Girard | Une laïcité sagement bonifiée, A wisely improved secularism

Positive and comprehensive assessment from a former director of the Canadian Human Rights Commission (I would disagree with the “wisely” as it over simplifies the lived experiences of women):

…En droit québécois et en droit canadien, la dignité humaine est aussi protégée. Les dispositions du PL 9 concernant les vêtements religieux qui couvrent le visage semblent donc aussi conformes aux Chartes.

En plus d’être légitimes, les principales propositions du PL 9 bonifient le modèle de laïcité de l’État choisi par le Québec pour assurer sa neutralité religieuse. Cela est d’autant plus important que la laïcité de l’État est une des conditionssine qua non pour mettre fin aux inégalités qui touchent les femmes telles qu’elles sont promues par les grandes religions monothéistes. En s’assurant de la neutralité religieuse de l’État, la laïcité protège certains lieux publics de l’influence des pratiques religieuses sexistes auprès de ses citoyens.

L’autrice est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle signe ce texte à titre personnel.

Source: Idées | Une laïcité sagement bonifiée

… In Quebec law and Canadian law, human dignity is also protected. The provisions of PL 9 concerning religious clothing that covers the face therefore also appear to be in accordance with the Charters.

In addition to being legitimate, the main proposals of PL 9 improve the state’s model of secularism chosen by Quebec to ensure its religious neutrality. This is all the more important as the secularism of the State is one of the qua non conditions to end the inequalities that affect women as they are promoted by major monotheistic religions. By ensuring the religious neutrality of the state, secularism protects certain public places from the influence of sexist religious practices among its citizens.

The author is a retired member of the Canadian Human Rights Commission. She signs this text in a personal capacity.

Ravet | Une laïcité antireligieuse est une mauvaise voie

Important nuanced take on laïcité:

Le Rassemblement pour la laïcité est bien connu pour ses positions à l’égard de la religion, qu’il classe d’emblée comme facteur d’endoctrinement, de division et de conflits sociaux. De sa part, on sait toujours à quoi s’attendre de la religion, quelle qu’elle soit. Et le portait n’est guère reluisant. Se nourrissant exclusivement de ses pires expressions, il milite pour interdire toutes manifestations religieuses dans l’espace public au nom de la laïcité. Car selon sa conception de la laïcité, et la neutralité dont elle se réclame, tout ce qui relève du religieux devrait être refoulé le plus possible dans la sphère intime pour neutraliser les effets potentiellement néfastes sur la société.

Mais contrairement à ce qui est affirmé, la « laïcité » ainsi comprise n’est pas neutre à l’égard des religions, elle est farouchement contre. Les croyants sont d’emblée posés comme « objets » de la laïcité, jamais comme sujets, ni acteurs. Comment le pourraient-ils puisqu’ils sont la cible de ladite laïcité et que tout signe de croyance serait en soi signe de prosélytisme, d’embrigadement ou d’obscurantisme ?

Or, la laïcité n’est pas la propriété des non-croyants sauf à en faire une idéologie antireligieuse. Au nom du vivre ensemble et du bien commun, elle est une part commune à tous les citoyens, croyants et non croyants, nous renvoyant à notre humanité commune que nous sommes tous appelés à approfondir, à faire croître dans la part du monde qui nous est donnée. Les religions ont leur part à jouer.

L’article publié par huit membres du Rassemblement pour la laïcité (« Une réflexion sur la laïcité dans les cégeps s’impose », dans Le Devoir du 2 juillet) est symptomatique de cette orientation idéologique de la laïcité conçue au détriment de la religion et des croyants. Les auteurs peuvent ainsi affirmer sans justification à l’appui, comme si cela allait de soi, que « si la culture, ou même la politique, est bien au cœur de la vitalité académique des cégeps, il n’en va pas de même de la religion qui relève de croyances et facilite le cloisonnement communautaire ».

Cette affirmation sans nuances est éminemment réductrice puisqu’elle ne retient de la religion que ses manifestations sectaires. On pourrait, par ce même procédé, dénigrer tout autant la culture et la politique — qui relèvent aussi de croyances partagées, ce que feignent d’ignorer les auteurs — en ne retenant de celles-ci que leurs expressions fanatiques et sectaires. Cependant, s’il est possible de le faire aussi cavalièrement avec le religieux, c’est que s’impose de plus en plus une représentation sociale de la religion qui va dans cette direction.

Une réalité complexe

Le rapport d’enquête sur les cégeps Dawson et Vanier en est un bel exemple, qui reproduit les mêmes affirmations sans prendre le soin d’en donner les raisons, en ne citant qu’un article du Regroupement pour la laïcité sur un cégep et en ignorant un rapport de trois chercheurs universitaires portant sur 10 cégeps et 10 universités beaucoup plus nuancé. C’est inquiétant. Car on s’empêche ainsi de penser une réalité complexe qui a ses racines dans une part importante de la population.

