Meggs: Le Québec peut contrôler l’immigration temporaire, et voici comment
2023/10/11 Leave a comment
Former Quebec immigration official on the need to include the IMP in the immigration Accord Canada-Québec:
Il est facile de se perdre dans la répartition entre Ottawa et Québec et on peut se demander qui est responsable de l’explosion de l’immigration temporaire. En fait, les deux gouvernements y contribuent, mais grâce à l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains de 1991, le Québec peut la réguler sur son territoire.
Il y a quatre sources légales d’immigration temporaire — les demandeurs d’asile et trois programmes de permis, un pour les permis d’études et deux pour les permis de travail, soit le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et le Programme de mobilité internationale (PMI). Selon les données sur le nombre de titulaires de ces trois programmes au 31 décembre 2022, les permis d’études représentaient 46,3 % du total, le PTET 17,5 % et le PMI 36,3 %.
En ce qui concerne les demandeurs d’asile, la situation géopolitique du Canada le rend unique parmi les pays développés. Depuis l’application de l’Entente sur les tiers pays sûrs à l’ensemble de la frontière canado-américaine, le seul moyen d’arriver au Canada pour demander l’asile est par avion. Le Canada se sert des visas et des permis temporaires pour essayer de limiter l’arrivée des personnes demandant l’asile.
Au début de l’année, une décision du gouvernement fédéral visant à réduire rapidement le nombre, considérable, de demandes de visas de visiteurs semble avoir donné lieu à une augmentation importante de demandeurs d’asile aux aéroports, surtout à Toronto et à Montréal. Le Québec régule, par les seuils d’immigration permanente, le nombre de ceux qui seront admis à terme pour rester au Québec, mais pas le nombre de ceux qui arrivent.
Pour le Programme des étudiants étrangers, les provinces, compte tenu de leur compétence en matière d’éducation, peuvent adopter les politiques visant à réduire le nombre de jeunes de l’étranger qui s’inscrivent dans leurs systèmes. Elles ont aussi la responsabilité de désigner les établissements d’enseignement pour les fins d’un permis d’études.
Au Québec, grâce à l’Accord, le fédéral ne peut délivrer un permis d’études sans le consentement du ministère québécois responsable de l’immigration. Pour signaler son consentement, le Québec délivre un Certificat d’acceptation du Québec pour études. Il établit les conditions afférentes et peut décider d’en limiter le nombre qui sera accordé annuellement. À ce jour, il n’y a pas eu de plafond sur le nombre de CAQ-études délivrés.
Il est évident que c’était l’intention des négociateurs de l’Accord que le Québec régule l’ensemble des admissions, permanentes et temporaires. On le voit dans le titre même de l’Accord et dans le préambule, ainsi que dans le titre et la substance de l’Entente Couture-Cullen (1978) sur laquelle l’Accord a été basé, ainsi que dans l’Accord du lac Meech.
En ce qui concerne les travailleurs, au moment de la signature de l’Accord, le PTET était le seul programme visant les travailleurs étrangers temporaires. Il s’agissait d’un programme relativement mineur incluant surtout les travailleurs agricoles saisonniers. Il servait réellement et uniquement de dernier recours pour les employeurs souhaitant pouvoir des postes d’une durée limitée et ayant fait la démonstration que tout effort a été fait pour trouver de la main-d’oeuvre locale.
Il n’est donc pas très surprenant que l’article de l’Accord sur le consentement du Québec pour l’admission des travailleurs étrangers fasse référence à ceux « dont l’admission est régie par les exigences du Canada touchant la disponibilité de travailleurs canadiens ». Il n’y avait pas non plus de politique visant à offrir la résidence permanente aux travailleurs temporaires. Pour demander la résidence permanente, il fallait le faire de l’étranger, une stipulation qui demeure dans l’Accord, mais ne s’applique pas depuis plus de vingt ans.
En ce qui concerne donc ce PTET, la source des fameux « permis fermés », le Québec détermine quels employeurs seront autorisés à embaucher combien d’effectifs et à quelles conditions, et il délivre un CAQ-travail aux personnes embauchées dans le programme. Encore une fois, il établit les conditions du CAQ-travail et peut en limiter le nombre. À ce jour, le gouvernement n’a pas mis de plafond annuel sur le nombre de CAQ-travail.
En 2014, le gouvernement Harper a divisé le PTET en deux pour pouvoir resserrer les règles concernant l’embauche de main-d’oeuvre de l’étranger pour les besoins du marché du travail. Il a créé un autre programme, le Programme de mobilité internationale, pour les personnes étrangères travaillant temporairement au Canada pour d’autres raisons. Normalement, la création de ce programme aurait dû être abordée par le Comité mixte, l’instance bilatérale créée par l’Accord pour gérer son application et résoudre les différends en matière d’immigration, mais on ne sait pas si cela a été le cas. Il suffit de dire que le Québec ne délivre pas de CAQ-travail dans le cadre du PMI.
Deuxième programme en importance après les permis d’études, le PMI a connu une croissance fulgurante dans les dix dernières années et est devenu le chemin principal pour la transition d’un statut temporaire à un statut permanent.
Si le Québec voulait réguler l’ensemble de son immigration, dans le cadre quasi constitutionnel qu’offre l’Accord, il suffirait de donner les instructions au Comité mixte de négocier les démarches nécessaires pour assurer le consentement du Québec aux permis de travail du PMI. Cela étant dit, même avec un tel contrôle, le gouvernement sera-t-il prêt à s’en servir pour inclure l’immigration temporaire dans sa planification pluriannuelle d’immigration ?
Source: Le Québec peut contrôler l’immigration temporaire, et voici comment
