Ottawa resserre davantage que Québec le recours aux travailleurs temporaires à bas salaire
2024/08/28 Leave a comment
Quebec comparison:
Ottawa va resserrer l’accès aux travailleurs étrangers temporaires à bas salaire davantage que Québec. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé trois changements en ce sens lundi matin, en marge de la retraite du cabinet fédéral, qui constituent un retour aux règles d’avant la pandémie.
Cette annonce suit celle faite par le premier ministre François Legault la semaine dernière, mais elle couvre plus large, tant géographiquement que pour les plafonds dans chaque industrie.
Québec va geler pour six mois l’accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) dès le 3 septembre, mais seulement pour l’île de Montréal. Les resserrements d’Ottawa entreront quant à eux en vigueur le 26 septembre et s’ajoutent à ceux déjà annoncés le printemps dernier, a évalué plus tard en matinée le ministre de l’Emploi, Randy Boissonnault.
Les mesures fédérales vont s’appliquer sans une fin déterminée : la révision du programme continue, précise plutôt le cabinet du ministre.Les grands secteurs exemptés du resserrement fédéral seront les mêmes que ceux choisis par Québec : construction, santé, transformation alimentaire et du poisson. L’agriculture fait l’objet d’un autre volet du programme, et elle est donc également exclue.
Le « bas salaire » est défini par province selon le salaire médian, et est fixé à 27,47 $ l’heure pour le Québec.Selon le taux de chômage
Les assouplissements ayant suivi la pandémie ont bien servi la communauté d’affaires, mais « l’économie d’aujourd’hui est différente », a dit M. Trudeau, citant l’inflation qui diminue et le chômage qui augmente.
C’est d’ailleurs le taux de chômage qui servira à déterminer les zones métropolitaines qui ne pourront plus participer au programme. Le gouvernement du Canada refusera de traiter les études d’impact sur le marché du travail (EIMT), la première étape pour les entreprises qui embauchent à l’étranger, qui concernent les villes où le taux de chômage est de 6 % ou plus.
D’après ce critère, et selon le taux de chômage au 1er juillet 2024, les villes de Laval et de Gatineau seraient exclues du programme, mais Québec ne les a pas mentionnées dans son annonce.
« Nous n’avons plus besoin d’autant de travailleurs étrangers temporaires. Nous avons besoin d’entreprises qui investissent dans la formation et les technologies, pas qui augmentent leur dépendance à une main-d’oeuvre à bas coût », a déclaré le premier ministre Trudeau. Il est temps d’investir dans les travailleurs canadiens, a-t-il rétorqué à « ceux qui se plaignent de la pénurie de main-d’oeuvre ».
C’est l’une des « pièces du casse-tête » pour faire passer de 7 % à 5 % la proportion totale d’immigrants temporaires par rapport à la population, a quant à lui déclaré le ministre de l’Immigration, Marc Miller, lors d’un point de presse tenu avec deux autres ministres, dont M. Boissonnault. D’autres mesures restent à annoncer, ont-ils précisé.
Cette proportion est d’environ 6,6 % au Québec, ce qui représente 597 000 immigrants temporaires, selon les dernières estimations de Statistique Canada.Des plafonds différents
Le deuxième changement important constitue un autre retour en arrière : les employeurs pourront embaucher jusqu’à 10 % de leur effectif total dans le cadre du programme, comme c’était le cas de 2014 à 2022. La limite actuelle est de 20 % dans la plupart des industries.
La santé et l’agriculture ne connaissent pas de plafond à l’échelle du Canada.
Au Québec, les secteurs de la fabrication de produits en bois, de meubles et de produits connexes ainsi que les services d’hébergement et de restauration sont encore affichés à 30 % en raison de certaines exemptions.
Il y a en outre 267 professions exemptées de ces plafonds dans la province, dont une partie sont à bas salaire. Cette liste de professions s’est élargie dans les dernières années, à la demande du gouvernement Legault. L’an dernier, en dehors de l’agriculture, ce sont 63 % des dossiers de travailleurs temporaires au Québec qui sont passés par ce traitement simplifié, sans que le poste soit d’abord affiché pour les travailleurs locaux.
Le cabinet de M. Boissonnault a néanmoins confirmé que les changements s’appliqueraient au Québec, tout en disant vouloir « travailler en étroite collaboration avec le gouvernement du Québec ».
