Le gel de l’immigration permanente, une «catastrophe», selon les experts
2024/11/06 Leave a comment
Meanwhile, in Quebec:
Catastrophe », « choc », « urgence » : au-delà de la confusion semée par l’annonce du quasi-gel de l’immigration permanente au Québec la semaine dernière, des experts invitent à voir le sentiment de panique qui se répand chez les immigrants.
La CAQ s’est « prise à son propre jeu » en politisant l’immigration, disent aussi deux chercheuses. Difficile maintenant d’agir en toute « cohérence » avec le discours politique, alors que les pressions économiques et humanitaires s’exercent de tous côtés, souligne par exemple Danièle Bélanger.
« C’est une catastrophe pour ces personnes qui ne peuvent plus changer de statut », remarque cette professeure à l’Université Laval et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales. « Il n’y a aucune allusion aux effets de tout ça sur les personnes, comme si ça n’existait pas. On corrige un peu le fichier Excel et on met ça dans le broyeur », poursuit-elle.
« On parle de personnes qui arrivent ici et jouent le jeu des règles de l’immigration. Ça implique très souvent de grands changements de vie. Puis, du jour au lendemain, ces règles changent. J’ai pu observer un fort sentiment de trahison », remarque quant à elle Capucine Coustere.Aujourd’hui chercheuse postdoctorale à l’Institut de recherche sur les migrations et la société de l’Université Concordia, Mme Coustere a consacré sa thèse à étudier les transitions entre un statut temporaire et la résidence permanente. « Les mesures concernent largement des personnes qui sont déjà ici et vont augmenter les délais pour des personnes qui sont temporaires, avec tout ce que ça implique », dit-elle, du point de vue tant de la restriction des droits que de la précarité.
Exode canadien et « urgence »
Des observateurs ainsi que le gouvernement fédéral ont déjà souligné que les resserrements récents de l’immigration temporaire et permanente pourraient augmenter le nombre de personnes qui se retrouvent dans un cul-de-sac : certaines se tourneront vers une demande d’asile, et d’autres pourraient rester sans statut sur le territoire.
D’autres immigrants encore, qui viennent de perdre la possibilité de s’installer définitivement — du moins durant le gel —, pourraient aussi décider de partir vers les autres provinces canadiennes. Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a d’ailleurs rehaussé la cible d’immigration francophone dans le reste du pays.
C’est d’ailleurs déjà parmi les options que les avocats en immigration soumettent à leurs clients, dit sans détour l’avocat en immigration Patrice Brunet. « Évidemment, moi, je préfère que les bons candidats restent au Québec, mais c’est au client de choisir ce qui est dans son intérêt », note-t-il en entrevue. Les changements dans le reste du Canada « sont moins intempestifs », et l’accès à la résidence « beaucoup plus rapide et sûr ».« En ce moment, on traite beaucoup le sujet comme des chiffres, comme des inventaires de marchandise, mais ce sont des humains », ajoute-t-il aussi.
Son équipe et lui-même en ce moment transmettent « un sentiment d’urgence » à leurs clients qui sont « extrêmement stressés », tant les particuliers que les entreprises : « Déposez aussitôt que vous êtes admissibles. On ne sait pas si à minuit le programme pourrait être suspendu pour une période indéterminée. »Des modèles qui s’entrechoquent
L’avocat n’est pourtant pas du tout contre un modèle d’immigration souvent appelé « à deux étapes », au contraire. Obtenir la résidence permanente depuis l’étranger est un système « d’un autre temps » à ses yeux.
Il y a en effet une part croissante des résidents permanents sélectionnés à même le « bassin » de temporaires. Et Jean-François Roberge, ministre de l’Immigration du Québec, a avancé, dans toutes les annonces, vouloir raffermir cette tendance. Le fait « d’essayer » un emploi et un milieu de vie au Québec permet de mieux « aligner » les demandes des employeurs et les attentes des employés, avance M. Brunet.«Être temporaire, c’est se fréquenter avant de se marier. Il y a moins de pression et, si ça ne marche pas, j’ai toujours l’option de repartir », dit-il.
