Nicolas: Devant la catastrophe, les mièvreries

Historical parallels. And of course, decolonization language, like land acknowledgements and “land back”, while helpful for some, are easier than addressing many of the underlying intractable issues. Concrete measures and policies are much harder to seek agreement and implement. Particularly, of course, given fanatic, unrealistic and weak leadership from all sides:

Depuis la frappe meurtrière de l’hôpital Ahli Arab et devant l’horreur des corps qui jonchent le sol de la bande de Gaza, le monde entier est en état de choc. Devant la catastrophe, le Nouveau Parti démocratique continue d’être le seul parti de la Chambre des communes à réclamer un cessez-le-feu immédiat. Une poignée de députés libéraux demandent aussi un terme aux bombardements, tentant visiblement de faire pression sur leur propre gouvernement.

Justin Trudeau a certes appuyé l’ouverture d’un corridor humanitaire au poste frontalier de Rafah en début de semaine. Mais face à l’horreur de la guerre, ce sont plutôt les mots que le gouvernement canadien ne prononce pas qui résonnent le plus fort.

« Crimes de guerre » : un terme qu’on avait tout de suite employé lorsque l’armée de Poutine s’était mise à bombarder les civils ukrainiens.

« Sanction collective » : un crime de guerre, plus précisément, qui peut prendre notamment la forme d’une coupure d’eau, de vivres et d’électricité à une population de plus de deux millions de personnes, dont la moitié est des enfants.

« Déplacement forcé de population » : un autre potentiel crime de guerre à avoir en tête alors que l’armée israélienne oblige un million de personnes à quitter la partie nord de la bande de Gaza pour se réfugier (pour l’instant) au sud du territoire, déjà surpeuplé et sans ressources.

Ces mots et tant d’autres, pourtant partout dans l’espace public, ne trouvent pas leur place dans les débats de la classe politique canadienne. Devant l’ampleur du décalage, une question : comment expliquer la faiblesse de l’empathie et du soutien de notre gouvernement au peuple palestinien ? Ci-bas une piste de réponses trop peu nommées qui complète l’analyse de la relation du Canada avec le reste du monde en explorant le rapport de notre pays à lui-même.

Le gouvernement canadien a maté les dernières grandes résistances militaires autochtones à la dépossession de leurs terres à la fin du 19e siècle. À l’échelle des milliers d’années d’histoire autochtone en Amérique du Nord, c’est hier. La plupart d’entre nous n’avons jamais entendu parler du mouvement de Tecumseh lors de la guerre de 1812. Et si on nous a rebattu les oreilles avec la pendaison de Louis Riel, on ne s’est pas étendus sur ce qui a suivi le rachat des prairies canadiennes à la Compagnie de la Baie d’Hudson par le gouvernement fédéral.

Le peuple métis a été chassé de ses terres et condamné à plusieurs générations d’errance. Les Premières Nations ont été enfermées dans des réserves dont le gouvernement d’Ottawa contrôlait chaque aspect de la vie quotidienne : l’accès à la nourriture et aux médicaments, le droit d’aller et venir. Puis, on a pris les enfants pour « tuer l’Indien » en eux. On s’est assurés de briser les âmes pour que de résistance militaire à grande échelle il n’y ait jamais plus.

Quelques décennies après que le danger de révolte s’est bien passé, on s’est mis à relâcher les règles et à « moderniser » la Loi sur les Indiens peu à peu. Mais quand on voit, par exemple, quelles ont été les réactions populaires et politiques à la crise d’Oka, on se dit que nos fantômes collectifs ne sont pas encore bien loin. Depuis quelques années, du haut de la sécurité des vainqueurs, on nous parle de réconciliation — préférablement que symbolique, s’il vous plaît.

On pourrait faire une série de cartes du Canada et des États-Unis où l’on pourrait voir les territoires sur lesquels les Autochtones peuvent circuler et vivre librement, rapetisser, puis rapetisser encore. Bien que chaque contexte historique compte toujours son lot de réalités uniques, on ne peut pas s’empêcher de penser que ces cartes ressemblent, à bien des égards, à celles qu’on a l’habitude de nous montrer d’Israël et de la Palestine en 1948, en 1967 et aujourd’hui.

Déjà, depuis plusieurs années, il y a un écart important entre le territoire théorique de la Cisjordanie et la réalité sur le terrain. L’entreprise de colonisation et d’occupation des terres, accélérée par le gouvernement de Nétanyahou, ne laisse plus grand-chose aux Palestiniens.

Ce n’est pas un hasard que la grande puissance qui nous a donné l’âge d’or d’Hollywood et tous ses films de « cow-boy et d’Indiens », où l’on glorifie la dépossession violente, soit la plus incapable de sens critique aux décisions de Benjamin Nétanyahou. Il est tout à fait logique que le Canada et les États-Unis, où l’on refuse encore de réfléchir un peu sérieusement à l’origine de la souveraineté de l’État sur le territoire, adoptent des postures morales sur la scène internationale en cohérence avec leur propre histoire.

Une bonne partie des militants propalestiniens les plus fervents, d’ailleurs, peinent encore à saisir pleinement qu’en immigrant au Canada, on s’inscrit de facto dans un projet colonial qui n’est pas si dissemblable de celui qu’ils condamnent. Plusieurs sont issus de familles venues ici pour fuir la guerre (ou les conséquences structurelles du colonialisme, plus largement) dans leur coin du monde. Le mouvement sioniste, lui, a pris racine dans le trauma de siècles de pogroms, puis de l’Holocauste en Europe.

Partout, le rêve de sécurité des uns s’assied sur la dépossession des autres. S’attarder à cette question, c’est perdre quelque peu sa posture de supériorité morale, réfléchir de manière moins abstraite à la proximité humaine dans une « colonie de peuplement », envisager d’autres formes et possibilités de paix. C’est prendre acte qu’on est tous inéluctablement liés et pris dans le grand bourbier de l’Histoire humaine.

Il y a bien sûr plusieurs grandes différences entre la conquête du « Wild West » canadien et américain et la colonisation en Cisjordanie et l’occupation de Gaza, notamment. Aucune comparaison n’est parfaite. L’une de ces grandes différences, c’est qu’ici, on a plus d’un siècle de distance émotive depuis la fin des grandes résistances militaires autochtones.

À moins de renverser la vapeur — et peut-être sommes-nous à un moment décisif de l’histoire —, on peut imaginer un jour des événements officiels israéliens s’ouvrant avec de belles déclarations de reconnaissance des territoires traditionnels plus ou moins cédés. Ce sera probablement très émouvant.

Anthropologue, Emilie Nicolas est chroniqueuse au Devoir et à Libération. Elle anime le balado Détours pour Canadaland.

source: Devant la catastrophe, les mièvreries

Unknown's avatarAbout Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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