Exil de mer et de vent 

Portrait of Ukrainian exiles in rural Quebec, their welcome into a small community of 100 people, and the challenges they face and how they adopt or not:

Mai dernier. Les trois fillettes sautillent sur le terrain dans le printemps tout neuf. Derrière la maison, il y a la baie immense, les îles, la somptuosité de la Basse-Côte-Nord. Artur exulte : l’épicerie de Tête-à-la-Baleine a enfin reçu des betteraves. Sa soupe borchtch est au feu. Snizhana, vêtue de jaune et de bleu, tient la petite dernière, la quatrième, dans ses bras. « C’est un hasard. Vous me voyez vêtue aux couleurs de l’Ukraine. »

Cet hiver, elle s’est longuement promenée sur la baie gelée, main dans la main avec les enfants et avec sa nostalgie. Ensemble, elle, les filles et la nostalgie, elles ont vu des corbeaux, des phoques, des belettes. Et des renards roux à la queue longue et touffue. En Ukraine aussi, il y avait des renards roux. Les enfants criaient leur joie. Snizhana étouffait son désarroi.

Les Levytskyi, Artur, Snizhana et leurs quatre enfants, sont ici depuis février. Si on les additionne aux membres de l’autre famille ukrainienne arrivée six mois auparavant, les deux maisonnées font gonfler la population de Tête-à-la-Baleine de 11 personnes. Sur une population de 100. C’est beaucoup !

Deux familles qui ont quitté l’Ukraine parce qu’elles étaient en train de devenir un peu folles. Fallait partir. Par tous les moyens. « Mon cerveau avait cessé de fonctionner, se souvient Snizhana, j’avançais comme un animal. » Un animal terrorisé. « Nous dormions tout habillés au cas où il faudrait vite décamper. Je ne suis pas brave, je l’avoue. Peut-être parce que je suis une mère. » Snizhana parle sans s’arrêter, en un flux précipité. « J’ai consulté une psy pour savoir comment cacher aux enfants mes propres angoisses. »

Des histoires qui ressemblent à tant d’autres, de fuites éperdues, d’attentes interminables, de frontières à franchir, de bagages à traîner. Marcher, marcher, exténués, avec le goût de flancher, de s’effondrer. Tenir bon, garder un semblant de moral pour les plus jeunes.

Un village entier mobilisé

Deux familles qui sont parvenues à Tête-à-la-Baleine par la même voie, celle d’un village qui s’est mobilisé pour les accueillir. On a trouvé à chacune une maison, un véhicule, une motoneige, des vêtements, des vivres. Des résidents ont envoyé des chèques pour leurs hôtes venus de loin. « C’était aussi, et peut-être principalement, un échange, une sorte de contrat », explique Michaël Lambert, qui a pris l’initiative de faire venir des familles ukrainiennes jusque dans cette contrée lointaine, désert de poissons et d’oiseaux que nulle route ne relie au reste du Québec et du continent. « On cherchait des familles pour renforcer la vitalité du village, fouetter son économie et empêcher l’école de fermer. » Du donnant-donnant, en quelque sorte.

Trouver des familles qui, en contrepartie d’une vie paisible, loin de la guerre, accepteraient d’y passer ne serait-ce que quelques années, consentiraient à apprendre le français, découvriraient qu’elles apprécient cette vie rudimentaire, loin des centres et de la consommation, dans la poussière grise des quatre-roues l’été, et celle, toute blanche, des motoneiges l’hiver. Avec une épicerie au contenu famélique, des transports impossibles, des bateaux aux horaires incertains ou des avions à prix exorbitants. Des familles qui acquiesceraient au système D, au bricolage, au rafistolage. « On a bien voulu essayer cette vie-là, essayer le Canada », poursuit Snizhana.

