Éditorial | La CAQ en quête de renforts
2024/05/29 Leave a comment
Le Devoir’s take of Canada-Quebec discussions on immigration and the related political considerations:
Le disque caquiste sur la trame de l’immigration temporaire et de la capacité d’accueil du Québec a si souvent tourné que François Legault se cherche de nouveaux auditeurs, contraint d’admettre qu’il n’a toujours pas réussi à influencer son principal interlocuteur fédéral. En implorant maintenant les Québécois de l’épauler enfin dans cette mission de persuasion contre Ottawa, le premier ministre du Québec devrait prendre garde de ne pas frôler ainsi dangereusement l’aveu d’échec.
La redondance était telle que les courriéristes parlementaires qui s’étaient déplacés au conseil général de la Coalition avenir Québec (CAQ), cette fin de semaine, ne se sont même pas donné la peine, ou presque, de faire état de cette énième sortie de François Legault contre le refus d’Ottawa de freiner l’arrivée croissante d’immigrants temporaires en sol québécois.
« Le problème, c’est leur nombre », a-t-il répété. Lequel « affecte les services que l’on donne à l’ensemble des Québécois » et « met de la pression sur la langue française ». « L’heure est grave pour notre nation », a-t-il renchéri, en se dédouanant par la même occasion des manques de services en santé et en éducation ou de l’offre insuffisante de logements.
« C’est le gouvernement fédéral qui a créé ce problème. C’est à lui de le régler rapidement », a-t-il plutôt ordonné. « Mais pour y arriver, j’ai besoin de l’appui des Québécois. Il faut que les Québécois convainquent le gouvernement fédéral d’agir rapidement », a-t-il supplié, dans son discours de clôture du rassemblement partisan.
Le jovialisme exposé par le premier ministre du Québec à l’issue de sa rencontre avec son homologue fédéral ce printemps était donc de toute évidence utopique. Là où François Legault avait choisi de voir de l’« ouverture » de la part de Justin Trudeau ne se cachait finalement qu’une banale et spécieuse politesse, à en croire le dépit qu’il affiche aujourd’hui.
L’octroi de visas n’a pas encore été resserré, malgré la demande du gouvernement québécois. L’exigence possible d’une maîtrise du français pour les travailleurs temporaires arrivant par le biais du Programme de mobilité internationale, qui relève d’Ottawa, n’avancerait pas non plus selon le camp québécois. Sa demande de remboursement de 1 milliard de dollars pour l’accueil de demandeurs d’asile risque quant à elle de n’être qu’en partie enfin accueillie.
Ne s’en remettre qu’à l’espoir d’un rapport de force avec le gouvernement fédéral, avec l’aide de la population québécoise cette fois-ci puisque celle d’une majorité parlementaire n’a pas suffi, semble mince comme stratégie. Rien n’indique que Justin Trudeau et ses ministres tendront soudainement l’oreille aux défis pourtant réels vécus sur le terrain au Québec. Leur obstination chronique indique tout le contraire. Or, le coffre à outils qu’avait laissé miroiter ce printemps le gouvernement caquiste pour forcer la main d’Ottawa semble finalement dégarni.
Quant à l’idée d’un référendum sectoriel, qu’il avait lui-même ravivée, François Legault rétorque que l’issue en est déjà connue, puisque la moitié des Québécois et les deux tiers des électeurs décidés ont confié à la firme Léger souhaiter le rapatriement des pouvoirs en immigration. Évacuer désormais cette possibilité lui évite surtout l’obligation de résultat, hasardeuse, qui s’ensuivrait.
Son gouvernement a donc préféré lancer de nouvelles propositions dans un tout autre champ d’action : la tenue d’une commission parlementaire spéciale et transpartisane sur les effets des écrans et des réseaux sociaux sur les jeunes Québécois. Si cette étude va de l’avant, il ne faudra pas moins en surveiller les recommandations, et surtout la probabilité qu’elles soient respectées, puisque les initiatives qui ont à l’étranger tenté tant bien que mal d’encadrer l’utilisation de plateformes Web ou de réseaux sociaux ont, en règle générale, échoué.
Alors que tous les yeux étaient rivés sur l’autre conseil national de la fin de semaine, celui de Québec solidaire (QS) à Jonquière, les caquistes auront été soulagés d’y voir émerger un possible début de trêve. Cette accalmie dans la guerre intestine qui guettait QS leur permet d’espérer que le débat politique perdurera également sur un axe idéologique politique plutôt qu’un retour à l’axe strictement indépendantiste, ce qui aurait menacé d’écarteler leur coalition. François Legault préférera de loin se colletailler avec l’adversaire de gauche solidaire.
Ce qui n’évacuera pas pour autant l’indéniable popularité bien installée du Parti québécois et de Paul St-Pierre Plamondon. Si la population ne répond pas à l’ultime appel de François Legault, et si le gouvernement de Justin Trudeau persiste à lui faire la sourde oreille, la CAQ aura-t-elle autre chose à proposer pour faire aboutir ses demandes en immigration ? Si la Coalition avenir Québec est alors forcée de s’avouer à court de solutions face au mur fédéraliste, c’est le Parti québécois, nourri de nouvelles munitions, qui s’en réjouira.
