Où sont passées les clés de notre système d’immigration ?

Good article in La Presse (translation below):

Aujourd’hui, le Canada perd la face sur la scène internationale.

La mécanique qui permet aux employeurs canadiens de faire venir des travailleurs étrangers à bas salaire crée un « terreau fertile » pour l’esclavage contemporain, déplorait le rapporteur spécial l’ONU, Tomoya Obokata, cette semaine1.

Le constat est dur. Mais il ne révèle qu’une partie du problème. En fait, le Canada a perdu le contrôle de l’immigration temporaire.

Au fil des ans, Ottawa comme Québec ont laissé émerger un système d’immigration à deux vitesses, dans la plus grande hypocrisie.

Devant les projecteurs, Québec impose des plafonds chiffrés et des critères précis pour l’immigration permanente. « En prendre moins, mais en prendre soin », clamait la Coalition avenir Québec (CAQ) quand elle a été élue pour la première fois. 

Mais en coulisses, le gouvernement laisse entrer sans compter les résidents non permanents qui ont été trois fois plus nombreux à arriver au Québec (174 000) que les permanents (52 800), en 2023.

Devant les micros, Québec fait grand cas de l’augmentation des demandeurs d’asile. Il est vrai que la province fait plus que sa part et on se réjouit de voir Ottawa réfléchir à un plan pour mieux répartir l’effort à travers le pays. Mais Québec se garde bien de dire que la croissance dans les autres catégories de résidents non permanents (étudiants, travailleurs temporaires) a été encore plus forte (+44 %) que celle des demandeurs d’asile (+37 %) depuis un an.

Cela fait l’affaire des cégeps et universités sous-financés par l’État, qui ont trouvé là un filon pour regarnir leurs coffres et maintenir en vie des programmes en manque d’étudiants locaux. Cela fait aussi le bonheur des employeurs, qui veulent des bras pour accomplir des tâches ingrates au salaire minimum.

Mais pour l’ensemble de la société, c’est contre-productif.

Qu’à cela ne tienne, Québec et Ottawa ont accordé une série d’assouplissements, sans considérer leur effet cumulatif, qui a fait exploser l’immigration temporaire depuis 2015.

Ils ont en quelque sorte donné les clés de notre système d’immigration aux établissements d’enseignement et aux employeurs qui déterminent le nombre et le profil des étrangers qui arrivent chez nous, selon leurs besoins à eux.

Cela a fait dévier le système d’immigration de son objectif d’attirer des travailleurs qualifiés. Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec un niveau de vie à la baisse, comme en témoigne le PIB par habitant, qui descend depuis plusieurs trimestres.

Le ministre fédéral de l’Immigration essaie maintenant de remettre le dentifrice dans le tube. En mars, Marc Miller a annoncé son intention de réduire d’environ 20 %, d’ici trois ans, le nombre d’immigrants temporaires qui atteint 2,8 millions au Canada.

Ce ne sera pas simple.

Va-t-on leur montrer la porte ? Il y a un risque que les non-résidents qui perdent leur permis restent au Canada quand même, sans papiers, un statut qui peut mener à des abus encore pires. Et cela ne réduirait pas le nombre d’étrangers sur le sol canadien… à moins de mettre en place un système de déportation à l’américaine. Franchement, ça ne serait pas chic.

Va-t-on leur accorder la résidence permanente en vrac ? Cela ferait en sorte que des immigrants temporaires qui n’ont pas le meilleur profil passeraient devant les candidats plus qualifiés. Pas fort. 

Remarquez, on pourrait aussi relever les plafonds d’immigration permanente pour leur faire de la place. Mais dans ce cas, on ne réduirait pas réellement la croissance de la population.

On le voit, il n’y a pas de solution magique pour diminuer rapidement le nombre de non-résidants déjà au Canada.

Voilà pourquoi il est crucial d’agir en amont, en resserrant les critères d’immigration temporaire.

Auparavant, les demandes d’immigration permanente étaient acheminées de l’étranger. Quand les immigrants étaient acceptés au Canada, ils entraient par la grande porte, avec des services structurés. 

Désormais, les étudiants et les travailleurs arrivent avec un statut temporaire, dans l’espoir de rester à long terme. On ne peut plus continuer avec ce système à deux étapes qui crée des frustrations et des goulots d’étranglement.

Il est crucial de mieux arrimer les immigrations temporaire et permanente, qui sont des vases communicants.

