C’est une grande contradiction du gouvernement Legault. Et il tentera de corriger le tir dans les prochaines semaines.
À moins d’un revirement de dernière minute, il proposera trois scénarios de baisse du seuil d’immigration permanente pour les prochaines années. Ces scénarios fixeront le seuil sous les 50 000 nouveaux arrivants par année à compter de 2026, année électorale. On pourrait donc avoisiner les 35 000 promis par le Parti québécois dans son plan présenté l’automne dernier. Les scénarios seront soumis à une consultation ce printemps pour être adoptés d’ici juin.
Le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a préparé le terrain à cette réduction en imposant l’automne dernier un moratoire sur deux importants programmes d’immigration permanente : le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ) et le Programme de l’expérience québécoise destiné aux diplômés (PEQ-Diplômés). Québec n’accepte plus de nouvelles demandes depuis. Le moratoire est en vigueur jusqu’en juin.
Cette décision n’a toutefois pas une incidence à très court terme. À preuve, le gouvernement prévoit tout de même jusqu’à 67 000 nouveaux arrivants cette année, frôlant le record de 2022.
Sans le moratoire, le Québec était en voie d’en accueillir environ 70 000. Pourquoi ? En bonne partie parce qu’il y a eu explosion des demandes de la part des diplômés via le PEQ, à la suite d’une décision prise en 2023.
Christine Fréchette, alors ministre de l’Immigration, avait décidé que les personnes sélectionnées dans le cadre de ce programme seraient admises « en continu », sans aucun plafond. Québec a pour ainsi dire ouvert les vannes, plaidant que le PEQ était réservé surtout aux étudiants ayant obtenu un diplôme dans un programme donné en français.
Le premier ministre François Legault n’est donc pas parvenu à respecter sa promesse électorale : maintenir un seuil de 50 000. Dépasser ce seuil est « suicidaire » pour la nation québécoise, plaidait-il pourtant en campagne électorale en 2022. Il avait eu la même difficulté dans ce dossier durant son premier mandat, alors qu’il avait promis un maximum de 40 000 nouveaux arrivants par année.
Dans les faits, Québec a réduit le seuil d’immigration seulement au début de son premier mandat. Il l’a abaissé à 40 000 nouveaux arrivants en 2019. Si on met de côté la pandémie, qui a évidemment freiné l’immigration en 2020, le seuil a augmenté à au moins 50 000 par année depuis 2021 avec un sommet de 68 700 en 2022.
Au-delà du nombre, l’important est aussi de connaître le profil des immigrants que l’on accepte. Sur ce plan, le gouvernement Legault récoltera-t-il les fruits attendus de ses décisions ? Il y a deux ans, il a rehaussé les exigences en matière de français pour l’ensemble des immigrants permanents. Les indications entre les mains du gouvernement laissent croire que 80 % des nouveaux arrivants qui seront admis cette année auront une connaissance du français. Ce serait 10 points de plus qu’en 2024 et les années précédentes. À suivre.
Angle mort
À quoi bon débattre d’un seuil pour réduire l’immigration permanente si l’immigration temporaire continue d’augmenter ? C’était l’angle mort du dossier jusqu’ici, et Québec va corriger le tir là aussi.
Pour la toute première fois, la « planification pluriannuelle » du gouvernement Legault tiendra compte de cette immigration temporaire.
Le nombre de résidents non permanents a plus que doublé depuis 2021 pour dépasser les 600 000. Parmi eux figurent les demandeurs d’asile, dont le nombre a triplé au cours de la même période. Le Québec compte 40 % des demandeurs d’asile du pays.
Cette immigration temporaire met sous pression les services publics, martèle le gouvernement. François Legault en fait d’ailleurs la cause sous-jacente de la crise du logement et de la pénurie d’enseignants. Et la semaine dernière en Chambre, il a même établi un lien avec la crise de l’itinérance à Montréal.
Le gouvernement a commencé à agir pour réduire cette part de l’immigration. Il a décidé de limiter le nombre d’étudiants étrangers. Il a suspendu le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour certains emplois dans l’île de Montréal, une mesure qui est reconduite jusqu’à la fin de novembre et qui sera étendue à Laval en mars.
Surtout, le premier ministre fait pression sur Ottawa, qui contrôle une partie de l’immigration temporaire et qui a pris certaines mesures pour la réduire dans les derniers mois.
M. Legault veut que le fédéral aille plus loin et, notamment, qu’il réduise de moitié le nombre de demandeurs d’asile installés au Québec. Quitte à les déplacer de force dans d’autres provinces, a-t-il suggéré l’automne dernier, une proposition qui a soulevé la controverse.
