Maxime Bernier et la couleur: Fabrice Vil

Fabrice Vil of Le Devoir on Maxime Bernier’s blindness to structural and systemic barriers:

Il y a quelques jours, j’ai lu de sages paroles sur Twitter : « Nous devrions certainement faire tout notre possible pour redresser les injustices et donner à tous des chances égales de s’épanouir. Et nous devrions reconnaître que le Canada est assez grand pour contenir plusieurs identités. Comme Québécois francophone, je peux comprendre ça. » Je suis en tous points d’accord avec ces propos éloquents. Écrits par qui ? Nul autre que Maxime Bernier, député conservateur.

La plupart d’entre nous veulent une société où tous les humains jouissent des mêmes droits. C’est ce que suggère aussi M. Bernier. Pour y arriver, il est nécessaire de reconnaître les différences entre nous qui provoquent des désavantages pour certains, et de traiter les gens différemment afin de pallier ces désavantages. C’est là où M. Bernier se méprend et se contredit.

À la fin du mois dernier, Ahmed Hussen, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, saluait sur Twitter certaines des mesures que prévoit le dernier budget fédéral afin de lutter contre le racisme. « Un #budget2018 historique pour les Canadiens racisés », a-t-il écrit.

Le 6 mars, M. Bernier a répondu : « Je pensais que le but ultime de la lutte contre la discrimination était de créer une société aveugle aux couleurs où tout le monde est traité de la même façon […]. » Erreur, M. Bernier.

Dans un monde idéal, la couleur de la peau serait en effet aussi anodine que, disons, la couleur des yeux. On juge la couleur des yeux sur une base esthétique, mais personne n’est vraiment lésé strictement sur la base du teint de son iris. Imaginez un monde où les gens aux yeux verts ont plus de chances d’êtres pauvres, moins de chances d’obtenir un emploi et plus de chances d’être emprisonnés. Bizarre, non ? En ce sens, il est vrai que la lutte contre la discrimination devrait mener à ce que la couleur de la peau ne soit plus utilisée pour brimer les droits d’un individu.

Toutefois, la lutte contre la discrimination elle-même n’implique pas qu’on traite tout le monde de la même façon. Pour garantir les mêmes droits fondamentaux à tous, il ne faut pas traiter tout le monde également. Agir de cette manière perpétue les inégalités. Il faut plutôt agir différemment pour rétablir les déséquilibres qui défavorisent certains individus. C’est ce qu’on appelle agir équitablement.

Connaissez-vous l’analogie des trois gamins qui regardent un match de baseball, debout derrière une clôture en bois ? Le premier est assez grand pour voir le match sans aucun soutien. Le second, de taille moyenne, a besoin de se tenir sur une caisse afin que sa tête dépasse la clôture. Le troisième, plus petit, a besoin de deux caisses pour pouvoir regarder le match.

En donnant une caisse à chaque gamin, on les traiterait tous également. On offrirait toutefois du soutien à un gamin qui n’en a pas besoin, et l’un d’entre eux ne serait pas en mesure de voir le match.

Dans cet exemple, afin que la taille ne soit plus une cause d’inégalité, il faut justement constater les différences de taille et en tenir compte dans la distribution des caisses. Dans cet ordre d’idées, contrairement à ce que suggère M. Bernier, la poursuite de l’égalité des chances implique de voir la couleur de peau et de reconnaître qu’elle constitue un motif de discrimination.

En 2018, un enfant de 10 ans disparu qui se trouve à être noir ne peut pleinement bénéficier du soutien élémentaire que mérite un enfant de 10 ans disparu. Il doit subir les foudres d’internautes qui formulent à son égard des remarques racistes beaucoup trop violentes pour que je les reproduise ici.

Quelques remarques isolées ? Soit. Mais la discrimination est bien réelle et plus répandue qu’on veut parfois le reconnaître. Je m’évertue à relater que la population carcérale d’origine autochtone a augmenté de 46 % de 2003 à 2013 au Canada. Et de 80 % chez les Noirs. Ces statistiques, qui illustrent une inégalité systémique majeure, demande que nos politiques publiques tiennent compte des déséquilibres qui portent préjudice aux personnes de couleur.

C’est pourquoi nos politiciens ont la responsabilité de voir la couleur. Mais pas seulement la couleur. Tout attribut qui représente un motif de discrimination. Il ne s’agit pas d’accorder des droits et privilèges différents à certains groupes, mais d’aménager des traitements différents pour que tous bénéficient des mêmes droits. Si M. Bernier veut faire, comme il le dit, « tout [son] possible pour redresser les injustices », comment peut-il agir avec clairvoyance tout en étant aveugle ? Croit-il sérieusement que traiter tout le monde également va redresser les injustices ?

via Maxime Bernier et la couleur | Le Devoir

About Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

One Response to Maxime Bernier et la couleur: Fabrice Vil

  1. Andrew Robinson says:

    I don’t actually see the problem with M. Bernier’s remark: “Je pensais que le but ultime de la lutte contre la discrimination était de créer une société aveugle aux couleurs où tout le monde est traité de la même façon ” He was speaking about the ultimate goal of the fight against discrimination, not about the tools used to get there, unless I am missing something. His statement reminds me of John Diefenbaker’s support for “unhyphenated-Canadianism”, and of J Trudeau’s words: “A Canadian is a Canadian”.

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