En prison pour deux publications Facebook

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C’est le sort injuste qui a été réservé à Cihan Erdal, 32 ans, doctorant en sociologie de l’Université Carleton à Ottawa, emprisonné depuis six mois en Turquie, son pays d’origine, où il se trouvait pour mener ses recherches universitaires et voir sa famille. 

Le 25 septembre 2020, son amoureux, Omer Ongun, qui habite Ottawa, a été réveillé par un appel au beau milieu de la nuit. 

C’était Cihan. 

« Les policiers étaient à sa porte et ils l’emmenaient en détention. Et tout ce qu’il a pu dire au téléphone, c’est : ‟Je t’aime. Fais tout ce que tu peux. J’ai besoin de votre soutien.” » 

C’est la dernière fois qu’Omer a entendu la voix de Cihan. 

Même si nous sommes ensemble depuis 10 ans, la Turquie est un de ces nombreux pays qui malheureusement ne reconnaissent pas les unions de même sexe. Je ne suis donc pas considéré comme étant sa famille et ne suis pas autorisé à lui parler.

Omer Ongun, conjoint de Cihan Erdal

Depuis, Omer tente de remuer ciel et terre pour faire libérer Cihan, avec qui il ne peut communiquer que par écrit. Toutes les semaines, il lui envoie une lettre par l’entremise d’une application payante conçue expressément pour pouvoir correspondre avec des prisonniers en Turquie. 

« La lettre est imprimée, mise dans une enveloppe et envoyée à la prison. Cihan la reçoit environ une semaine plus tard. » 

Soutenu par un mouvement de solidarité de plus en plus grand, Omer ne perd pas espoir de retrouver son amoureux. Il suit des cours de français en ce moment en rêvant de jours libres où il pourra s’installer à Montréal avec lui. « Cihan parle français. Mieux que moi ! Pour l’heure, nous sommes locataires. Mais si un jour on achète une maison, ce sera à Montréal. On a toujours aimé l’énergie de cette ville. » 

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Emprisonné à Ankara, Cihan Erdal, qui a un statut de résident permanent au Canada, doit avoir un procès le 26 avril. On l’accuse d’être lié à des manifestations qui ont eu lieu en octobre 2014 en Turquie. Son arrestation survient alors que les autorités turques accusent le Parti démocratique des peuples de Turquie (HDP), auquel Cihan Erdal a déjà été lié comme ex-membre de son comité exécutif central, d’avoir incité des gens à participer à des soulèvements violents. 

Sa détention arbitraire n’est malheureusement qu’un cas parmi d’autres d’utilisation de lois antiterroristes pour faire taire toute voix discordante en Turquie, selon Amnistie internationale. 

Officiellement, ce que l’on reproche à Cihan Erdal, ce sont deux publications Facebook de 2014 et 2015 dans lesquelles l’étudiant, qui est aussi assistant de recherche à l’Université Carleton depuis 2017, relayait des articles critiques du gouvernement turc. 

La cible ici, ce n’est pas Cihan personnellement. La cible, c’est le peuple turc.Les accusations sont destinées à faire en sorte que les gens aient peur de s’impliquer dans un parti politique qui pourrait provoquer une sorte d’opposition au parti au pouvoir.

Paul Champ, avocat spécialisé en droits de la personne, lors d’une conférence organisée lundi par l’Université Carleton

Dans une lettre ouverte publiée le 15 mars, Cihan Erdal dit qu’il se considère comme un « otage politique ». Militant queer et pacifiste, il s’est toujours opposé aux prédicateurs de violence. Il dit trouver « honteux » pour le droit et la justice d’être soumis à des « accusations terrifiantes », non fondées, d’incitation au terrorisme. 

Lisez la lettre (en anglais)

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De nombreuses voix se sont élevées ces derniers mois pour réclamer la libération de Cihan Erdal. La communauté universitaire, des défenseurs des droits de la personne, le Syndicat canadien de la fonction publique (dont Cihan est membre) et d’autres encore mènent une campagne pour dénoncer l’injustice qu’il subit. Sa détention arbitraire apparaît comme une cruelle illustration d’une tendance inquiétante à brimer la liberté universitaire. 

C’est un aspect dont on a peu parlé dans la foulée des controverses récentes autour de cet enjeu important. Mais il est extrêmement préoccupant. Entre janvier 2011 et août 2020, le réseau international Scholars at Risk, qui vient en aide aux universitaires faisant face à de graves menaces, a recensé à lui seul plus de 1700 attaques contre l’enseignement supérieur dans une centaine de pays. Qu’il s’agisse d’actes violents et prémédités contre des universités, des professeurs et des étudiants ou de restrictions à la liberté d’expression des chercheurs, l’objectif est toujours le même : punir des gens pour leurs idées et tenter de les réduire au silence. 