Les médias ont d’ailleurs leur part de responsabilité dans ce phénomène en ne parlant généralement de la religion qu’en rapport à ses manifestations négatives, dogmatiques ou sectaires. Ce faisant, on ne se rend pas compte qu’on est en train de construire une société qui marginalise et invisibilise les « personnes concrètes » qui trouvent dans la religion une voie privilégiée d’humanisation — car elles n’ont pas droit de cité : cachez ce que vous êtes, car vous menacez le vivre ensemble. Un tel bannissement, en plus de favoriser le fanatisme religieux, qui se trouve conforté par cette exclusion sociale, peut faire obstacle à l’inculturation et à l’engagement citoyen de nouveaux arrivants qui proviennent de sociétés qui n’ont pas ce regard entièrement négatif du religieux et qui se sentent « dévalorisés » dans leur être même.

Comme rédacteur en chef de la défunte revue Relations, dans laquelle croyants et incroyants, ou « autrement-croyants », selon le mot heureux de Michel de Certeau, œuvraient conjointement pour une société juste, j’ai toujours plaidé pour ma part en faveur d’une compréhension de la laïcité qui n’est pas fondée sur l’invisibilisation des religions et des croyants, ni encore moins leur rejet, menant à faire de la laïcité une « religion dominante ». Le principe de neutralité religieuse propre à la laïcité ne vise pas à ignorer les religions, mais, au contraire, à accueillir sereinement ses expressions individuelles et collectives dans la sphère publique sans leur plaquer, sans autre forme de procès, les stigmates de l’anathème. Ce qui en est cependant exclu, dans l’espace public, c’est toute prétention, de leur part, à la vérité inquestionnable, à la domination, à l’embrigadement.

La laïcité ainsi comprise favorise l’humanisation de toutes croyances, tant culturelles, politiques que religieuses, en mettant de l’avant le travail interprétatif des croyances et leur mise en dialogue. Car la politique et la culture peuvent comme la religion devenir toxiques quand elles sont sous l’emprise idéologique qui sacralise une idée au point que l’humain est sacrifié sur son autel, et le réel réduit à cette idée.

Cessons donc de brandir l’épouvantail du prosélytisme ou du sectarisme religieux dans le but de promouvoir une laïcité qui serait en soi antireligieuse. La laïcité mérite mieux que ça.

Jean-Claude Ravet L’auteur, écrivain, a fait paraître «La nuit et l’aube. Résistance spirituelle à la destruction du monde» (Nota Bene, 2024).

Source: Idées | Une laïcité antireligieuse est une mauvaise voie

The Rally for Secularism is well known for its positions on religion, which it immediately classifies as a factor of indoctrination, division and social conflict. For its part, we always know what to expect from religion, whatever it may be. And the wear is hardly shiny. Feeding exclusively on his worst expressions, he campaigned to prohibit all religious manifestations in public space in the name of secularism. Because according to its conception of secularism, and the neutrality it claims, everything that is religious should be repressed as much as possible in the intimate sphere to neutralize the potentially harmful effects on society.

But contrary to what is claimed, the “secularism” thus understood is not neutral towards religions, it is fiercely against. Believers are immediately posed as “objects” of secularism, never as subjects or actors. How could they since they are the target of said secularism and that any sign of belief would in itself be a sign of proselytism, brigade or obscurantism?

However, secularism is not the property of non-beliefs except to make it an anti-religious ideology. In the name of living together and the common good, it is a common part of all citizens, believers and non-believers, referring us to our common humanity that we are all called upon to deepen, to grow in the part of the world that is given to us. Religions have their part to play.

The article published by eight members of the Rassemblement pour la laïcité (“A reflection on secularism in the CEGEPS is imposed”, in Le Devoir of July 2) is symptomatic of this ideological orientation of secularism conceived to the detriment of religion and believers. The authors can thus affirm without supporting justification, as if it were self-evident, that “if culture, or even politics, is at the heart of the academic vitality of CEGEPs, the same is not true of religion, which is a matter of beliefs and facilitates community partitioning”.

This unnuanted statement is eminently reductive since it retains from religion only its sectarian manifestations. We could, by this same process, denigrate culture and politics just as much – which are also shared beliefs, which the authors pretend to ignore – by retaining from them only their fanatical and sectarian expressions. However, if it is possible to do so cavally with the religious, it is because a social representation of religion that goes in this direction is increasingly necessary.

