Chouinard: Demandeurs d’asile largués [childcare subsidies]

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La décision de Québec de porter en appel un jugement qui redonnait enfin aux demandeurs d’asile le droit aux garderies subventionnées, et ce, après quatre ans d’interdit, traduit une politique migratoire insensible à la vulnérabilité des citoyens en attente d’un statut. Les organismes de défense des droits de ces demandeurs, qui ont un permis de travail mais ne peuvent l’utiliser faute de moyens, ont raison d’être exaspérés.

Ce dossier à la fois complexe et d’une simplicité désarmante nourrit les manchettes depuis quatre ans. En avril 2018, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a décidé sans crier gare de réinterpréter l’article 3 du Règlement sur la contribution gratuite de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance. Alors que cet article donnait jusque-là accès aux garderies à 8,70 $ par jour à tout titulaire d’un « permis de travail et [qui] séjourne au Québec principalement afin d’y travailler », une nouvelle lecture de cet article a exclu les demandeurs d’asile, qu’on a jugés présents au Québec pas « principalement » pour travailler. Du jour au lendemain, cette catégorie de migrants s’est donc retrouvée privée d’accès aux services de garde subventionnés, et ce, malgré le fait qu’ils détenaient un permis de travail.

En prenant le pouvoir en 2018, la Coalition avenir Québec (CAQ) n’a pas jugé bon d’annuler la décision du précédent gouvernement, qui avait soulevé l’ire de tous les groupes de défense des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. L’accès à la garderie subventionnée revêt une importance capitale dans la vie de personnes nouvellement arrivées au Québec et qui désirent s’intégrer, travailler et apprendre le français. Pour les enfants, cet accès est capital. Même les arguments économiques ne tiennent pas la route pour justifier cet entêtement obscur de Québec à exclure ce groupe de citoyens de l’accès à la garderie, car, faute de moyens financiers, plusieurs mères doivent renoncer à travailler, et ce, même si elles détiennent un permis de travail. En pleine pénurie de main-d’oeuvre, c’est d’une absurdité sans nom.

Les médias ont rapporté nombre d’histoires invraisemblables : des mères célibataires forcées de se rabattre sur l’aide sociale et de refuser nombre d’offres d’emploi, car le prix d’une garderie privée — environ 50 $ par jour, contre 8,70 $ dans les garderies soutenues par Québec — équivalait littéralement au montant mensuel de leur loyer. Alors que les pénuries de main-d’oeuvre dans nombre de secteurs cruciaux sont en train de créer un Québec vivant sur le mode gruyère, avec des trous béants dans son offre de services essentiels, on tournerait le dos à un groupe de travailleurs prêts à s’intégrer dans la société québécoise par le truchement du travail ?

Québec prétexte le fort afflux de migrants, les listes d’attente pour les garderies subventionnées et les délais d’attente déraisonnables imposés par le fédéral pour justifier son refus de relire avec justesse l’article 3 du Règlement ; mais la vérité est qu’il ajoute lui-même des embûches sur la route déjà tortueuse de l’intégration des migrants. En outre, et cela est une véritable disgrâce pour un gouvernement dont le slogan de la dernière campagne électorale dans le dossier d’immigration était « en prendre moins, mais en prendre soin », l’interprétation de la CAQ prend pour cible un groupe vulnérable. C’est en totale contradiction avec toutes les politiques humanitaires de soutien aux demandeurs d’asile.

Il a donc fallu se tourner vers les tribunaux pour savoir si Québec avait erré en décidant de proposer une nouvelle lecture de l’article 3. Fin mai dernier, le juge Marc St-Pierre, de la Cour supérieure, a décrété que oui. « [Le Tribunal] déclare que l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite a été adopté sans habilitation législative et est par conséquent ultra vires et nul », a-t-il conclu, ce qui a provoqué un immense soulagement du côté des organismes qui s’agitaient depuis quatre ans pour ce revirement de situation. La victoire fut de courte durée, car le 7 juillet dernier, Québec a décidé d’en appeler de la décision. C’est navrant.

À l’approche d’un 3e Sommet de l’immigration, qui doit normalement se tenir en novembre prochain, il serait intéressant de valider la cohérence de l’ensemble des politiques d’immigration et des pratiques de terrain, car l’ensemble de l’oeuvre laisse poindre nombre de ratés et d’invraisemblances qui nuisent aux objectifs économiques et aux politiques sociales du Québec. On a fait grand cas des seuils d’immigration, résumant le dossier à une affaire de chiffres, alors que le coeur du travail se trouve dans l’intégration — ratée — de ceux qui y sont.

La souque-à-la-corde qui se joue entre Ottawa et Québec autour de ce dossier crucial ne vient d’aucune manière donner de l’air au Québec, il faut le rappeler. Ottawa est empêtré dans une lourdeur administrative et des délais qui font honte, et dont pâtit le Québec. Mais celui-ci doit honorer ses promesses envers les personnes à qui il ouvre sa porte et leur permettre d’accéder de la manière la plus rapide et la plus digne au marché de l’emploi.

Source: Demandeurs d’asile largués

About Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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