C’est exactement ce que l’on a fait à Cihan Erdal, dont les recherches portent sur la jeunesse militante en Turquie, en Grèce et en France. Sa méthodologie exigeait qu’il interviewe de jeunes militants sur le terrain, explique son conjoint. « Il n’a jamais pensé qu’il y avait là un risque puisqu’il n’a rien fait de mal. » 

Pendant 21 jours, Cihan Erdal a été gardé dans une cellule d’isolement, dans des conditions extrêmement pénibles, selon les informations obtenues par son conjoint. Aujourd’hui, il va mieux, bien qu’il soit toujours détenu. « Il est pleinement concentré sur ses études. Il lit et écrit des articles et des chapitres de livres. » 

Le vendredi 2 avril, il y aura une audience pour déterminer si le doctorant peut être libéré sous caution en attendant son procès. La campagne #FreeCihanErdal (#LibérezCihanErdal) demande au gouvernement canadien et aux autorités turques sa libération immédiate. 

« Le Canada a fait part de ses préoccupations aux autorités turques et continue de suivre cette affaire de près », me dit le porte-parole d’Affaires mondiales Canada, Jason Kung. 

Omer reste optimiste. « Depuis le jour où j’ai reçu cet appel de Cihan, je me dis : on ne peut contrôler ce qui nous arrive, mais on contrôle notre façon d’y réagir. Nous répondons à cette injustice et à cette torture par la résistance et la solidarité. » 

Source: https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-31/en-prison-pour-deux-publications-facebook.php

Carleton PhD student detained in Turkey, accused of inciting protests

An interesting and disturbing consular case that highlights a number of issues:
  • increasing repression in autocratic countries
  • calls for consular assistance are being applied to Permanent Residents, not just citizens (as in the case of Iran’s shooting down of the Ukrainian airline)
  • Canada will likely have more cases like this for those international students researching their country of origin histories and issues
  • and the intersection with LGBT identities.

In the ten years they’ve been together, Ömer Ongun has not gone a day without hearing the voice of his partner, Cihan Erdal.

It’s now been three days since they’ve spoken.

Their last conversation came on Friday, just moments before Erdal was detained in Istanbul’s Besiktas neighbourhood.

“It was 2 a.m. for us, 9 a.m. for Cihan in Istanbul. He called me and said ‘I love you. They are at my door. They’re going to take me away,'” Ongun said.

Erdal, a 32-year-old PhD candidate at Carleton University and a permanent resident of Canada, is now being held at a detention centre in the Turkish capital, Ankara.

He was among dozens of people named in warrants issued across Turkey on Friday. Ongun, also a permanent resident, said Erdal’s lawyer has not been allowed to see the specifics of his case file, but the allegations against all of the detainees relate to a letter written in 2014.

The letter called on the Turkish government to step in to help the Kurdish town of Kobani, in Syria, at the height of ISIS attacks.

Deadly protests

Thirty-seven people were killed in protests in Turkey’s mainly Kurdish southeast that October as people filled the streets, angry the Turkish Army wasn’t moving in to protect Kobani and its people.

The Turkish government accuses the signatories of that letter of supporting the protests.

And the statement from Carleton:

The Department of Sociology and Anthropology at Carleton University condemns in the strongest possible terms the detention of Carleton Sociology doctoral candidate, Cihan Erdal, in Turkey today. The charges stem from events back in 2014, which the Turkish government are using to continue persecuting members of the leftist HDP political party, the third largest party in Turkey’s parliament. Cihan and 81 others, including academics, activists, and politicians, have been targeted because they are all signatories to a letter from six years ago calling for the Turkish government to step in to protect a Kurdish town from ISIS attacks, during a time when ISIS was quite active and many Kurds were being killed.

Cihan was an active member of the HDP in 2014 as their youth representative. However, he has not been involved in Turkish politics since he moved to Canada to do his doctoral studies at Carleton in January, 2017. He had only returned to Turkey to visit family and then to interview Turkish activists as part of his doctoral fieldwork. Cihan’s research is on youth-led social movements in Europe, including in Turkey, focused on the stories of young activists about their involvement in social movements. His work is in no way critical of the Turkish state. His research passed a formal proposal defense, and his research ethics proposal was approved before the COVID-19 pandemic began. He was beginning interviews online, while awaiting approval under the new pandemic ethics process to begin face to face interviews in Turkey, Athens, and Paris.

We ask you to vigorously demand the release of Cihan from detention and demand that the Canadian government consular offices support Cihan, who is a permanent resident of Canada.

More information on the arrests can be found here.

Source: https://carleton.ca/socanth/2020/the-department-of-sociology-and-anthropology-at-carleton-university-condemns-in-the-strongest-possible-terms-the-detention-of-carleton-sociology-doctoral-candidate-cihan-erdal-in-turkey-today/

And the website and social media campaign: freecihanerdal.ca