A complex reality

The survey report on the Dawson and Vanier CEGEPs is a good example, which reproduces the same statements without taking care to give the reasons, citing only one article of the Regroupement pour la la laïcité on a CEGEP and ignoring a report by three university researchers on 10 CEGEPs and 10 universities much more nuanced. It’s worrying. Because this prevents us from thinking about a complex reality that has its roots in a significant part of the population.

The media also have their share of responsibility for this phenomenon by generally speaking of religion only in relation to its negative, dogmatic or sectarian manifestations. In doing so, we do not realize that we are building a society that marginalizes and makes invisible the “concrete people” who find in religion a privileged way of humanization – because they have no right of citizenship: hide what you are, because you threaten living together. Such a banishment, in addition to promoting religious fanaticism, which is reinforced by this social exclusion, can hinder the inculturation and civic engagement of newcomers who come from societies that do not have this entirely negative view of the religious and who feel “devalued” in their very being.

As editor-in-chief of the defunct magazine Relations, in which believers and unbelievers, or “otherwise believers”, according to the happy word of Michel de Certeau, worked jointly for a just society, I have always argued for my part in favor of an understanding of secularism that is not based on the invisibilization of religions and believers, let alone their rejection, leading to making secularism a “dominant religion”. The principle of religious neutrality specific to secularism does not aim to ignore religions, but, on the contrary, to serenely welcome one’s individual and collective expressions in the public sphere without placing them, without any other form of trial, with the stigmas of the anathema. What is excluded, however, in the public space, is any claim, on their part, to the unquestionable truth, to domination, to embrigadement.

The secularism thus understood promotes the humanization of all beliefs, both cultural, political and religious, by highlighting the interpretative work of beliefs and their dialogue. Because politics and culture can become toxic like religion when they are under the ideological influence that sacralizes an idea to the point that the human being is sacrificed on his altar, and reality reduced to this idea.

So let’s stop brandishing the scarecrow of proselytism or religious sectarianism in order to promote a secularism that would in itself be anti-religious. Secularism deserves better than that.

Jean-Claude Ravet The author, writer, published “The night and the dawn. Spiritual resistance to the destruction of the world” (Nota Bene, 2024).

Locaux de prières à Dawson et Vanier: Une étude importante absente du rapport d’enquête

Interesting omission:

« Il y a un manque de nuance flagrant dans ce rapport », constate Frédéric Dejean, professeur au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal.

Spécialiste des questions religieuses, il reste perplexe devant certaines observations faites sur les locaux de prière dans le rapport d’enquête visant les collèges Dawson et Vanier, dévoilé la semaine dernière.

Surtout, il s’étonne de voir que ses travaux, qui portent précisément sur cette question, ne figurent nulle part dans le document.

Avec deux autres professeurs de l’Université de Sherbrooke, M. Dejean a étudié il y a quelques années les pratiques d’accommodements religieux dans les établissements d’enseignement supérieur, dont les locaux de prière.

La demande venait directement des ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, qui ont financé l’étude.

Au total, les chercheurs ont mené une centaine d’entrevues dans 17 cégeps et universités à travers la province, qui ont servi à élaborer un guide sur les accommodements religieux destiné aux intervenants et aux gestionnaires.

Les résultats de l’étude ont été transmis au gouvernement caquiste en 2019. « On a fait un travail qui donnait un état des lieux assez juste en matière de locaux religieux », affirme Frédéric Dejean.

Le rapport d’enquête sur les collèges Dawson et Vanier, rédigé par des fonctionnaires de la Direction des enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur, n’en fait pourtant aucune mention, bien qu’il s’attarde longuement sur la question des locaux de prière

Pour le chercheur, c’est un problème. Certaines informations rapportées ne correspondent pas à ce qu’il a observé dans ses recherches.

Conclusion sans base scientifique

Un passage du rapport affirme que les locaux de prière ne font « qu’alimenter un climat de radicalisation, de repli communautaire et de méfiance réciproque à l’intérieur du cégep ».

Cette information, présentée « comme une vérité qui ne se discute pas », n’a aucune base scientifique, soutient Frédéric Dejean.

Elle provient d’une lettre ouverte signée par un groupe de militantes québécoises en faveur de la laïcité publiée dans les médias en 2023, comme le rapportait La Presse.

« Ce n’est pas du tout un texte de recherche », critique le professeur.

Plus loin, le rapport soutient que les salles de prière peuvent être vues « comme un privilège, voire un élément facilitant la radicalisation et le prosélytisme », encore une fois sans référence. 

Frédéric Dejean déplore que le rapport ne s’appuie pas sur des données probantes pour aborder « un sujet aussi sensible et complexe ».

Selon ses recherches, la réalité est beaucoup plus nuancée. « Il y a énormément de cégeps, universités qui ont des locaux religieux. Dans la plupart des institutions, ça se passe très, très bien. »

S’ils peuvent parfois représenter un « irritant », les accommodements religieux ne constituent pas un « problème majeur » au sein des établissements d’enseignement, concluait l’étude à laquelle il a participé. 