Imaginez la scène. Février dernier. Il fait moins 40. Michaël est parti chercher le ménage des Levytskyi entreposé à Kegaska, tandis que la famille, elle, est déjà arrivée en avion à Tête-à-la-Baleine. Une chevauchée en motoneige de 250 kilomètres sur la Route blanche, sentier balisé pour faciliter les déplacements l’hiver sur la Basse-Côte-Nord. Aveuglé par la lumière et frigorifié, Michaël fonce dans la blancheur, traînant le chargement derrière son engin. Et puis, oh ! malheur !, la motoneige s’étouffe, en panne. L’homme manque d’y laisser la peau. À moitié congelé, il sera sauvé par des gens de la côte partis à sa recherche.

L’une chante, l’autre pas

Deux familles, donc, venues d’une même Ukraine, échouées dans un même exil de mer et de vent, mais deux familles bien différentes. Avec chacune leur façon de voir la vie, avec des exigences distinctes, peut-être, face à l’existence et une quête du bonheur qui ne se ressemble pas. Si bien qu’aujourd’hui, l’une arrive à s’adapter, l’autre pas. L’une envisage de rester, l’autre pas. L’une chante, l’autre pas.*(1)

« Je me sens perdue dans un pays perdu, confie Snizhana. J’ai envie que les enfants aient des activités parascolaires, qu’ils connaissent autre chose pour leur développement intellectuel et spirituel. » À cela s’ajoute son tourment de décevoir ceux et celles qui, à Tête-à-la-Baleine, se sont démenés pour les accueillir. « Même si je comprends leur décision de partir, je suis déçu, dit Michaël, c’est un peu comme un contrat brisé. » « Je comprends leur déception, rétorque doucement Snizhana, mais c’est de notre vie et de notre avenir qu’il s’agit. »

La famille Lizunova, de son côté, envisage de s’acheter une maison à Tête-à-la-Baleine et de quitter le presbytère où elle est provisoirement logée. Les deux adultes, des cousines, Antonina Lizunova et Olga Kulyk, apprennent activement le français, l’une dans le but de travailler à l’aéroport, l’autre pour devenir cuisinière à l’auberge de l’Archipel, au coeur du village. D’ailleurs, Olga a fait cuire sa première morue hier, sous la supervision de Marco Marcoux, propriétaire du lieu, qui lui donnait ses instructions en usant de Google Translate. « Une morue apprêtée à la mode de chez nous ! lance Marco, avec une purée de pommes de terre et un quartier de citron. »

S’encourageant l’une et l’autre et transmettant leur force morale aux trois ados dont elles ont la charge, les cousines sont animées d’un optimisme à tous crins. Mais quand on leur demande si elles souffrent du mal du pays, leurs yeux s’embrument. Ah ! combien elles voudraient pouvoir m’ouvrir leur coeur et se faire comprendre au moins un peu, en français ou en anglais. Bon, à défaut, ne parlant ni l’une ni l’autre langue, elles m’offrent une petite crêpe « à la viande », une expression qu’elles ont apprise depuis leur arrivée à Tête-à-la-Baleine.

Partir dès que possible

Le village s’est mis en quête d’une autre famille ukrainienne. Aux dernières nouvelles, une mère, un père et leurs cinq enfants s’annonçaient pour bientôt.« On a déjà tenu deux activités de financement », se réjouit Michaël.

Snizhana, elle, veut quitter Tête-à-la-Baleine aussi vite que possible. C’est fou, elle le sait, elle veut partir avant que les mouches noires ne fassent leur apparition. Oui, elle en est consciente, c’est fou, elle qui a survécu aux bombes, aux explosions, aux tirs de mortier, est prise d’une peur obsessive des mouches noires. Comme si le ciel allait à nouveau l’attaquer et fondre sur elle. « L’exil ne prive pas uniquement l’individu de sa terre natale, écrit Marie Daniès, dans la revue Mémoires. L’exilé se perd car ce qui le définissait, son rapport à lui-même, aux autres, a disparu. Le sens de sa vie lui échappe. »

En songe, je vois Snizhana au bout du quai de Tête-à-la-Baleine, immobile, offerte aux vagues et aux oiseaux. Rêvant d’on ne sait quoi. Elle ne sait plus. Snizhana, d’autre part et de nulle part. Snizhana, en exil de tout ce qui est elle-même. Snizhana, l’errante des splendeurs et des malheurs de la terre.

