Le problème de cette majorité francophone | Le Devoir

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L’accueil par le Québec de réfugiés syriens a inspiré à Philippe Couillard des réflexions sur l’intolérance des peuples, intolérance sur les braises de laquelle il accuse le Parti québécois et la Coalition avenir Québec d’avoir soufflé. Des commentateurs y ont vu un dérapage partisan. Or, il n’a fait que révéler le fond de sa pensée.​

Dans son discours d’ouverture du conseil général du Parti libéral du Québec il y a une semaine, Philippe Couillard a lancé : « Non à la xénophobie et au racisme, non à la fermeture et l’exclusion, oui à l’accueil, oui à la citoyenneté partagée. » Le sujet : l’accueil des réfugiés syriens et une bannière déployée à Québec pour s’y opposer.

Le lendemain, dans son discours de clôture, le chef libéral s’enhardissait en parlant de l’intégration des nouveaux arrivants : il a dénoncé la proposition du PQ — en fait, de Jean-François Lisée — d’imposer un délai d’un an à un nouveau citoyen canadien avant qu’il obtienne le droit de vote au Québec, question d’empêcher Ottawa de tricher. Quant à la CAQ, Philippe Couillard lui reprochait cette idée aussi singulière qu’inapplicable d’imposer aux immigrants un examen de français et de « valeurs » trois ans après leur arrivée : un échec mènerait à l’expulsion.

Le PLQ se présente comme le parti « de l’inclusion », comme l’a dit son chef, « celui d’une citoyenneté ouverte et partagée ». Le corollaire, c’est que le PQ et la CAQ ne le seraient pas. Dimanche dernier, le président de la Commission-Jeunesse du parti, Nicolas Perrino, a bien résumé dans son discours cette nouvelle posture des libéraux. « Les Québécois de tous les horizons savent que notre parti est le seul qui refusera toujours de céder aux fantasmes populistes d’un autre temps. Ils savent que notre parti se méfiera toujours de ceux qui prétendent promouvoir l’affirmation identitaire de la majorité en brimant les droits fondamentaux des minorités. Ils savent que notre parti défendra toujours les libertés individuelles et notre culture sans jamais verser dans l’intolérance et l’exclusion. »

Dans la conférence de presse de clôture du conseil général, Philippe Couillard a développé sa pensée. Tant le PQ que la CAQ « ont un lourd passif » en matière d’accueil des immigrants. « Parfois, et même parfois involontairement, en adoptant certaines politiques qui semblent faciles, qui semblent répondre à ce qu’on croit être le souhait de la population, on pose des gestes qui attisent les braises de ces démons qu’on a chez nous comme partout ailleurs », a-t-il fait observer. Devant l’intolérance, « j’ai toujours eu cette inquiétude », devant ces « démons », présents dans toutes les sociétés démocratiques, « dont la peur de l’Autre, dont la tentation facile du rejet de l’étranger, dont la xénophobie ».

À l’Assemblée nationale mardi, le chef de la CAQ, François Legault, a bien tenté d’obtenir de lui une rétractation. En vain. Jamais, jamais il ne se rétractera parce que c’est précisément ce qu’il pense, confirme-t-on dans son entourage. Ce ne sont pas là des exagérations partisanes servant à chauffer des militants qui se délectent des attaques du chef à l’endroit des adversaires politiques.

Aux yeux de Philippe Couillard, l’hypocrisie du PQ était manifeste durant ce qu’il appelle « cet épisode très regrettable de la charte des valeurs ». En prônant une neutralité religieuse qui s’incarne dans les employés de l’État, le PQ a sciemment exacerbé les sentiments xénophobes du peuple et il a divisé les Québécois.

Deux conceptions

Le débat sur cette charte, appuyée par une nette majorité de francophones à l’époque, ne confrontait pas deux conceptions légitimes du vivre-ensemble — entre les visions d’un Guy Rocher et d’un Charles Taylor, par exemple. Pour les détracteurs de la laïcité de l’État comme Philippe Couillard, le débat opposait les défenseurs des droits et libertés à une majorité pusillanime qui gonfle les muscles en brimant les minorités ; les Lumières de l’interculturalisme, l’ouverture à l’Autre étaient confrontées à l’ignorance nauséabonde d’une plèbe un brin raciste et obtuse.

À l’instar de Bouchard-Taylor, Philippe Couillard a toujours soutenu qu’il n’y avait pas eu de crise des accommodements raisonnables. Il a affirmé que la pratique était aujourd’hui bien balisée et que la charte péquiste ne réglait que des « problèmes imaginaires ». Ce qui ne va pas, c’est la majorité francophone. Il faut définir une « nouvelle identité québécoise », avait-il fait valoir alors qu’il était candidat à la chefferie du PLQ.

Source: Le problème de cette majorité francophone | Le Devoir

Québec s’attaque à la radicalisation: Loi 59

The evolution of Loi 59 – refreshing to see a government open to amendments for proposed legislation:

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a dévoilé des dizaines d’amendements — tenant sur plus de 40 pages — à son projet de loi anti-discours de haine afin de l’inscrire formellement dans la « lutte contre la radicalisation ».

« Le discours haineux, c’est un discours qui peut s’inscrire dans un processus de radicalisation, malheureusement », a-t-elle souligné dans un bref entretien avec Le Devoir près d’une semaine après les attentats de Paris.

D’ailleurs, le libellé de la version amendée du projet de loi, soumise aux élus de la Commission des institutions jeudi, a été inchangé depuis les attaques dans la Ville Lumière, a-t-on assuré au Devoir.

Le projet de loi 59 prohibera les discours haineux et les discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement, mais également les « enseignements » du même registre, visant un groupe de personnes identifié à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne — femmes, homosexuels, minorités visibles, groupes religieux, etc. —, a annoncé Mme Vallée jeudi.

Suivant les recommandations des juristes de l’État, l’élue libérale s’était abstenue de définir le concept de « discours haineux » dans la version originale du projet de loi, ce qui lui avait valu de nombreuses critiques. Elle a remédié à cette lacune. « Aux yeux d’une personne raisonnable, [le discours haineux] est d’une virulence ou d’un extrême tel qu’il est susceptible d’exposer ce groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l’aversion, notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble », peut-on lire dans la nouvelle mouture du document.

D’autre part, Mme Vallée a ajouté une disposition au projet de loi permettant aux cégeps de résilier un contrat d’utilisation d’un local si le locataire a un « comportement qui peut raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou psychologique des étudiants ainsi que celle des personnes qui sont présentes dans le collège »« C’est une mesure [dictée par le] gros bons sens », a-t-elle fait valoir, près d’un an après le départ de jeunes fréquentant les classes du prédicateur Adil Charkaoui au Collège Maisonneuve pour aller grossir les rangs de groupes djihadistes.

Par ailleurs, Mme Vallée a retiré l’obligation faite à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) de tenir à jour une « liste noire » ou « liste de la honte » recensant les personnes épinglées pour discours haineux ou incitant à la violence dans le projet de loi.

Elle a également enlevé la peine minimale de 1000 dollars à laquelle celles-ci s’exposaient. La ministre laissera le loisir au Tribunal d’« imposer une ou plusieurs mesures de redressement » comme une « lettre d’excuses »« Il peut arriver qu’un discours haineux soit tenu par une personne dans une situation de vulnérabilité extrême [ou] un jeune, un mineur », a précisé Mme Vallée au Devoir.

Source: Québec s’attaque à la radicalisation | Le Devoir