Enfin, le dernier changement annoncé lundi concerne la durée maximale d’emploi, qui passera de deux ans à un an à l’échelle du Canada.D’autres mesures demandées
Le volet des postes à haut salaire du même programme est aussi sous la loupe du gouvernement, dans le cadre d’un examen général accéléré qui va durer 90 jours. Le cabinet discutera du nombre de résidents permanents et des possibilités d’adapter les cibles, a aussi avancé le premier ministre Trudeau.
« Le fédéral suit l’exemple de notre gouvernement, soit de réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires là où de la main-d’oeuvre est disponible », a quant à elle écrit sur X la ministre provinciale de l’Immigration, Christine Fréchette.
Comme la semaine dernière, elle a exhorté Ottawa à agir sur les autres résidents non permanents, en particulier sur l’autre grand programme de travail temporaire, le Programme de mobilité internationale.
Ce retour aux règles prépandémiques n’est pas sans rappeler la réforme de 2014 du même programme de travailleurs étrangers temporaires. Le fédéral déplorait alors qu’un programme de « dernier recours » n’eût pas connu assez de limites et que certains employeurs aient, « au fil du temps, bâti leur modèle d’entreprise en fonction du [PTET] ».Dominer l’ordre du jour
Pour Catherine Xhardez, professeure de science politique à l’Université de Montréal, ce n’est pas un hasard si les deux ordres de gouvernement agissent sur les mêmes « rouages » : « Ce sont comme des boulons qu’on peut resserrer. Et c’est le PTET qui en a le plus, même s’il y a des forces contraires sur la question à savoir si on veut les resserrer ou non. »
Le gouvernement est « sous pression populaire et économique », décrit-elle, et veut montrer qu’il agit, tant à Québec qu’à Ottawa. Les deux « jouent sur ce qu’ils peuvent », le levier étant toujours les EIMT. « C’est sûr qu’il y a un effet de communication, de vouloir se mettre à l’agenda pour montrer qui avance en premier », analyse la politologue.
Les autorités ont desserré ces rouages de l’immigration temporaire durant la pandémie, tant pour relancer l’économie que pour rattraper la baisse migratoire des années 2020 à 2022. Toutefois, c’est une addition de petites mesures, « sans vision globale », qui ont été mises en places, « sans qu’on se rende compte à quel point les chiffres étaient importants », voit-elle. Il y a bel et bien eu « un recours massif pas toujours très raisonné », selon elle.
L’immigration a contribué à relancer l’économie, ont souligné MM. Boissonnault et Miller en conférence de presse. La réplique viendra donc rapidement d’un acteur important de la politique d’immigration, souligne Mme Xhardez : les employeurs.Les employeurs catastrophés
Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) n’a en effet pas tardé à réagir à cette nouvelle annonce, à l’image du mécontentement affiché la semaine dernière. « Une nouvelle tuile s’abat sur les entreprises cette semaine. Elles auront peu de temps pour s’adapter, car les changements annoncés entreront en vigueur d’ici un mois », a déclaré Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.
Les dernières prévisions économiques étant « optimistes », dit-il, la demande en travailleurs pourrait repartir à la hausse. Ce programme n’est qu’un « dernier recours », à cause de la « paperasse et des procédures » qu’il représente, indique-t-il.
Le CPQ propose par ailleurs qu’on « facilite le maillage avec les entreprises » pour développer des compétences correspondant au marché du travail, notamment celles des demandeurs d’asile.
Source: Ottawa resserre davantage que Québec le recours aux travailleurs temporaires à bas salaire
Computer translation:
Ottawa will tighten access to low-wage temporary foreign workers more than Quebec. Prime Minister Justin Trudeau announced three changes in this direction on Monday morning, on the sidelines of the retirement of the federal cabinet, which constitute a return to pre-pandemic rules.
This announcement follows the one made by Prime Minister François Legault last week, but it covers more widely, both geographically and for the ceilings in each industry.
Quebec City will freeze access to the Temporary Foreign Workers Program (PTET) for six months as of September 3, but only for the island of Montreal. The Ottawa tightening will take effect on September 26 and are in addition to those already announced last spring, assessed Employment Minister Randy Boissonnault later in the morning.
Federal measures will apply without a specific purpose: the revision of the program continues, says the Minister’s office instead.
The major sectors exempted from federal tightening will be the same as those chosen by Quebec: construction, health, food processing and fish. Agriculture is the subject of another part of the program, and it is therefore also excluded.
The “low salary” is defined by province according to the median salary, and is set at $27.47 per hour for Quebec.
