Le plafonnement annoncé en immigration n’est qu’illusion

Certainement:

En se targuant d’enfin tenir compte de la capacité d’accueil du Canada et des provinces, déjà mise à rude épreuve, le gouvernement de Justin Trudeau prévoit maintenant de « stabiliser » ses cibles d’immigration… dans trois ans. Mais, d’ici là, la crise du logement, facteur principal de ce semblant d’ajustement libéral, ne se résorbera pas miraculeusement. La flexibilité exhibée traduit plutôt un entêtement persistant.

Les avertissements brandis par le Québec, voulant que l’éducation, la santé ainsi que l’offre de logement peinent à répondre à l’immigration pléthorique fédérale, sont maintenant partagés par d’autres provinces canadiennes. La population aussi s’en inquiète désormais. Un récent sondage révélait qu’un nombre record de citoyens croient que le Canada accueille trop d’immigrants (44 % des Canadiens, 37 % des Québécois).

Nonobstant, le fédéral maintient la hausse prévue encore deux ans : la cible passera à 485 000 immigrants en 2024 et à 500 000 en 2025. C’est l’année suivante que ce chiffre restera figé. Or, d’ici ce gel annoncé, ce sont 55 000 personnes arrivantes de plus que si le gouvernement avait stabilisé son accueil dès aujourd’hui aux 465 000 immigrants attendus cette année. Un ralentissement plus rapide aurait cependant renié les valeurs libérales, s’inquiétait-on dans ses rangs.

Les signaux étaient pourtant encourageants. Le plan stratégique pour l’immigration dévoilé cette semaine s’engageait à « chercher à intégrer la planification du logement et de la santé, et d’autres services importants, à la planification des niveaux d’immigration du Canada ». Le tout, « en collaboration étroite avec les provinces ». Le gouvernement Trudeau a même appuyé une motion bloquiste, non contraignante, l’appelant à revoir ses cibles d’accueil après consultation du Québec et des provinces « en fonction de leur capacité d’accueil ».

Mais ce nouvel arrimage, promis par Ottawa, ne se fera qu’a posteriori. Le fédéral persiste à ignorer les volontés d’accueil du Québec. La « consultation » fédérale ne servira qu’à répartir ce nombre de nouveaux arrivants fixé unilatéralement.

Qu’importe que des experts, comme ceux de la Banque TD, aient averti qu’un « choc de la demande » guette le filet social du Canada. Qu’importe aussi que la vérificatrice générale ait dénoncé l’embourbement du traitement des demandes d’immigration, qui s’éternise à 22 mois pour les immigrants économiques et à quatre ans pour les réfugiés. L’arrivée d’un demi-million de nouveaux arrivants par année n’aidera pas ce goulet d’étranglement.

Le gouvernement du Québec, de son côté, maintient ses cibles à 50 000 nouveaux arrivants pour les deux prochaines années. En comptabilisant les diplômés accueillis par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), le chiffre annuel avoisinera les 60 000 immigrants.

S’y ajoutent cependant les centaines de milliers d’immigrants temporaires que Québec et Ottawa persistent à exclure de cette équation d’accueil. Ils sont, depuis deux ans, trois fois plus nombreux que les immigrants permanents.

Faute de gérer leur arrivée, Québec s’en remet à exiger pour certains la maîtrise du français, après avoir fait de même pour les immigrants économiques et ceux du PEQ. Quelque 35 000 travailleurs étrangers temporaires autres qu’agricoles devront dorénavant en faire la démonstration eux aussi pour renouveler leur permis au-delà de trois ans — comme tant de ces travailleurs venus pour pallier le manque de main-d’oeuvre le font.

François Legault voit dans la protection du français, et, de ce fait, de l’identité québécoise, sa « responsabilité historique ». L’immigration n’y est plus une menace, à ses yeux, mais elle est devenue un outil.

L’exigence de ce test de français semble toutefois embryonnaire. Ces travailleurs temporaires, déjà surmenés, auront-ils le temps et l’énergie de s’y consacrer ? Leurs employeurs seront-ils forcés de le leur permettre, ou simplement encouragés ? Les ressources de francisation seront-elles au rendez-vous ?

Les prochaines années diront si ces plafonnements de l’immigration suffiront à stabiliser aussi la pression sur le filet social appréhendée par les gouvernements. Avant d’en redébattre en campagnes électorales, puisqu’ils ont préféré présenter des plans pluriannuels écourtés.

Source: Le plafonnement annoncé en immigration n’est qu’illusion

Unknown's avatarAbout Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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