Ailleurs le monde est doux

L’air est meilleur et de partout

Coulent des fleuves d’or et de musique

Ailleurs dormir mon coeur tragique*(2)

Source: Exil de mer et de vent

Spain expects wave of citizenship requests due to new ‘Grandchildren Law’

Of interest:

Spain is anticipating hundreds of thousands of citizenship requests as relatives of exiles from the country take advantage of a new historical memory law which tackles the legacy of the dictatorship of Francisco Franco.

The Democratic Memory Law, also known informally as the “Grandchildren Law”, allows children and grandchildren of Spaniards who were forced into exile during the 1936-39 civil war and the dictatorship which followed to claim Spanish citizenship.

About half a million Spaniards went to live abroad during that time, according to estimates. France was the most common destination, but many went to Latin American countries. The Spanish foreign ministry is deploying extra personnel in consulates in some Latin American countries in order to manage the large numbers of requests expected. Cuba, Argentina, Mexico, and Venezuela are the countries where the most are anticipated.

“In the last two days alone we’ve had 3,000 emails [asking about this], which have caused our server to collapse,” said Estela Marina Pérez, of Grupo Aristeo, a Madrid-based company which handles queries related to immigration.

“We’ve had to set up a separate platform to manage this, above all for Cubans,” she said, estimating that several hundred thousand Cubans alone will request Spanish nationality.

Others who will be able to claim nationality under the new legislation are children of Spanish women who lost their citizenship during the Franco regime because they married a foreigner. And another group which can benefit from the law are people who were over 21 when their parents received Spanish nationality under a previous historical memory law passed in 2007. Because they were adults at the time, these individuals were unable to claim citizenship along with their parents. This meant that in many cases one member of the family was granted nationality but the children were not, or that the younger children were granted it but not the older ones.

María Padrón, a Venezuelan who was granted Spanish citizenship under the 2007 law is hoping her children will be able to receive it under the new legislation. “My parents travelled [to Venezuela] in a sailing boat which my grandfather made, imagine that,” she told Voz de América news site. “My children need to leave, because you know what the country is like right now.”

A law passed in 2015 allowed descendants of Sephardic Jews who had been expelled from Spain in the 15th century to claim citizenship. A total of 127,000 people, mainly from Latin America, applied for the scheme.

The new rules granting Spanish nationality are just one part of a law that attempts to deal once and for all with issues related to the civil war and the ensuing four-decade dictatorship.

The Democratic Memory Law declares the Franco regime illegal and deems publicly defending it a criminal offence. It calls for the removal of monuments and street signs, such as those bearing the names of Franco or his generals, which are seen to glorify the dictatorship. The law also opens the door to the investigation of human rights violations both during the regime and in its immediate aftermath.

In addition, the legislation asserts that the state is now responsible for identifying and exhuming the remains of the victims of Franco who are still in unmarked graves, who campaigners estimate number more than 100,000. Until now, volunteer organisations had carried out exhumations.

After parliament approved the law in the summer, the leftist coalition government of Pedro Sánchez said: “We are turning the page on the darkest episode of our history, the dictatorship and the civil war”. It said the legislation embraced the transition to democracy and the constitution.

However, the law has faced stiff resistance from the political right, which claims it digs up the past and that it has been influenced by EH Bildu, formerly the political wing of Basque terrorist group Eta.

The leader of the main opposition Popular Party (PP), Alberto Núñez Feijóo, has warned that he will roll back the law if he becomes prime minister, alleging it “attacks the spirit of the democratic transition”.

“The Grandchildren Law is undoubtedly a good piece of news for the descendants of Spaniards around the world,” noted Viviana Echeverria, an expert in migration law. [But] it’s not clear if it’s here to stay.”