.

Davantage de demandes entraînent une augmentation des coûts. Le gouvernement fédéral a budgété 85 millions de dollars l’automne dernier pour faire baisser le nombre de dossiers à traiter. Dans son dernier budget, il prévoit 2,673 milliards sur cinq ans et 441,3 millions annuellement par la suite en nouveau financement, ainsi que 43,5  millions, en 2022-2023, pour « maintenir le soutien fédéral aux services d’aide juridique à l’immigration et aux réfugiés ».

Outre les hausses de volumes, de délais et de ressources, il y a la multiplication des « politiques d’intérêt public », un mécanisme utilisé par le ministre fédéral pour changer unilatéralement les règles d’octroi de la résidence permanente et de permis temporaires, s’il « estime que l’intérêt public le justifie ».

Utilisées quatre fois entre 2005 et 2013, elles ont pris un envol extraordinaire récemment avec 11 recours en 2020 et 19 en 2021.

Elles touchent des situations tant ponctuelles (les personnes à statut temporaire résultant des incendies en Colombie-Britannique ; le parrainage des personnes réfugiées syriennes et irakiennes) que générales (une forme d’exemption des exigences linguistiques pour les personnes avec un handicap physique ou mental).

Il y a des exemples d’utilisation discriminatoire et manifestement politique. Par exemple, en 2020, l’une d’elles visait « à attirer au Canada des jeunes instruits de Hong Kong, dont on s’attend à ce que leur capital humain et leur expérience internationale contribuent au tissu économique, social et culturel du pays ». Elle témoignerait de la solidarité du Canada « avec d’autres alliés aux vues similaires, de son appui solide à l’égard des valeurs démocratiques et de sa défense de celles-ci ». Il y a sûrement de jeunes diplômés ailleurs dans le monde qui aimeraient être sauvés des régimes autoritaires et répressifs.

Le gouvernement fédéral modifie aussi allègrement les règles d’immigration temporaire. Il a annoncé le 1er avril des assouplissements au Programme des travailleurs étrangers temporaires qui vont sensiblement plus loin que l’entente négociée avec le Québec. En 2016, il a créé un nouveau permis ouvert pour les employeurs hors Québec qui embauchent des francophones de l’étranger. Pourquoi exclure les employeurs québécois de cet avantage ?

Il y a des exemples d’incohérences presque inexplicables. Depuis plusieurs années, le fédéral vante sa politique de rétention des étudiantes et étudiants étrangers sans avoir modifié le Règlement de l’immigration exigeant que la personne faisant une demande de permis d’études au Canada démontre qu’elle quittera le pays à la fin de son séjour.

Les 40 000 Afghans annoncés arriveront avec un statut de réfugié, mais les Ukrainiens auront un permis de travail spécial de trois ans, sans plafond sur le nombre.

Il n’y a aucune consultation systématique avec les gouvernements provinciaux avant la prise de ces décisions. Aucune considération de l’effet de cette augmentation rapide de la population sur des besoins en logement ou en services de garde, ni sur les écoles, les systèmes de santé et de services sociaux, le transport en commun. Il y a très peu d’arrimage possible entre l’expertise et l’expérience de travail des personnes qui arrivent et les besoins locaux du marché de travail.

Le Québec est à la remorque du fédéral à bien des égards. N’ayant aucun moyen d’agir sur les délais de traitement fédéraux, il encourage l’immigration temporaire, ce qui fait augmenter le nombre de demandes d’immigration, et improvise avec de nouveaux programmes qui ne donnent pas les résultats escomptés.

L’immigration est un projet foncièrement humain. Comment penser le réussir sans une vision claire soutenue par une infrastructure législative et administrative efficace ?

Anne Michèle Meggs Ancienne directrice de la planification et de la reddition de comptes du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Source: Le système d’immigration n’est plus maîtrisé

Le dossier de l’immigration au Québec va mal

Apart from the administrative issues (a natural result of distinct jurisdictional responsibilities that should be addressed administratively), the main argument is for transferring responsibility for temporary migration to Quebec. Given the Quebec government’s overall approach to immigration, hard to see that this would result in improved administration or outcomes.

And complaining that Quebec does not receive integration funds for temporary workers is cheeky, given the overly generous financial support for integration under the Quebec-Canada accord (https://vancouversun.com/business/douglas-todd-quebec-to-get-10-times-more-than-b-c-and-ontario-to-settle-immigrants):

Le 6 juillet dernier, Robert Dutrisac note que « [la] superposition des administrations canadiennes et québécoises [en matière d’immigration] cause des lourdeurs inacceptables dont il faudra bien se débarrasser ».

