Girard: La succession de Justin Trudeau et la neutralité religieuse

Signal of past and debates to come:

L’actualité politique et judiciaire de 2025 forcera la personne qui succédera à Justin Trudeau, à titre de chef du Parti libéral du Canada, à se prononcer sur la neutralité religieuse de l’État, et aussi sur la laïcité telle que préconisée par le Québec comme modèle du vivre-ensemble.

Cette personne devra notamment se prononcer sur la décision de la Cour suprême d’accepter ou non de revoir la décision de la Cour d’appel du Québec quant à la validité de la Loi sur la laïcité de l’État. Peu importe cette décision, il en résultera un grand remous, puisque deux visions s’affrontent : le Québec privilégie une approche citoyenne pour favoriser le vivre-ensemble, tandis que le reste du Canada mise sur le multiculturalisme.

En cette période de recrudescence de crimes haineux au Canada, la succession de Trudeau sera aussi appelée à prendre position sur la demande du Bloc québécois (à travers les projets de loi C-367 et C-373), du gouvernement Legault, de même que de nombreuses organisations de la société civile, dont le Rassemblement de la laïcité et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), d’abroger l’exception religieuse du Code criminel canadien lorsqu’il est question de propagande haineuse.
Elle devra également réagir à la réponse du gouvernement Legault au rapport du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne, qui recommande notamment de doter le Québec d’une constitution codifiée qui inclurait les lois fondamentales actuellement en vigueur, dont la Loi sur la laïcité de l’État.

De plus, elle devra être prête à réagir dans l’éventualité où le gouvernement Legault déposerait un projet de loi afin d’interdire la prière dans l’espace public ou encore pour modifier la Loi sur l’instruction publique afin de contrer le phénomène d’« entrisme religieux » observé dans certaines écoles publiques. Ces questions ne font pas l’unanimité et risquent de créer de vives réactions tant au Québec que dans le reste du Canada.

Par ailleurs, si la succession de Justin Trudeau cherche à rééquilibrer le budget, la question des privilèges fiscaux accordés aux organismes de bienfaisance enregistrés qui n’offrent aucun bénéfice social autre que de « promouvoir la religion » pourrait refaire surface. En effet, contrairement à d’autres pays du Commonwealth, le Canada a jusqu’à maintenant refusé de revoir la description des activités de bienfaisance qui donnent accès à des bénéfices fiscaux appréciables. Il préfère maintenir le flou actuel, en se basant sur une jurisprudence qui, elle, s’appuie sur une vieille loi anglaise adoptée en 1601. Ainsi, « l’avancement des religions » est toujours reconnu comme une activité de bienfaisance, ce qui comprend le financement des prêches, les services offerts conformément aux dogmes et aux doctrines religieuses, les lieux de culte, ainsi que les missions de propagation de la foi.

Enfin, tout de suite après les prochaines élections fédérales, cette personne devra aussi se prononcer sur plusieurs sujets liés à la neutralité religieuse de l’État qui sont d’importance pour les Québécois, tels que la pertinence du serment d’allégeance à Sa Majesté et gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre, le roi Charles III, requis pour siéger au Parlement, et déjà contesté par les députés du Bloc québécois, du NPD et certains élus libéraux et conservateurs.

Ou encore la pertinence de maintenir la lecture, en début de séance, d’une prière à la Chambre des communes, et ce, bien que la Cour suprême se soit prononcée, en 2015, contre la récitation de la prière par des représentants de l’État dans le cadre de leurs fonctions. Bien que les assemblées législatives et le Parlement fédéral ne soient pas tenus de se soumettre aux décisions de la Cour suprême, ce point est régulièrement soulevé par le Bloc québécois, qui défend une plus grande neutralité religieuse de l’État.

Bien évidemment, la personne qui remplacera Justin Trudeau à titre de chef du Parti libéral du Canada devra aussi se prononcer sur d’autres sujets d’importance, comme l’immigration, l’économie et la santé. Il n’en demeure pas moins que le dossier de la neutralité de l’État doit faire partie intégrante de ses priorités.

Source: La succession de Justin Trudeau et la neutralité religieuse

 

Unknown's avatarAbout Andrew
Andrew blogs and tweets public policy issues, particularly the relationship between the political and bureaucratic levels, citizenship and multiculturalism. His latest book, Policy Arrogance or Innocent Bias, recounts his experience as a senior public servant in this area.

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