La professeure Danièle Bélanger se dit quant à elle « très partagée » sur cette idée. Les indicateurs économiques montrent bel et bien que ceux qui font cette transition en ayant déjà vécu ici coûtent moins cher à l’État et ont un meilleur taux d’emploi ainsi que des salaires supérieurs.
« Mais, d’un point de vue humain, c’est un régime migratoire qui comporte un coût humain élevé », décrit-elle. Les immigrants temporaires, peu importe leur programme, vont endurer beaucoup de choses pour arriver à cette « carotte » de la résidence permanente : « Et ce qu’on voit maintenant est que cette carotte est extrêmement volatile », dit Mme Bélanger….
Source: Le gel de l’immigration permanente, une «catastrophe», selon les experts
Disaster”, “shock”, “emergency”: beyond the confusion sown by the announcement of the quasi-freeze of permanent immigration in Quebec last week, experts invite you to see the feeling of panic that is spreading among immigrants.
The CAQ has “taken on its own game” by politicizing immigration, two researchers also say. It is now difficult to act in complete “coherence” with political discourse, while economic and humanitarian pressures are exerted from all sides, underlines Danièle Bélanger, for example.
“It’s a disaster for those people who can no longer change their status,” says this professor at Laval University and holder of the Canada Research Chair on Global Migration Dynamics. “There is no allusion to the effects of all this on people, as if it did not exist. We correct the Excel file a little and put it in the grinder, “she continues.
“We are talking about people who come here and play the game of immigration rules. It very often involves big changes in life. Then, overnight, these rules change. I was able to observe a strong feeling of betrayal, “remarks Capucine Coustere.
Now a postdoctoral researcher at the Institute for Research on Migration and Society at Concordia University, Ms. Coustere devoted her thesis to studying the transitions between a temporary status and permanent residence. “The measures largely concern people who are already here and will increase the deadlines for people who are temporary, with all that it implies,” she says, from the point of view of both the restriction of rights and precariousness.
Canadian exodus and “emergency”
Observers and the federal government have already pointed out that the recent tightening of temporary and permanent immigration could increase the number of people who find themselves in a cul-de-sac: some will turn to an asylum application, and others could remain without status on the territory.
Still other immigrants, who have just lost the opportunity to settle permanently — at least during the freeze — may also decide to leave for other Canadian provinces. The Federal Minister of Immigration, Marc Miller, has also raised the target of Francophone immigration in the rest of the country.
It is already among the options that immigration lawyers submit to their clients, says immigration lawyer Patrice Brunet. “Obviously, I prefer that the good candidates stay in Quebec, but it’s up to the client to choose what is in his interest,” he notes in an interview. Changes in the rest of Canada “are less untimely”, and access to the residence “much faster and safer”.
“At the moment, we treat the subject a lot as numbers, as merchandise inventories, but they are human,” he also adds.
His team and himself are currently transmitting “a sense of urgency” to their customers who are “extremely stressed”, both individuals and companies: “Depose as soon as you are eligible. It is not known if at midnight the program could be suspended for an indefinite period. ”
Models that clash
However, the lawyer is not at all against an immigration model often called “two-step”, on the contrary. Obtaining permanent residence from abroad is a system “from another time” in his eyes.
There is indeed a growing share of permanent residents selected from the temporary “basin”. And Jean-François Roberge, Quebec’s Minister of Immigration, put forward, in all the announcements, that he wanted to strengthen this trend. “Trying” a job and a living environment in Quebec makes it possible to better “align” employers’ demands and employee expectations, says Mr. Brunette.
“To be temporary is to hang out before getting married. There is less pressure and, if it doesn’t work, I always have the option to leave,” he says.
Professor Danièle Bélanger says she is “very divided” on this idea. Economic indicators do show that those who make this transition having already lived here cost the state less and have a better employment rate as well as higher wages.
“But, from a human point of view, it is a migratory regime that has a high human cost,” she describes. Temporary immigrants, regardless of their program, will endure a lot to get to this “carrot” of permanent residence: “And what we see now is that this carrot is extremely volatile,” says Ms. Bélanger….