Il est aussi nécessaire de sevrer graduellement les employeurs de la main-d’œuvre étrangère à bas coût, une solution de dernier recours. C’est une chose de recruter des travailleurs saisonniers dans le secteur agricole. C’en est une autre quand le secteur manufacturier, la restauration ou le commerce de détail pourvoient avec des immigrants temporaires… des postes permanents.

Le recours trop facile à la main-d’œuvre bon marché peut avoir l’effet pervers de freiner les investissements en technologie et en machinerie qui permettraient d’améliorer la productivité du Québec, souligne un rapport de l’Institut du Québec2.

Il est temps de donner un bon tour de vis à l’immigration temporaire.

Québec, qui a favorisé abondamment le recours aux immigrants à bas salaire, a le devoir de présenter une vision d’ensemble, claire et logique. Il ne suffit pas d’attendre les mesures d’Ottawa pour ensuite crier à la victime en réclamant les pleins pouvoirs.

Source: Où sont passées les clés de notre système d’immigration ?

Today, Canada is losing face on the international scene.

The mechanism that allows Canadian employers to bring in low-wage foreign workers creates a “fertile breeding ground” for contemporary slavery, lamented the UN Special Rapporteur, Tomoya Obokata, this week1.

The observation is hard. But it only reveals part of the problem. In fact, Canada has lost control of temporary immigration.

Over the years, both Ottawa and Quebec City have allowed a two-speed immigration system to emerge, in the greatest hypocrisy.

In the spotlight, Quebec City imposes numerical ceilings and precise criteria for permanent immigration. “Take less, but take care of it,” said the Coalition avenir Québec (CAQ) when it was first elected.

But behind the scenes, the government lets in without counting non-permanent residents who were three times more likely to arrive in Quebec (174,000) than permanent residents (52,800), in 2023.

In front of the microphones, Quebec City makes a big case for the increase in asylum seekers. It is true that the province is doing more than its part and we are delighted to see Ottawa thinking about a plan to better distribute the effort across the country. But Quebec is careful not to say that growth in other categories of non-permanent residents (students, temporary workers) has been even stronger (+44%) than that of asylum seekers (+37%) over the past year.

This is the case of CEgeps and universities underfunded by the state, who have found there a vein to replenish their chests and keep programs alive in need of local students. It also makes employers happy, who want arms to perform ungrateful tasks at the minimum wage.

But for society as a whole, it is counterproductive.

Never mind, Quebec and Ottawa have granted a series of relaxations, without considering their cumulative effect, which has exploded temporary immigration since 2015.

They have somehow given the keys to our immigration system to educational institutions and employers who determine the number and profile of foreigners who arrive with us, according to their needs.

This has diverted the immigration system from its objective of attracting skilled workers. And this is how we find ourselves with a declining standard of living, as evidenced by GDP per capita, which has been falling for several quarters.

The Federal Minister of Immigration is now trying to put the toothpaste back in the tube. In March, Marc Miller announced his intention to reduce by about 20%, within three years, the number of temporary immigrants to reach 2.8 million in Canada.

It won’t be easy.

Will we show them the door? There is a risk that non-residents who lose their license will still remain in Canada, without papers, a status that can lead to even worse abuses. And this would not reduce the number of foreigners on Canadian soil… unless an American-style deportation system is set up. Frankly, it wouldn’t be chic.

Will they be granted permanent residence in bulk? This would ensure that temporary immigrants who do not have the best profile would pass in front of more qualified candidates. Not strong.

Note, we could also raise the permanent immigration ceilings to make room for them. But in this case, population growth would not really be reduced.

As we can see, there is no magic solution to quickly reduce the number of non-residents already in Canada.

This is why it is crucial to act upstream, tightening the criteria for temporary immigration.

Previously, permanent immigration applications were sent from abroad. When immigrants were accepted into Canada, they entered through the big door, with structured services.

From now on, students and workers arrive with a temporary status, in the hope of staying in the long term. We can no longer continue with this two-step system that creates frustrations and bottlenecks.

It is crucial to better stick up temporary and permanent immigration, which are communicating vessels.

It is also necessary to gradually wean employers of low-cost foreign labor, a solution of last resort. It is one thing to recruit seasonal workers in the agricultural sector. It is another when the manufacturing sector, catering or retail supply temporary immigrants… permanent positions.

The too easy use of cheap labor can have the perverse effect of slowing down investments in technology and machinery that would improve Quebec’s productivity, says a report from the Institut du Québec2.

It’s time to give a good turn of the screw to temporary immigration.

Quebec, which has widely favored the use of low-wage immigrants, has a duty to present an overall, clear and logical vision. It is not enough to wait for Ottawa’s measures and then shout to the victim by demanding full powers.

Unknown's avatarAbout Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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