Du «racisme» linguistique

Of note. Good réplique to some of the Quebec debate on language and immigrants:

S’il est légitime d’exiger du gouvernement fédéral de tenir compte des demandes du Québec en matière de langue, il n’y a par contre aucune légitimité à restreindre, comme le fait Mario Beaulieu dans un texte récemment paru en ces pages (cosigné par onze personnes), la qualité de francophone aux seuls locuteurs de français langue maternelle. Selon lui, il faudra s’attendre à un « effondrement du poids des francophones au Québec, de 81,6 % en 2011 à 73,6 % en 2036 ». Il faut en finir une fois pour toutes avec ce « racisme » linguistique. (Le mot « racisme » est ici entre guillemets pour n’en retenir que la notion de hiérarchie.)

Il est complètement ridicule de croire qu’un francophone est une personne qui a dit « môman » avant l’âge de deux ans. Un francophone, c’est aussi un plurilingue dont le français n’est pas la langue maternelle. On ne naît pas francophone, on le devient.

Au Québec, 85 % de l’augmentation de la population provient de l’immigration. Nul besoin d’être lauréat de la médaille Fields pour comprendre que la proportion du groupe non immigrant (et d’origine non immigrante) va décroître avec le temps. Ce qui n’est pas le cas des francophones, si par francophone on entend toute personne qui a appris le français à la maison, sur les bancs d’école ou sur les lieux de travail (ici ou ailleurs). L’objectif de la loi 101 était de faire du français langue maternelle une langue fraternelle, pour qu’on puisse mettre en commun nos mémoires plurielles, nos parcours et nos rêves afin d’y puiser les ressources et l’audace pour faire du Québec une société prospère, pluraliste et égalitaire, et non pas une société où il y aurait deux classes de citoyens.

Le Québec accueille des immigrants depuis des générations. Beaucoup d’entre eux ont appris le français avant la loi 101. Depuis 1977, cette loi a obligé des dizaines de milliers de jeunes immigrants à fréquenter les écoles françaises pendant onze ans. En outre, bon nombre de nos immigrants sont originaires d’anciennes colonies françaises. Ils se chiffrent eux aussi par dizaines de milliers. Comme très peu d’entre eux déclarent le français comme langue maternelle, ils sont pour la plupart disqualifiés comme francophones, même si parmi eux on compte des professeurs de français, des professionnels qui travaillent en français, des écrivains et tant d’autres citoyens venus d’ailleurs, profondément attachés au Québec, pour qui le terme « Québec français » est un pléonasme.

La hiérarchie ainsi créée, entre le français de langue maternelle et le français de langue seconde, ne doit pas être prise à la légère. Elle crée des catégories de citoyens n’ayant pas la même valeur dans la société, situation propice au racisme. Nous savons comment, dans d’autres lieux, mais encore aujourd’hui, la hiérarchisation des cultures s’est substituée à celle fondée sur la race — lorsque celle-ci est devenue une hérésie scientifique —, avec des conséquences néfastes sur les plans politique et social. Au Québec, où langue et culture sont souvent interchangeables, il est temps de remiser cette aberration avant que des esprits moins inoffensifs que des déclinistes et des comptables ne s’en emparent.

L’État québécois est doté de suffisamment de pouvoirs et de ressources pour assurer la pérennité et l’essor de la culture et de la langue françaises. Qu’il les utilise efficacement et judicieusement sans blâmer ni pénaliser les immigrants. Entre 1971 et 2016, l’utilisation du français dans les écoles (maternelles, primaires et secondaires) est passée de 64 % à 90 %, tandis que la proportion d’immigrants francophones dépasse les 60 %, et pourra facilement augmenter si, comme l’indique le démographe Richard Marcoux, on va puiser dans l’énorme bassin francophone africain.

Le français n’est pas près de disparaître. Au Québec, il n’y a que 6 % de la population qui n’a aucune connaissance du français. La complexité de la situation linguistique exige de ceux qui l’analysent qu’on tienne compte de multiples critères et, surtout, qu’on désethnicise enfin la notion de francophone. Il serait honteux que les « voleurs de jobs » de l’après-guerre deviennent maintenant des « voleurs de langue ».

Selon Machiavel, « celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes ». Partout en Occident, populistes et démagogues ont réussi à faire croire que les minorités immigrantes représentent une menace pour les modes de vie et l’identité de la majorité afin de s’emparer du pouvoir. Le Québec ne fait malheureusement pas exception.

Source: Du «racisme» linguistique

About Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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