Il a raison d’expliquer pourquoi cela prend plus de temps pour obtenir la résidence permanente au Québec. En effet, une personne sélectionnée au Québec reçoit un Certificat de sélection du Québec (CSQ) et ensuite fait une demande de résidence permanente au fédéral. Après avoir fait les vérifications de santé et de sécurité, le fédéral est tenu d’accorder la résidence permanente selon l’Accord Canada-Québec sur l’immigration signé en 1991. Quelqu’un qui se destine à ailleurs au Canada n’a pas à passer par l’étape du CSQ.

Le Devoir a offert ces derniers mois plusieurs exemples montrant que le dossier de l’immigration au Québec va mal et combien chevauchement gouvernemental s’ajoute souvent au problème.

Des personnes sélectionnées par le Québec en attente de leur résidence permanente ne réussissent pas à faire renouveler leur permis de séjour temporaire ; des demandeurs d’asile qui contribuent à notre société attendent pour savoir si leur demande de résidence permanente sera approuvée ; sans parler des étudiantes et étudiants étrangers séduits à s’inscrire à des collèges privés avec une promesse de résidence permanente au Canada ou des travailleurs agricoles qui subissent des conditions de travail inacceptables au Québec, liés à leur employeur par un permis de travail temporaire fermé.

Les solutions proposées vont dans tous les sens. Les employeurs réclament une hausse de seuils d’immigration pour pourvoir à la pénurie de main-d’œuvre. Un parti politique réclame une baisse des seuils d’immigration pour protéger notre langue et notre culture. Un autre semble vouloir offrir la résidence permanente essentiellement à tout le monde qui veut s’installer au Québec. Le gouvernement parle de négociations qui traînent avec le fédéral pour accélérer la régularisation des personnes sélectionnées et pour plus de contrôle sur le programme des travailleurs étrangers temporaires.

Pendant ce temps, plus de 80 millions de personnes ont été déplacées sur la planète en 2020 à cause des conflits. Combien de milliers d’autres pour des raisons de catastrophes naturelles ? On ne connaît pas encore l’effet à long terme de la pandémie sur la migration économique ou pour les études.

L’immigration temporaire a pris le dessus

L’Accord Canada-Québec signé il y a 30 ans ne suffit plus à la tâche. Le gouvernement du Québec d’alors cherchait à déterminer les volumes d’arrivées et à appliquer une grille de sélection spécifique aux besoins démographiques, socio-économiques et linguistiques du Québec. Il voulait également plein contrôle des services d’intégration socioéconomiques et linguistiques. Presque tout dans l’Accord concerne l’immigration permanente. Même la compensation du fédéral prévue pour les services d’intégration ne touche que les personnes avec un statut de résidence permanente.

Aujourd’hui, c’est l’immigration temporaire qui a pris le dessus, sans planification des volumes. En 2019, l’année où le gouvernement du Québec a baissé le nombre d’admissions de 20 % pour l’établir à 40 000, il y avait près de 160 000 personnes avec un permis temporaire au Québec au 31 décembre, excluant les personnes ayant fait une demande d’asile.

L’immigration temporaire inclut les personnes de l’étranger qui étudient ou travaillent ici, avec des permis fermés ou ouverts qui comprennent leurs conjointes et conjoints et les travailleuses et travailleurs agricoles. Un grand nombre veulent rester et ils y sont même encouragés.

Ces personnes restent souvent au Québec pendant quelques années avant de faire leur demande de résidence permanente. Pendant ce temps, les seules exigences linguistiques qui s’appliquent sont celles des établissements d’enseignement supérieur ou des employeurs. Ils peuvent envoyer leurs enfants à des écoles publiques anglaises. En dépit des grands nombres, la pénurie de main-d’œuvre perdure.

C’est le gouvernement fédéral qui décide les conditions des permis de séjour temporaire et qui traite les dossiers de demande d’asile. Dans le budget fédéral de février dernier, un financement de 49,5 millions de dollars sur trois ans a été annoncé pour appuyer les organismes communautaires qui offrent des programmes et des services d’orientation aux travailleurs migrants. Puisque ces services ne visent pas les résidents permanents, ils ne seront pas couverts par l’Accord Canada-Québec. Le Québec n’aura donc plus le plein contrôle sur le message aux personnes arrivant sur le territoire, ni sur la langue de ce message.

Monsieur Robert Dutrisac affirme avec raison que « le Québec doit, pour des raisons évidentes, garder le contrôle de son immigration ». Malheureusement, il est presque trop tard. Ce ne sont pas les petits pansements ici et là dans les processus qui suffiront à remédier à la situation.

Est-ce que le Québec saurait faire bon usage d’un réel contrôle de son système d’immigration et d’intégration ? Est-ce possible un Accord modernisé ? Il est plus que temps de trouver les réponses à ces questions.

Ancienne directrice de la planification et de la reddition de comptes, ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Source: https://www.ledevoir.com/opinion/idees/617817/quebec-le-dossier-de-l-immigration-va-mal?utm_source=infolettre-2021-07-14&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne