Un nombre record de demandeurs d’asile passent désormais par les aéroports
2023/07/21 Leave a comment
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Les passages par voie terrestre irrégulière, dont le chemin Roxham, ont drastiquement chuté au Québec depuis le resserrement de la frontière. Mais le nombre de demandeurs d’asile qui arrivent par avion ne cesse d’augmenter, au point où 2023 pourrait atteindre un sommet similaire à 2022 si la tendance se maintient.
Le gouvernement fédéral a de nouveau loué des chambres pour les accueillir dans au moins un hôtel, confirment des acteurs de terrain. Pour eux, cette nouvelle hausse démontre que la « fermeture » du chemin Roxham « n’a rien réglé » : les deux ordres de gouvernement n’ont toujours pris aucune mesure pérenne, disent-ils, dans un contexte où l’augmentation des demandeurs d’asile est un phénomène mondial.
Au total, en juin dernier, 4620 demandes d’asile ont été comptabilisées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté (IRCC) ainsi que l’Agence des services frontaliers (ASFC), les deux instances fédérales responsables. C’est à peine 20 de moins que pour le mois de juin 2022, où 4640 demandes avaient été enregistrées.
De celles-là, une majorité est arrivée par avion : ils ont demandé l’asile sur-le-champ à l’aéroport ou encore dans un bureau d’IRCC après un certain temps, selon la ventilation des données disponible.
On compte ainsi environ 31 000 demandeurs d’asile pour les 5 premiers mois de 2023 au Québec. Si le rythme d’ajout de plus de 4000 par mois se poursuit, le niveau de 2022 sera atteint, soit un peu plus de 58 000 au total.
Ces arrivées se font par voies régulières, contrairement aux années précédentes, où jusqu’à deux demandeurs sur trois passait par des voies irrégulières, surtout par le chemin Roxham.
Arrivée par voie régulière ou irrégulière, une personne a le droit de demander l’asile au Canada si elle craint la persécution dans son pays d’origine.
Peu importe le point d’entrée, ces demandeurs d’asile ont aussi souvent des besoins d’hébergement, rappelle des organismes, qui déplorent le manque de « solutions pérennes », dit Eva Gracia-Turgeon, directrice générale du Foyer du monde.
Manque de communication
Un moins un hôtel à Brossard a recommencé à loger des demandeurs d’asile arrivés récemment. Au plus fort des arrivées par le chemin Roxham, Ottawa gérait des lits pour plus de 2500 personnes au Québec. IRCC, responsable de ces hébergements, n’a pas été en mesure de confirmer combien de places ont été remises en disponibilité à l’heure actuelle.
Les demandeurs d’asile cognent déjà par eux-mêmes à la porte des organismes, faute d’obtenir des services sur leur lieu de résidence temporaire.
« À notre grande surprise, l’hôtel a été rouvert par le fédéral, mais on n’a pas été avisés », raconte ainsi Mame Moussa Sy, directeur général à la Maison internationale de la Rive-Sud (MIRS). Cette organisation est située à « littéralement quatre minutes à pieds » de l’hôtel à Brossard.
« On n’a pas été mis au courant par le fédéral, mais on les voit, les gens. On a dû improviser pour commencer à les accompagner. On a parlé à d’autres organismes de la région, aussi », expose M. Sy. Il souhaiterait une meilleure coordination, surtout venant des autorités, déplore-t-il.
Les maisons du Foyer du monde sont, quant à elles, aussi pleines. « On a juste déplacé la problématique. C’est normal qu’il y ait plus de gens qui passent par l’avion, car malheureusement, il n’y a pas d’autres moyens de demander l’asile », note Mme Gracia-Turgeon.
Elle croit aussi que la hausse se fera encore plus sentir dans les prochaines semaines et à l’automne, car son organisme est en quelque sorte en deuxième ligne, après l’hébergement d’urgence. « Pour moi, c’est aussi la preuve que “fermer” Roxham n’était pas une solution », dit-elle.
Les conflits armés et les changements climatiques continuent de pousser des millions de personnes à quitter leur pays d’origine, rappelle la directrice communautaire : « Il faut prévoir pour l’avenir, ce n’est que le début. »
L’hiver dernier, le milieu communautaire lançait un cri du coeur pour un meilleur soutien et une meilleure coordination. Le gouvernement avait alors débloqué 3,5 millions de dollars en aide d’urgence. « Mais c’était un plaster et, depuis, aucune mesure n’a été mise en place par les gouvernements », regrette-t-elle.
« On est dans une mouvance mondiale », observe aussi Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). Il n’est donc pas surpris de cette « reprise » des arrivées. La TCRI souhaite voir plus de services pour tous les demandeurs d’asile, y compris ceux hébergés par le fédéral.
« On a l’impression que c’est toujours à recommencer » en termes de besoins et de recherche de ressources, affirme M. Reichhold.
Ailleurs au pays
Le phénomène est aussi bien visible à Toronto, où des dizaines de personnes ont été contraintes de dormir dans la rue, faute de place dans les refuges de la ville.
L’Ontario a également dépassé le nombre d’arrivées à pareille date l’an dernier, avec 21 480 demandes d’asile entre janvier et juin 2023, contre 11 350 en 2022.
Il faut dire que le système de refuges d’environ 9000 places de Toronto accueille à la fois les personnes itinérantes et celles qui cherchent à obtenir le statut de réfugié. La province voisine ne dispose pas d’un mécanisme comme le Québec avec son Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA), financé surtout avec de l’argent d’Ottawa.
Le nombre de nouvelles personnes hébergées au PRAIDA a légèrement fléchi depuis les modifications à l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui ont davantage scellé la frontière. En juin, ce sont 1112 nouvelles personnes qui se sont présentées au PRAIDA, dont la capacité totale est de 1 150 places.
Causes possibles
Les arrivées par avion étaient déjà un phénomène présent depuis 2022, même si peu mis de l’avant dans le discours politique. Alors que le premier ministre François Legault demandait de « fermer » le chemin Roxham à plusieurs reprises l’hiver dernier, Le Devoir avait révélé en mars que la majorité des demandeurs d’asile dans des hébergements gérés par la province étaient arrivés par avion.
La majorité d’entre eux étaient alors des Mexicains, mais depuis, les origines se sont diversifiées. Depuis 2016, ces ressortissants n’ont plus besoin de détenir un visa pour visiter le Canada. Le Mexique continue à être le premier pays d’origine des personnes hébergées par le PRAIDA, mais on compte aussi le Sénégal, le Cameroun, la Colombie et Haïti dans cette liste.
Certains changements pour obtenir un visa de visiteur ont été mis en place récemment, mais IRCC n’a pas pu confirmer au Devoir s’ils étaient liés à cette hausse. Plusieurs voyageurs en provenance de 13 pays qui nécessitaient un visa auparavant peuvent maintenant demander une simple autorisation de voyage électronique, un processus rapide qui ne coûte que 7 $.
Une politique d’intérêt public a aussi été mise en place pour accélérer le traitement des visas de ce type. Elle permet aux agents de dispenser de certaines exigences pour des demandes de visite faites avant le 16 janvier 2022.
Source: Un nombre record de demandeurs d’asile passent désormais par les aéroports