Mais il ne faut pas « non plus être complètement naïf », souligne le professeur, qui travaillait au collège de Maisonneuve lorsqu’un groupe d’élèves radicalisés étaient partis combattre en Syrie. 

Pour cette raison, l’étude recommandait aux directions qui fournissaient des espaces de prière d’effectuer un suivi serré de leur utilisation. 

Il est à noter que les collèges Dawson et Vanier n’ont pas participé à l’étude. L’échantillonnage incluait toutefois d’autres établissements anglophones, comme le collège Champlain. 

Laïcité de l’État

Contacté par La Presse, le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a affirmé qu’il ne commenterait pas la façon dont a été réalisée une enquête indépendante.

Commandée par la ministre, l’enquête visait à évaluer si les collèges Vanier et Dawson avaient pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des élèves, dans le contexte du conflit explosif au Moyen-Orient.

Le rapport a finalement conclu que les deux cégeps anglophones ont agi en conformité avec les encadrements légaux et ministériels.

Il a toutefois ouvert la porte au gouvernement pour qu’il resserre certains règlements et lois s’appliquant à l’ensemble du réseau collégial, notamment la Loi sur la laïcité de l’État.

À la sortie du rapport, la ministre Pascale Déry a déclaré qu’elle n’hésiterait pas à « encadrer ou corriger certaines pratiques ».

Source: Locaux de prières à Dawson et Vanier Une étude importante absente du rapport d’enquête

“There is a glaring lack of nuance in this report,” says Frédéric Dejean, a professor in the Department of Religious Sciences at the Université du Québec à Montréal.

A specialist in religious issues, he remains perplexed by some observations made on the prayer rooms in the investigation report for Dawson and Vanier colleges, unveiled last week.

Above all, he is surprised to see that his work, which deals precisely with this issue, does not appear anywhere in the document.

With two other professors from the University of Sherbrooke, Mr. A few years ago, Dejean studied the practices of religious accommodation in higher education institutions, including prayer rooms.

The request came directly from the Ministries of Education and Higher Education, which funded the study.

In total, the researchers conducted about 100 interviews in 17 CEGEPs and universities across the province, which were used to develop a guide on religious accommodations for stakeholders and managers.

The results of the study were transmitted to the Caquist government in 2019. “We did a job that gave a fairly fair inventory in terms of religious premises,” says Frédéric Dejean.

The investigation report on Dawson and Vanier Colleges, written by officials from the Investigations Directorate of the Ministry of Higher Education, does not mention this, although it dwells at length on the issue of prayer rooms

For the researcher, this is a problem. Some of the information reported does not correspond to what he observed in his research.

Conclusion without scientific basis

A passage in the report states that the prayer rooms “only feed a climate of radicalization, community withdrawal and mutual distrust within the CEGEP”.

This information, presented “as a truth that cannot be discussed”, has no scientific basis, says Frédéric Dejean.

It comes from an open letter signed by a group of Quebec activists in favor of secularism published in the media in 2023, as reported by La Presse.

“This is not a research text at all,” criticizes the professor.

Further on, the report argues that prayer rooms can be seen “as a privilege, even an element facilitating radicalization and proselytism”, again without reference.

Frédéric Dejean regrets that the report does not rely on evidence to address “such a sensitive and complex subject”.

According to his research, the reality is much more nuanced. “There are a lot of CEGEPs, universities that have religious premises. In most institutions, it’s going very, very well. ”

If they can sometimes represent an “irritating”, religious accommodations are not a “major problem” within educational institutions, concluded the study in which he participated.

But we must not “be completely naive either,” says the teacher, who worked at Maisonneuve College when a group of radicalized students went to fight in Syria.

For this reason, the study recommended that directions that provided prayer spaces closely monitor their use.

It should be noted that Dawson and Vanier Colleges did not participate in the study. However, the sampling included other English-speaking institutions, such as Champlain College.

Secularism of the State

Contacted by La Presse, the office of the Minister of Higher Education, Pascale Déry, said that it would not comment on the way in which an independent investigation was carried out.

Commissioned by the Minister, the investigation aimed to assess whether Vanier and Dawson Colleges had taken all the necessary measures to ensure the safety of students, in the context of the explosive conflict in the Middle East.

The report finally concluded that the two English-speaking CEGEPs acted in accordance with the legal and ministerial frameworks.

However, he opened the door to the government to tighten certain regulations and laws that apply to the entire collegiate network, including the Act respecting the Secularism of the State.

At the release of the report, Minister Pascale Déry said that she would not hesitate to “frame or correct certain practices”.