Le gouvernement a soupesé d’autres options afin de pousser 80 000 demandeurs d’asile à quitter le Québec pour une autre province. Par exemple, payer une indemnité aux demandeurs en échange de leur départ et réduire les services offerts par l’État, comme le chèque d’aide sociale.
Il faut s’attendre à ce que François Legault tente d’augmenter la pression sur les partis politiques fédéraux alors que des élections approchent. Mais il a fait chou blanc jusqu’ici avec sa principale demande de rapatrier les pleins pouvoirs en immigration.
This is a great contradiction of the Legault government. And he will try to correct the shot in the coming weeks.
Unless there is a last-minute turnaround, it will propose three scenarios for lowering the permanent immigration threshold for the next few years. These scenarios will set the threshold below 50,000 newcomers per year starting in 2026, the election year. We could therefore be close to the 35,000 promised by the Quebec Party in its plan presented last fall. The scenarios will be submitted for consultation this spring to be adopted by June.
The Minister of Immigration, Jean-François Roberge, prepared the ground for this reduction by imposing a moratorium last fall on two important permanent immigration programs: the Regular Skilled Worker Program (PRTQ) and the Quebec Experience Program for Graduates (PEQ-Diplômés). Quebec has not accepted new requests since then. The moratorium is in effect until June.
However, this decision does not have a very short-term impact. As proof, the government still expects up to 67,000 newcomers this year, close to the record of 2022.
Without the moratorium, Quebec was on its way to welcoming about 70,000. Why? In large part because there has been an explosion of requests from graduates via the PEQ, following a decision taken in 2023.
Christine Fréchette, then Minister of Immigration, had decided that the people selected under this program would be admitted “continuously”, without any ceiling. Quebec City has almost opened the floodgates, arguing that the PEQ was reserved mainly for students who obtained a diploma in a given program in French.
Prime Minister François Legault therefore failed to meet his electoral promise: to maintain a threshold of 50,000. Exceeding this threshold is “suicidal” for the Quebec nation, he pleaded in the election campaign in 2022. He had had the same difficulty in this case during his first term, when he had promised a maximum of 40,000 newcomers per year.
In fact, Quebec only reduced the immigration threshold at the beginning of its first term. He lowered it to 40,000 newcomers in 2019. If we put aside the pandemic, which obviously slowed down immigration in 2020, the threshold has increased to at least 50,000 per year since 2021 with a peak of 68,700 in 2022.
Beyond the number, the important thing is also to know the profile of the immigrants we accept. On this level, will the Legault government reap the expected fruits of its decisions? Two years ago, he raised French requirements for all permanent immigrants. The indications in the hands of the government suggest that 80% of the newcomers who will be admitted this year will have a knowledge of French. That would be 10 points more than in 2024 and previous years. To be continued.
Blind spot
What is the point of discussing a threshold to reduce permanent immigration if temporary immigration continues to increase? It was the blind spot of the file so far, and Quebec will correct the shot there too.
For the very first time, the Legault government’s “multi-year planning” will take this temporary immigration into account.
The number of non-permanent residents has more than doubled since 2021 to exceed 600,000. These include asylum seekers, the number of whom has tripled over the same period. Quebec has 40% of the country’s asylum seekers.
This temporary immigration puts pressure on public services, the government hammers. François Legault makes it the underlying cause of the housing crisis and the shortage of teachers. And last week in the Chamber, he even established a link with the homelessness crisis in Montreal.
The government has begun to act to reduce this share of immigration. He decided to limit the number of foreign students. It suspended the Temporary Foreign Worker Program for certain jobs on the island of Montreal, a measure that is renewed until the end of November and will be extended to Laval in March.
Above all, the Prime Minister is putting pressure on Ottawa, which controls some of the temporary immigration and has taken certain measures to reduce it in recent months.
Mr. Legault wants the federal government to go further and, in particular, to halve the number of asylum seekers living in Quebec. Even if it means forcibly moving them to other provinces, he suggested last fall, a proposal that raised controversy.
The government has weighed other options to push 80,000 asylum seekers to leave Quebec for another province. For example, paying compensation to applicants in exchange for their departure and reducing services offered by the state, such as social assistance cheques.
It is to be expected that François Legault will try to increase the pressure on federal political parties as elections approach. But he has done white cabbage so far with his main request to repatriate full powers to immigration.
About Andrew Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.