According to the unemployment rate
The relaxations that followed the pandemic have served the business community well, but “today’s economy is different,” said Mr. Trudeau, citing declining inflation and rising unemployment.
It is also the unemployment rate that will be used to determine the metropolitan areas that will no longer be able to participate in the program. The Government of Canada will refuse to deal with labour market impact studies (LMIAs), the first step for companies that hire abroad, which concern cities where the unemployment rate is 6% or more.
According to this criterion, and according to the unemployment rate as of July 1, 2024, the cities of Laval and Gatineau would be excluded from the program, but Quebec did not mention them in its announcement.
“We no longer need so many temporary foreign workers. We need companies that invest in training and technology, not that increase their dependence on a low-cost workforce, “said Prime Minister Trudeau. It’s time to invest in Canadian workers, he replied to “those who complain about the shortage of labor”.
This is one of the “pieces of the puzzle” to increase the total proportion of temporary immigrants in relation to the population from 7% to 5%, said Immigration Minister Marc Miller at a press briefing with two other ministers, including Mr. Boissonnault. Other measures remain to be announced, they said.
This proportion is about 6.6% in Quebec, which represents 597,000 temporary immigrants, according to the latest estimates by Statistics Canada.
Different ceilings
The second important change is another step backwards: employers will be able to hire up to 10% of their total workforce under the program, as was the case from 2014 to 2022. The current limit is 20% in most industries.
Health and agriculture do not have a ceiling across Canada.
In Quebec, the manufacturing of wood products, furniture and related products as well as accommodation and catering services are still displayed at 30% due to certain exemptions.
There are also 267 professions exempt from these ceilings in the province, some of which are low-wage. This list of professions has expanded in recent years, at the request of the Legault government. Last year, outside agriculture, 63% of temporary worker files in Quebec went through this simplified treatment, without the position being first posted for local workers.
The office of Mr. Boissonnault nevertheless confirmed that the changes would apply to Quebec, while saying he wanted to “work closely with the government of Quebec”.
Finally, the last change announced on Monday concerns the maximum duration of employment, which will increase from two years to one year across Canada.
Other measures requested
The high-wage positions part of the same program is also under the government’s scrutiny, as part of an accelerated general review that will last 90 days. The cabinet will discuss the number of permanent residents and the possibilities of adapting the targets, Prime Minister Trudeau also said.
“The federal government is following the example of our government, namely to reduce the number of temporary foreign workers where manpower is available,” Provincial Immigration Minister Christine Fréchette wrote on X.
Like last week, she urged Ottawa to take action on other non-permanent residents, in particular on the other major temporary work program, the International Mobility Program.
This return to pre-pandemic rules is reminiscent of the 2014 reform of the same temporary foreign workers program. The federal government then deplored that a “last resort” program had not known enough limits and that some employers have, “over time, built their business model according to the [PTET]”.
Dominate the agenda
For Catherine Xhardez, professor of political science at the Université de Montréal, it is no coincidence that the two levels of government act on the same “cogs”: “They are like bolts that can be tightened. And it is the PTET that has the most, even if there are opposing forces on the question of whether we want to tighten them or not. ”
The government is “under popular and economic pressure,” she describes, and wants to show that it is acting, both in Quebec City and Ottawa. The two “play on what they can”, the lever is always the LMIAs. “It is certain that there is a communication effect, of wanting to put yourself on the agenda to show who advances first,” analyzes the political scientist.
The authorities loosened these workings of temporary immigration during the pandemic, both to revive the economy and to make up for the decline in migration from 2020 to 2022. However, it is an addition of small measures, “without a global vision”, that have been put in place, “without us realizing how important the figures were,” she sees. There was indeed “a massive recourse not always very reasoned”, according to her.
Immigration has helped to revive the economy, stressed Mess. Boissonnault and Miller at a press conference. The reply will therefore quickly come from an important player in immigration policy, stresses Ms. Xhardez: employers.
Employers devastated
The Conseil du patronat du Québec (CPQ) was indeed quick to react to this new announcement, like the discontent displayed last week. “A new tile is falling on companies this week. They will have little time to adapt, as the announced changes will take effect within a month, “said Karl Blackburn, President and CEO of the CPQ.
The latest economic forecasts being “optimistic”, he says, the demand for workers could rise again. This program is only a “last resort”, because of the “paperwork and procedures” it represents, he says.
The CPQ also proposes to “facilitate networking with companies” to develop skills corresponding to the labour market, in particular those of asylum seekers.
